Vous ne trouvez pas qu’il y a un parallèle à faire avec l’installation des pneus d’hiver? La plupart des automobilistes passent voir le «garagiste», d’autres roulent sur des «quatre saisons» jusqu’au moment de prendre le clos, et il s’en trouve quelques-uns pour faire la job eux-mêmes.
J’ai un ami comme ça pour qui changer les pneus sur son char représente une source de fierté, une opération à laquelle son fils a d’ailleurs assisté pour la première fois l’année dernière lors d’un rituel initiatique. Le même ami me confiait récemment ressentir autant de satisfaction à faire ses impôts, une compétence qu’il ne manquera pas de transmettre à sa progéniture.
Ce n’est pas mon cas, je déteste tout ce qui s’apparente à de la «paperasse», surtout quand ça implique de potentielles interactions avec la machine gouvernementale, ce qui fait de moi un fier participant à l’économie des services. Je n’ai jamais fait moi-même ma déclaration de revenus, je m’accroche à ma comptable depuis plus de deux décennies. Je remercie le ciel qu’on ait pu développer des atomes crochus avec les années, car je suis un des derniers particuliers à qui elle fait encore l’honneur de gérer les affaires. Elle est gentille et de bon conseil.
Compte tenu de la valeur que j’attribue à mon temps, particulièrement en dehors des heures ouvrables, les honoraires de ma comptable m’apparaissent très raisonnables. Vous me demanderez peut-être pourquoi je ne confie pas aussi mon ménage et la préparation des repas en sous-traitance. Au contraire de ma déclaration de revenus, les tâches domestiques me détendent, et une erreur dans ce domaine ne risque pas de me coûter très cher ou de me piéger dans un dédale administratif.
J’ai failli perdre ma comptable, donc. J’aurais eu du mal à m’en remettre. Tout le monde n’a pas cette chance, depuis deux ou trois ans, de nombreux clients se sont vus larguer.
C’est que même les comptables commencent à trouver ça irritant, faire les impôts. Au plus fort de la pandémie de COVID-19, les complications liées aux programmes d’aide financière comme la PCU ainsi que les nouvelles déductions rattachées le télétravail ont provoqué une forte demande pour les services des préparateurs d’impôt, tout en complexifiant leur travail. Entre-temps, les normes qui encadrent leur pratique se sont alourdies, ce qui fait que le traitement et le suivi des dossiers accaparent de plus en plus d’heures.
«Beaucoup de praticiens ont décidé de prendre leur retraite à cause des nouvelles normes comptables. De plus, les années COVID avec tout le surplus d’ouvrage à cause des subventions, combiné au manque de main-d’œuvre, font qu’on est à bout», explique le comptable Éric Brazeau, qui exploite un gros bureau dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu. Il déplore aussi que la saison des impôts se trouve de plus en plus concentrée. Du début mars à la fin avril, c’est connu, les comptables n’existent plus.
Même son cloche de la part de son collègue Simon Elliott, qui dessert plusieurs centaines de particuliers depuis son bureau installé chez lui, à Longueuil : «Bien que le gouvernement se vante parfois de réduire la paperasse, dans la pratique, c’est tout le contraire qui se passe. Les dossiers sont de plus en plus compliqués à traiter. Les logiciels et les services électroniques s’améliorent et permettent d’automatiser certaines tâches, mais d’un autre côté, les règles fiscales se complexifient constamment. Bon nombre de dossiers exigent des analyses techniques et de nombreux échanges avec les clients.»
Ni Brazeau ni Elliott n’acceptent de nouveaux protégés, malgré la forte demande. Quant à ma comptable, elle s’en déleste.
Sans quitter le métier, des professionnels abandonnent progressivement la clientèle des particuliers pour se concentrer sur le marché corporatif, c’est-à-dire l’impôt des sociétés. S’ils traitent encore les dossiers de certains individus, ils se limitent aux actionnaires des entreprises dont ils s’occupent déjà.
Si vous cherchez quelqu’un pour régler vos histoires d’impôts, n’attendez pas, la quête s’annonce ardue encore cette année. Vous avez jusqu’au 1er mai pour remplir votre déclaration, ou jusqu’au 15 juin si vous avez des revenus d’entreprise.
Dernier appel pour le chèque de 600 $
Autre date à retenir : 30 juin 2023. C’est la limite pour produire sa déclaration de revenus de 2021 afin de recevoir le chèque anti-inflation de 400 $ ou 600 $ de gouvernement du Québec qui a fait tant jaser l’année passée.
La plupart des contribuables admissibles ont touché leur argent (600 $ pour les particuliers qui ont gagné moins de 50 000 $ en 2021; 400 $ pour ceux dont les revenus se situaient entre 50 000 $ et 100 000 $). Toutefois, beaucoup de jeunes qui ont eu 18 ans en 2022 (ou leurs parents) risquent de laisser ce cadeau sur la table.
En 2021, des adolescents n’ont peut-être pas travaillé suffisamment pour justifier une déclaration de revenus. Avec un chèque de 600 $ à la clé, ça vaut maintenant la peine. Avec un bon comptable, c’est le genre d’occasion qu’on ne rate pas.