À moins que ce ne soit dans un rêve, j’ai le souvenir d’une couverture de la revue L’actualité, il y a de cela bien longtemps, où la rédaction avait mis un prix sur un enfant, quelque 200 000 $ pour l’amener à sa majorité, si ma mémoire est bonne. Ç'avait provoqué des remous. J’ai moi-même réalisé comment ce sujet pouvait être délicat quand, alors que je pilotais un magazine, mon patron m’avait fait une scène parce que dans un article, nous avions osé ce conseil aux jeunes couples impatients d’engendrer Kevin : retardez donc vos ambitions de procréation si vos finances battent encore de l’aile. Selon mon boss de l’époque, fier papa de trois filles, l’argent ne pouvait entraver un si beau et viscéral projet, qu’importe son prénom.
Insistons : un mioche s’accompagne d’une facture, ce qui n’est pas une révélation pour la plupart des parents. Pour les autres que ça rend mal à l’aise, je vous rassure, il n’y a rien là pour ternir l’amour parental.
Mais voilà, au Québec, cette facture est assumée plus ou moins par l’ensemble des Québécois, c’est l’angle un peu provocateur que j’ai choisi pour rapporter le contenu d’une étude au titre qui appelle la sieste d’après-midi : Familles et fiscalité au Québec, le point après 25 ans de politique familiale. Ils sont bons et prolifiques les chercheurs de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’université de Sherbrooke, mais pour ce qui est de frapper fort avec les mots, ils sont plus timides.
Que nous raconte l’étude? Elle avance des chiffres sur le coût des enfants, ce qui n’est pas rien. Elle évalue surtout le soutien financier accordé aux familles par les gouvernements. Elle n’explore pas tous les cas de figure possibles, elle se limite aux ménages comptant deux parents et deux enfants et aux familles monoparentales avec enfant unique.
Combien coûte un enfant
Évidemment, la facture que représente un bout de chou de sa naissance à sa majorité variera d’un ménage à l’autre. Pour une famille, évaluer exactement ce qui lui en coûte reste un défi.
Aux fins de leur enquête, les chercheurs ont dû quand même proposer un montant. Ils se sont basés sur diverses méthodes de calcul : l’écart des dépenses entre différents types de ménage (avec et sans enfants); la rétribution des familles d’accueil; la fixation des pensions alimentaires.
En général, le coût d’un enfant augmente avec l’âge et avec les revenus des parents. Un deuxième et un troisième enfant pèsent moins lourd financièrement que le premier en raison d’une économie d’échelle.
Alors, quel est le chiffre retenu? C’est 12 000 $ en moyenne par année pour un jeune, soit 216 000 en dollars constants de sa naissance à sa majorité. Le coût annuel pour deux enfants monte à 18 500 $, soit 333 000 $ pour les amener à l’âge où ils pourront légalement franchir les portes de la SAQ.
Notez que les parents ne cessent pas de payer au 18e anniversaire de Kevin, mais ce bout-là n’est pas couvert dans la recherche, d’autant plus que le soutien financier de l’État s’arrête en bonne partie là.
Jusque-là, dites-moi, trouvez-vous que c’est proche de votre réalité?
Poursuivons.
Le soutien financier aux familles
L’étude se penche sur les mesures sociofiscales qui visent à couvrir une partie des coûts associés à la présence d’enfants mineurs chez un ménage. Ça va de l’aide sociale aux allocations familiales en passant par divers crédits d’impôt. Cela exclut les congés parentaux.
Le soutien pécuniaire accordé aux parents varie en fonction de leurs revenus. Pour deux parents gagnant le salaire minimum, les chercheurs évaluent à 18 094 $ par année l’aide financière allouée pour deux enfants. Sur 18 ans, et pour peu que les paramètres se maintiennent, cela représente une somme de 320 000 $. Pour un ménage à faible revenu, l’État couvre donc 96 % des coûts liés à la présence des jeunes.
Pour une famille de la classe moyenne avec des revenus de 105 00 $, le soutien diminue à 9 594 $ en moyenne par année, toujours pour deux petits. Sur une période de 18 ans, l’aide financière totale s’élève à 168 000 $, soit 50 % du coût estimé de la progéniture.
Une autre façon de considérer le soutien financier apporté aux parents consiste à comparer leur revenu disponible à celui des couples sans enfant, avec des salaires égaux. Par exemple, deux parents gagnant des salaires combinés de 70 000 $ profitent d’un revenu disponible de près de 69 000 $. Sans enfants, le même couple aurait 24 % moins d’argent dans ses poches.
Tout ça grâce au soutien financier de l’État. Le Québec reste un des endroits au monde où les familles sont les plus choyées.
Je suis tout à fait pour ça, ne vous méprenez pas sur mon intention. Mais c’est la preuve par deux qu’une progéniture vient avec un prix.
(P.S. J’aime ça dire «mioche», c’est plus fort que moi.)