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Avertissement: pour tous les purs et durs, les inconditionnels, les beers geeks de l’industrie de la bière artisanale, respirez. Ou plutôt, ne lisez pas cette chronique tout court. Je traiterai de l’apocalypse brassicole qui vous a déchiré l’âme et dont la douleur perdure plus de cinq ans après le fait, c’est-à-dire la bonne décision (sacrilège!) du Trou du diable (TDD) de vendre à Molson-Coors.

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Il ne fallait pas s’étonner vraiment. C’est comme si un Jedi acceptait de passer du côté noir de la Force. Sans même exagérer, la comparaison tient.

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On doit savoir que le TDD représentait un véritable fleuron québécois du domaine artisanal depuis sa création en 2005.

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Outre la qualité phénoménale de leurs produits, on y trouvait des guerriers féroces et toujours d’attaque pour s’opposer aux gros joueurs de l’industrie de la bière.

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Ils avaient aussi une voix importante au sein du conseil d’administration de l’Association des microbrasseries du Québec, organisme chargé de représenter et promouvoir les bières du terroir québécois.

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Bref, les gars du TDD brassaient de l’excellente bière et «allaient au bat» contre Big beer. Ils incarnaient David contre Goliath.

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Du jour au lendemain, ils sont devenus des Judas qui avaient vendu leur âme. Et les internautes ne se sont pas empêchés de leur dire ou de crier au meurtre dans des groupes de discussion.

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Le mécontentement a été d’une rare intensité.

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L’exemple New Belgium

Si je vous parle de tout ça aujourd’hui, c’est que j’en avais fait la promesse dans une chronique.

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Je suis aussi tombé sur un reportage d’une chaîne de télévision américaine qui m’a ouvert la porte quelque peu.

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Dans celui-ci, on apprend que New Belgium Brewing, une brasserie du Colorado, a récemment décidé d’abandonner la recette de sa bière porte-étendard mythique, la Fat Tire, une broue en vente dans la région. L’objectif premier est d’attirer une nouvelle clientèle, celle des 21 à 29 ans.

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New Belgium a même changé l’apparence du contenu : la bière passant d’une ale ambrée à une ale blonde qui s’apparente davantage à une lager. Et du contenant : l’étiquette est beaucoup plus pâle qu’avant.

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Aille! Aille! Aille!

Comme les puristes, je trouve qu’il est inconcevable de transformer le corps et le goût d’une bière sur laquelle on a bâti notre renommée.

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La brasserie se distinguait autrefois par ses principes, notamment en matière d’environnement et d’atteinte de la carboneutralité. Ils sont également les premiers du domaine brassicole mondial à avoir instauré la philosophie «d’employés-propriétaires», telle que reprise par la Brasserie Beau’s dans l’Est ontarien en 2016.

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Bref, outre que s’enrichir, New Belgium avait une conscience sociale forte, comme on l’aime chez les microbrasseries.

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Comment donc expliquer ce 180 degrés en matière d’intégrité par la métamorphose de sa bière emblématique?

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À vrai dire, il fallait s’y en attendre un peu.

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En 2019, New Belgium a vendu sa business à une entreprise australienne, propriété d’un géant de boissons japonais

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C’est là où le bât blesse.

Les beer geeks ont raison en quelque sorte de critiquer les ventes aux Goliaths de ce monde.

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Les bières artisanales diffèrent trop souvent de goût une fois qu’elles passent à leurs mains. Peu importe ce que disent les nouveaux acheteurs pour rassurer les amateurs initiaux, les recettes changent.

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L’objectif premier est de maximiser la production, ce qui implique des ingrédients moins coûteux et pas exactement identiques...

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Réalités économiques

Alors pourquoi dis-je que le TDD a pris la bonne décision de vendre à Molson?

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Les réalités économiques de l’industrie artisanale, voire de tout entrepreneur, comportent son lot de défis.

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L’amateur de bières qui se pâme devant une Impérale Stout vieillie dans des fûts de bourbon pendant 18 mois goûte au produit final.

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Les propriétaires de la microbrasserie ayant brassé ce savoureux élixir doivent constamment penser aux diverses pressions financières qui mènent à un tel résultat. Les coûts de production et surtout de distribution, les salaires des employées, le loyer, les remboursements de prêts à une banque, les projets d’expansion, la compétition féroce sur les tablettes de magasin voire la faillite font tous partie de leurs préoccupations.

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«L’amateur qui boit sa bière, retourne chez lui et ne stresse pas pour sa job de 9 à 5 du lendemain. La réalité est tout autre pour un entrepreneur qui peut tout perdre, même sa maison», m’a rappelé mon meilleur ami Pierre, qui a piloté son propre commerce pendant près de 20 ans.

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Il a raison.

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Deux côtés de la médaille

Je comprends les deux côtés de la médaille. Je comprends les purs et durs qui tiennent à leurs trésors brassicoles locaux. Je comprends également les pressions du milieu pour y avoir oeuvré au même moment de cette annonce historique.

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En ce sens, au-delà de vendre tous leurs actifs et d’avoir la conscience tranquille, les gens du TDD ont, à mon humble avis, trouvé un bon compromis.

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Devant l’incontournable besoin d’investir d’autres millions de dollars pour répondre à la demande toujours grandissante, ainsi que la réalité des dettes et d’un stress quotidien, les propriétaires ont vendu «leurs maux» à Molson, donc tout ce qui leur causait des nuits blanches.

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Le montant de la transaction n’a jamais été dévoilé. Mais entre les branches, on entend que les proprios en sont ressortis avec un petit gros lot individuel et aucun passif, de quoi à faire des jaloux alors que l’industrie artisanale actuelle en arrache après la pandémie. D’autres propriétaires ont obtenu un pire retour depuis.

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De plus, ils ont assuré l’indépendance du pub, endroit où l’aventure est née. La coopérative de la rue Willow n’a pas été incluse dans la transaction, protégeant des emplois et l’économie locale.

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Ainsi, les bières les plus funky du TDD y continuent d’être produites par les mêmes artisans qui ont à coeur la bière locale, sans interférence.

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Je comprends la frustration de certains. Je comprends aussi la décision du TDD.

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Cinq ans plus tard, il faut peut-être tous ajouter un peu d’eau… à notre bière?

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Évidemment, dans un monde idéal, les microbrasseries ne se soumettraient pas à la tentation de vendre pour se délivrer du Mal.

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