Jeux du Québec: elle ne peut pas jouer son équipe de garçons

Une jeune joueuse de hockey de Gatineau ne pourra pas jouer avec son équipe lors des Jeux du Québec, le mois prochain.

Une jeune joueuse de hockey de Gatineau ne pourra pas jouer avec son équipe lors des Jeux du Québec, le mois prochain. L’attaquante qui évolue avec une équipe masculine de l’Intrépide de Gatineau devra se résoudre à participer à la compétition au sein de l’équipe féminine. Une décision qualifiée d’«archaïque» par son père, qui s’explique bien mal la décision de Hockey Québec.


Pénélope Saint-Pierre est une attaquante de l’Intrépide de Gatineau, au niveau M15AAA et évolue dans une équipe à forte majorité masculine.

Étant donné son niveau, il allait de soi, selon son père, Nicholas St-Pierre, qu’elle puisse participer aux Jeux du Québec, qui auront lieu du 3 au 11 mars prochain, à Rivière-du-Loup, avec ses coéquipiers habituels, bien qu’ils soient des garçons.

«Les paramètres nécessaires pour participer [basé] sur chaque fédération sportive sont sortis en novembre. Pour le hockey, c’est Hockey Québec qui adopte les règlements qui vont être appliqués aux Jeux du Québec. Quand je suis allée voir les règlements, je me doutais de quelque chose, a-t-il raconté au Droit. C’était écrit noir sur blanc que les gars vont avec les gars et les filles avec les filles.»

Devant cette décision qu’il qualifie d’une autre époque, M. St-Pierre soutient avoir eu des discussions à ce sujet avec les entraîneurs locaux, qui auraient approché Hockey Québec sur la question. «De ce que je comprends, ils se sont fait pointer le règlement, too bad so sad

De son propre chef, M. St-Pierre s’est par la suite personnellement adressé aux dirigeants de la fédération, qui n’ont pas bronché sur la question. «On m’a indiqué que ça a toujours été comme ça et qu’il n’y avait aucune exception possible, raconte-t-il. Mais on a évolué comme société. On est en 2023. Le hockey féminin au niveau masculin est plus répandu qu’auparavant. Mais les discussions n’allaient nulle part.»

Deux participations?

Devant ce refus soutenu, Nicholas St-Pierre a levé le drapeau blanc. Sa fille participera aux Jeux du Québec avec l’équipe féminine de hockey de Gatineau. Mais comme les compétitions de niveau masculin se déroulent quelques jours après les compétitions féminines, le père de famille a tenté de trouver un terrain d’entente. Il voulait que sa fille participe aux deux compétitions. «Ça n’a pas été accepté, et c’est là que Hockey Québec a de la difficulté à expliquer sa position», soutient-il. «Si j’ai bien compris, ils pensent qu’elle prendrait la place d’un gars. [...] Il n’y a rien qui a évolué au niveau du hockey dans les 40 dernières années. Ils ont une peur bleue de créer un précédent, que des milliers de filles vont vouloir jouer au nouveau masculin, ce qui est ridicule. Il y en a pas 50 par année.»

«Les Jeux du Québec, tant les garçons que les filles, offrent une compétition relevée et inclusive (regroupant des jeunes du scolaire et associatif, par exemple) pour tous les athlètes. Les Jeux servent également à évaluer les athlètes en hockey masculin en contexte de match avec les garçons et les athlètes en hockey féminin avec les filles dans le cadre du programme de développement provincial», a indiqué par courriel Hockey Québec, «C’est le même principe aux Jeux du Canada vs le programme d’excellence national. C’est un événement qui sert à l’évaluation des athlètes pour le programme national. De plus, à l’instar des Jeux olympiques, ce sont des disciplines différentes.»

Hockey Québec souligne que les regroupements formés pour représenter les régions du Québec aux Jeux ne sont pas formés par des équipes complètes. «Cette formule donne la chance à des joueurs d’autres réseaux, du Réseau du sport étudiant du Québec par exemple, de prendre part à cet événement et de se faire évaluer également. Des dizaines de joueuses quittent momentanément leur équipe (masculine) de saison régulière, jeux après jeux, afin de participer dans le cadre d’un regroupement d’athlètes en hockey féminin de leur région.»

Le Droit a relancé Hockey Québec afin de savoir pourquoi Pénélope St-Pierre ne pourrait pas jouer à la fois pour l’équipe féminine et avec ses coéquipiers, dans l’équipe masculine, mais nous n’avions pas obtenu de retour mercredi soir.

«Nous, on est des pions»

Pour les parents de Pénélope St-Pierre, il suffit de regarder dans l’histoire et de prendre exemple sur certaines contestations semblables qui ont eu lieu dans le monde du sport pour constater que les débats entourant les femmes dans le sport ne datent pas d’hier. Certains de ces dossiers se sont même retrouvés devant les tribunaux, comme l’affaire Blainey c. l’Association de Hockey de l’Ontario et la Commission ontarienne des droits de la personne, dans les années 80, ont-ils cité en exemple. «On est toujours en train de se battre contre la machine, croit Nicholas St-Pierre. Chaque année, c’est à recommencer et Pénélope doit défoncer des portes. [...] Mais nous, on est des pions.»

Questionné à savoir dans quelle mesure il pouvait intervenir dans le dossier, le cabinet de la ministre responsable du Sport, du loisir et du plein air du Québec, Isabelle Charest, rappelle que les règles concernant la formation des équipes relèvent de Hockey Québec, mais soutient être sensible aux enjeux que vivent les femmes et les filles dans le sport. «Nous sommes assurés que la jeune fille pourra être sélectionnée aux Jeux sur une base individuelle, même si elle évolue normalement dans une équipe masculine. Rappelons que la ministre a lancé, en avril dernier, un laboratoire pour étudier la progression des femmes dans les sports au Québec, en partenariat avec les chercheurs de l’Université Laval. Ce laboratoire vise justement à cerner les meilleures façons de faire, notamment sur des questions telles que l’égalité et la mixité en contexte sportif, et ainsi, nous permettre d’appliquer les meilleures pratiques pour favoriser la présence des femmes et des filles dans le sport, qui est une priorité absolue pour la ministre.»

Le cabinet soutient ainsi ne pas fermer la porte à changer les façons de faire éventuellement, en concordance avec les résultats des recherches en cours et les recommandations d’experts, «pour que nos jeunes filles se développent à leur plein potentiel dans leur sport.»

Le Droit a tenté, il y a quelques semaines, de s’entretenir avec l’entraîneur de l’équipe de Pénélope St-Pierre, qui a préféré ne pas accorder d’entrevue sur le sujet.

La jeune joueuse, de son côté, essaie tant bien que mal de ne pas se laisser abattre, soutient son père. «Éventuellement on vient à accepter le sort, croit-il. Mais c’est quelque chose qui la dérange beaucoup. Ma fille adore jouer au hockey. Elle a hâte de participer. Mais si elle ne peut pas jouer avec les gars, elle va être dans les estrades, elle va encourager, prendre des statistiques. Ma fille va tout faire pour être avec son équipe et ne pas la laisser tomber. C’est ce que je trouve encore plus triste, de réduire ma fille à être assise dans les estrades et regarder son équipe jouer.»