Aumont sort de l’enclos et remonte sur la butte

Phillippe Aumont laissera ses champs de ferme pour le champ de baseball au mois de mars alors qu’il reprendra sa place sur le monticule avec l’équipe canadienne à la Classique mondiale de baseball.

Beaucoup de choses se sont passées dans la vie de Phillippe Aumont depuis qu’il a été le lanceur par excellence de la Ligue Can-Am avec les Champions d’Ottawa et le joueur le plus utile de l’équipe canadienne senior en 2019.


Au sommet de son art à l’hiver 2020, le Gatinois était au camp d’entraînement des Blue Jays de Toronto quand la COVID a paralysé le monde entier.

À 30 ans, l’ancien des Phillies de Philadelphie avait décidé de rentrer dans ses terres pour prendre sa retraite du baseball.



Il s’est procuré une ferme avec sa conjointe Frédérique Déry près du club de golf Le Sorcier. Ils ont commencé à cultiver des légumes, ont eu un deuxième enfant. La Ferme Alternative a ensuite laissé tomber les légumes pour se tourner graduellement vers l’élevage d’animaux comme des brebis et des porcs.

Le toit de leur maison a été incendié. La famille a vécu dans une roulotte pendant sept mois. Durant cette transition, l’ancien choix de première ronde des Mariners de Seattle est aussi devenu fonctionnaire.

Depuis trois ans, le géant de 6′7′' n’a pas eu le temps de lancer plusieurs balles.

Et pourtant, à 34 ans, il va laisser momentanément son enclos porcin pour remonter sur le monticule le temps d’un tournoi d’envergure au mois de mars.



C’est dans l’uniforme du Canada que le lanceur devenu fermier a connu ses meilleurs moments en carrière, notamment lors de la conquête de la médaille d’or aux Jeux panaméricains en 2015.

Quand l’appel de Greg Hamilton de Baseball Canada est venu, il n’a pas pu refuser.

« Des fois, il m’arrive d’avoir une montée d’adrénaline quand mon gros verrat de 500 livres me fonce dessus en me coinçant dans un coin de l’enclos! J’aime me tirailler avec mon Tuxedo. Il n’est pas méchant. Il veut jouer. Sauf que mon Tux ne me procurera jamais de montée d’adrénaline comme si j’avais à me retrouver devant Mike Trout, une superstar qui gagne 40 millions $ par année! »

—  Philippe Aumont

Phillippe Aumont a beaucoup donné à l’équipe nationale canadienne. Il a notamment représenté le pays à la Classique mondiale de baseball (WBC) en 2009, puis en 2013. Même s’il n’a pas lancé depuis quatre ans, il avait le goût de relever le défi.

«Plus jeune, j’étais dans une situation perdant-perdant dans un tournoi d’une telle ampleur. On s’attendait toujours à ce que je performe. Là, peu importe ce qui arrivera, ce sera gagnant-gagnant. Si je me fais rincer, ce sera normal étant donné mon inactivité. Et si ça va bien, ça va être débile! Et je ne me gênerai pas pour le démontrer!»

Après avoir répondu à l’appel de son pays, Aumont s’est remis à lancer avec le programme sport/études de la polyvalente Nicolas-Gatineau. Il a dû s’arrêter trois semaines en raison d’un mal de dos, mais il a repris le dessus maintenant.

«J’ai le même contrôle de mes lancers qu’à l’époque où j’ai quitté en 2019. Il faudra voir comment ça va se passer en situation de match. Je n’ai pas de radar. Ça m’étonnerait que j’atteigne encore 94 ou 95 miles à l’heure comme dans le temps, mais ça, les dirigeants le savaient déjà avant de m’appeler. De toute façon, dans mes dernières années, j’avais déjà commencé à sacrifier la puissance en faveur de la précision. J’aimais le jeu d’échec avec le frappeur et mélanger mon arsenal de tirs.»



À 34 ans, Phillippe Aumont se prépare à entrer dans une compétition majeure qui regroupera 20 pays du 11 au 21 mars en Arizona et en Floride autant qu’à Taïwan et au Japon.

Le plus grand souci

Son plus grand souci n’était pas vraiment de dépoussiérer son gant et ses souliers à crampons. Sa vie a beaucoup changé depuis quatre ans.

«Je n’avais jamais fermé les livres pour revenir au jeu avec le Canada. J’ai toujours été clair là-dessus. Tant que mon corps pourra, je voudrai continuer à représenter le Canada. Il fallait cependant que ma situation familiale me le permette. Je vais laisser Frédérique avec deux jeunes enfants et des animaux. Ça prenait du support pour que j’accepte de participer à l’aventure. Je serai parti au moins 10 jours.»

Ce n’est pas d’hier que le Canada a recours à des joueurs à la semi-retraite pour participer à des compétitions internationales.

«Nous avons de la difficulté à remplir un alignement complet en raison d’un paquet de facteurs administratifs, politiques ou encore d’assurances. Ce ne sont pas tous les joueurs qui veulent risquer une blessure et une carrière pour un tournoi.»

Dans quelques semaines, Aumont laissera sa vie tranquille à la campagne pour retourner sous les projecteurs. Il fallait voir ses yeux s’illuminer pour comprendre sa motivation.

Farmer Phil rêve à Mike Trout

«J’aime être seul dans mes affaires à la maison, mais ça va être tout un feeling de retourner faire la compétition avec les gars des Ligues majeures. Le stade va être plein à craquer pour le match contre les États-Unis et contre le Mexique aussi. Ça va prendre des nerfs d’acier. Sérieusement, j’espère pouvoir regarder Mike Trout dans le blanc des yeux. Il aura à justifier son gros salaire! Je suis dans un autre monde maintenant. Farmer Phil qui est aussi fonctionnaire aura la possibilité de le passer dans la mitaine après avoir été arrêté depuis quatre ans!»

S’il remonte sur la butte, c’est aussi pour s’amuser et non pour préparer un éventuel retour au baseball professionnel. Il répond même avec un «non» catégorique quand on lui suggère cette possibilité.



«Le rythme de vie des ligues mineures ne m’intéresse plus. Si ce tournoi ravive un intérêt des équipes du Japon ou de la Corée, j’étudierais la question. Pour le reste, il y a encore des Jeux panaméricains au Chili en octobre 2023 et un autre tournoi du Premier-12 à venir. Je n’ai peut-être pas fini...»

Les lanceurs de baseball sont toujours dans la fleur de l’âge à 34 ans. Toujours en quête d’aventures, Phillippe Aumont semble vouloir ajouter quelques chapitres à son oeuvre inachevée.

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Après six ans d’absence, le retour d’un tournoi d’envergure

Annulée en raison de la pandémie en 2017, la Classique mondiale de baseball (WBC) est de retour pour la première fois depuis 2017.

Le Gatinois Phillippe Aumont a sorti son vieux gant rouge aux couleurs du Canada pour se préparer à affronter les meilleurs joueurs de baseball au monde après quatre ans d’inactivité.

L’événement quadriennal est inspiré du modèle de la Coupe du monde de soccer. Sa cinquième édition rassemblera un nombre record de 20 pays du 11 au 21 mars prochains en Arizona et en Floride aux États-Unis de même qu’à Taïwan et au Japon.

La formation des 30 joueurs de l’équipe canadienne compte 10 joueurs qui ont évolué dans les Ligues majeures à un moment ou un autre de la saison 2022.

Le groupe sera mené par Freddie Freeman des Dodgers de Los Angeles. Le joueur de champ intérieur a été le joueur le plus utile de la Ligue nationale en 2020. Il a également participé à six matches des étoiles de la MLB.

Tyler O’Neill a quant à lui remporté deux gants d’or à titre de voltigeur des Cards de St-Louis alors que Bo Naylor protège le marbre des Guardians de Cleveland. Les Québécois Abraham Toro (Brewers de Milwaukee) et Otto Lopez (Blue Jays de Toronto) font aussi partie de la formation canadienne alors que d’autres grands noms comme Joey Votto et Charles Leblanc ont opté pour la prudence en ne participant pas à la compétition qui se tiendra pendant les camps d’entraînement du baseball majeur.

Au monticule, l’équipe canadienne pourra miser sur deux bras des Ligues majeures en Nick Pivetta (Boston) et Cal Quantrill (Cleveland).

Phillippe Aumont a surtout été un lanceur partant avec l’équipe nationale et la tradition pourrait se poursuivre même s’il a été inactif depuis 2019.

«Ils pourraient me demander de lancer deux ou trois manches pour commencer un match ou m’amener en relève à un jeune partant», pense le géant de 6′7′'.



Le Canada aura deux matches hors-concours en Arizona pour se préparer au tournoi. Il se frottera d’abord aux Cubs de Chicago le 8 mars et aux Mariners de Seattle le lendemain.

Insérés dans le groupe C du tournoi, les Canadiens affronteront les puissances des États-Unis, du Mexique et de la Colombie à Phoenix. La Grande-Bretagne fait aussi partie du groupe, mais elle n’aligne pas de joueurs des Ligues majeures.

Cette portion du tournoi va se dérouler du 11 au 15 mars. Les deux premiers de chaque groupe vont ensuite accéder aux rondes éliminatoires à Miami. Les quarts de finale se tiendront les 17 et 18 mars, les demi-finales les 19 et 20 mars alors que la finale aura lieu le 21 mars.

Le Canada n’a jamais pu sortir de la phase préliminaire depuis les débuts de ce tournoi d’envergure en 2006. Les États-Unis sont les champions en titre.

Une bourse globale de 6 millions $US serait à l’enjeu. Chaque équipe qualifiée serait assurée de 300 000 $ (150 000 $ pour la fédération et 150 000 $ pour les joueurs). Les bourses augmenteront selon le rendement de chaque équipe.

«Il y a des bourses, mais ce n’est pas l’enjeu principal de cette compétition. Il y aura plusieurs vedettes du baseball majeur. Les États-Unis ont un club redoutable. Il y a des rivalités incroyables dans ce tournoi et nous sommes d’abord attirés par la fierté de représenter nos pays respectifs», avance Phillippe Aumont.