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Les membres du jury de ce prix littéraire ont fait valoir que l’œuvre de M. Awuney est impressionnante.

«Le jury tenait à récompenser, cette année, l’impressionnant travail de l’auteur Edem Awumey sur son œuvre Noces de coton, écrit Antoine Geslin, président du jury dans un communiqué de presse publié ce lundi. Par une œuvre percutante et dynamique, il vient lever le voile sur la sinistre réalité des planteurs de coton face aux lobbys des multinationales, tout en démontrant une plume aussi habile que séduisante. Il n’en fallait guère plus pour conquérir l'ensemble des membres du jury.»

Installé à Gatineau après avoir passé quelques années en France, l’auteur originaire du Togo a six romans à son actif. Son premier, Port-Mélo, publié en 2006, a récolté le Grand prix de littérature de l’Afrique noire. En 2009, son deuxième roman intitulé Les pieds sales a été sélectionné pour le Prix Goucourt.

L’œuvre de Edem Awumey ne s’arrête pas là. Il publie tour à tour Rose déluge en 2012, Explication de la nuit en 2013 et Descent into night (traduction de Explication de la nuit et qui a été récompensé par un prix du gouverneur général en 2018).

Sa dernière fiction, Mina parmi les ombres parue chez Boréal en 2018, raconte le périple d’un photographe afro-québécois sur les traces de sa muse disparue dans un pays d’Afrique en proie à la fureur de l’intégrisme religieux.

Ses romans s’inscrivent pour une bonne part dans les lieux imaginaires de l’enfance, du voyage et de la mémoire, rappelle-t-on dans ce communiqué de presse.

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L’histoire

Noces de coton, qu’il a publié chez Boréal en 2022, est son dernier effort. La trame du roman se déroule dans une ville africaine située quelque part entre le Sahel et la côte atlantique. Le planteur de coton Toby Kunta prend en otage un journaliste berlinois dans la salle d’exposition d’un musée.

L’homme demande un dédommagement de plusieurs millions de francs pour lui-même et un groupe de paysans ruinés par la production de coton transgénique. Alors que le ton monte à l’intérieur du musée et qu’un bras de fer s’engage avec le chef de la police, Kunta se met à brûler une à une les œuvres exposées et menace de faire de même avec son prisonnier s’il n’obtient pas justice.

Le roman est décrit comme un «huis clos au rythme haletant, où les mots et les gestes vibrent de colère et d’espoir».

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Le nom de la société américaine n’est jamais cité dans ce roman à paraître ce 25 janvier, mais la cible est à peine cachée. Il est, au détour des pages, explicitement question de la graine Bollgard du coton Bt – une patente de Monsanto – et des effets catastrophiques du soi-disant «miracle» transgénique sur les économies locales à travers la planète.

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Le roman, qui braque essentiellement sa lorgnette sur le pays africain (jamais nommé, comme souvent chez Awumey) qui sert de cadre à son récit, ouvre en effet des parenthèses ‘glyphosatées’ sur la situation de l’agriculture en Ouzbékistan et au Bangladesh. Cela, pour mieux parler, subtilement mais sans ouate, d’une «révolution verte» ratée et de ces «petits» paysans africains «rongés par l’enfer capitaliste» – image moderne, néocoloniale, d’une «exploitation de l’homme par l’homme» qui débute dans les champs de coton des États-Unis, à l’époque du régime esclavagiste sudiste.

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«C’est un voyage sur la route du coton, pas seulement en Afrique, mais ailleurs dans le monde, aussi.

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Car, comment rester indifférent a cela? » résume le Gatinois, auteur acclamé de «Port-Mélo» et de «Mina parmi les ombres», entre autres. Et d’ajouter : «il ne s’agit pas nécessairement de faire changer les choses, mais essayer au moins de faire quelque chose» avec les connaissances qu’il accumulées sur le sujet des OGM (organismes génétiquement modifiés).

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Ce huis clos est pour Edem Awumey «une façon d’écrire et de dire autrement l’histoire – la grande et la petite – et l’injustice qui, pour une bonne part, perdure» depuis la traite des Noirs et le commerce triangulaire.

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Le fil de l’histoire via la fibre du coton

En remontant l’arbre généalogique de ses deux protagonistes – et en particulier celui du preneur d’otage, le vieux Toby, dont le regard se perd sur une photo de son ancêtre, zébrée de marques comme le dos de cet aïeul, esclave sur une plantation de l’Alabama, vers 1870, et fouetté au sang – Awumey tisse aussi une histoire noire indissociablement liée au coton... une histoire indiciblement «n...», ce mot qu’il nous est difficile d’écrire ou d’entendre, et qui éclate insolemment dans son roman.

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Le Mal, suggère une lecture rapide de Noces de coton, n’a peut-être rien fait d’autre que changer de visage ou de costume. Mais ce Mal, nous corrigera l’auteur en entrevue, n’est pas forcément là où l’on regarde.

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Zak, le personnage, très Faustien, qui incarne cette Firme tentaculaire et son coton pourri, brunâtre et délétère, est plus ambigu qu’il n’y paraît à première vue, fait observer le romancier. Toby, itou, puisque «le coton a payé ses études». Et, du bourreau et de la victime, Awumey ne jetterait pas la pierre au premier venu, l’auteur préférant «probablement» conserver son blâme pour le plus passif des deux.

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«Le Mal, ce n’est pas nécessairement la technologie : c’est quand rien n’est fait. Le Mal, c’est quand on reste les bras croisés. Toby porte cette colère, cette hargne, et il a décidé de ne plus être un perdant. La question [au cœur du roman], c’est ‘qu’est-ce qu’on fait avec cette frustration?’ Lui, il a opté pour une action assez violente... moi, j’agis en essayant de faire un modeste livre.»

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«On peut remettre en question la pertinence de son action, estimer que c’est vain ou pas, mais au moins il est debout, Toby», tandis que sa victime, elle, est cantonnée à un rôle d’observateur, de «nature morte».

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Que ce soit par candeur ou par posture, l’otage cherche à établir un pont avec son ravisseur, car «le possible donne espoir». Son regard «un peu plus nuancé» de l’otage permet toutefois de «mettre les choses en perspective», mais son supplice va aussi «devenir un cadeau» que lui fait son tortionnaire, observe Edem Awumey – pour qui «le pont n’existe pas entre la fange et les paillettes. On continue d’asservir l’Autre, ce n’est pas un cliché que de répéter cela.»

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Sans manichéisme

«Toby veut foutre le feu, foutre la pagaille, pour qu’on l’entende une fois pour toutes. Et M. Awumey ne veut pas lui donner tous les torts à son bourreau qui, «dans le feu de l’action», fait figure d’antihéros. Ou de sonnette d’alarme, du moins. Car, «si rien n’est fait [pour régler] les problèmes de climat et d’environnement, si on [persiste à fermer les yeux] sur la précarité permanente des paysans qui continuent de nous nourrir, ce sera la grande explosion dans un moment. Ce sont les fondements de bien des sociétés qui méritent d’être secouées...»

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Edem Awumey se garde pourtant bien de jouer au donneur de leçon.

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Son roman n’a rien de manichéen. «Toby en veut à la Firme, mais il en veut aussi à ses semblables, qui ont sans doute accepté trop vite d’entrer dans cette aventure foireuse (le miroir aux alouettes des OGM). Je n’irai pas jusqu’à dire que les torts sont partagés, mais il y a quelque chose de l’ordre de la remise en question.»

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Noces de coton,

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Edem Awumey

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256 pages; Boréal

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Rencontres

L’auteur participera à un café rencontre avec les étudiants du Cégep de l’Outaouais le vendredi 24 février à 12h30, au café Contraste du campus Gabrielle-Roy. Pour l’occasion, il sera en compagnie de l’actrice Emmanuelle Tremblay, lauréate du prix littéraire du Salon du livre du Saguenay-Lac-St-Jean.

Le lendemain, soit le samedi 25 février, il recevra son prix dans le cadre d’une cérémonie organisée au Salon du livre de l’Outaouais (SLO). Ce sera également l’occasion pour lui de rencontrer les lectrices et lecteurs qui visiteront le SLO

Il est à noter que ce prix s’accompagne d’une bourse de 2000$.

Outre M. Gestin, le jury du Prix littéraire Jacques-Poirier est complété par Megan Payne et Alexandre Gauthier.

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