À la garderie de ma fille aussi, quand elle était plus jeune, chaque groupe portait le nom d’une créature. Il y avait le groupe des mésanges, le groupe des pingouins, le groupe des pinsons…
Si bien que mercredi après-midi, je me posais la même question que tout le monde.
Comment quelqu’un peut-il en venir à foncer délibérément avec un autobus dans une classe de papillons?
Mais oui, pourquoi s’en prendre à des enfants? À des créatures si fragiles, si innocentes? N’est-ce pas censé être ce qu'on a de plus précieux?
Comble de l’horreur, tout porte à croire que le chauffeur d’autobus a visé délibérément la garderie. Qu’il a accéléré, volontairement, pour foncer à toute vitesse dans le mur, avant d’écraser des enfants sous sa masse.
Le chauffeur était-il dérangé, en état de détresse psychologique?
Des témoins racontent qu’après son geste, il est sorti de l’autobus en criant, qu’il a retiré tous ses vêtements et qu’ils ont dû se mettre à plusieurs pour le maîtriser avant l’arrivée des policiers. Ceux-ci ont eu également toutes les misères du monde à lui passer les menottes tellement il était survolté.
Un comportement erratique, hystérique, qui laisse croire à un problème de santé mentale. «Il était dans un autre monde, on l’a frappé pour le maîtriser», a raconté un des témoins. L’enquête et l’évaluation psychiatrique nous en diront plus. Mais le crime est tellement odieux, tellement horrible, qu’on souhaite presque que ce soit l’oeuvre d’un fou. La seule idée qu’un être humain ait pu viser des enfants de sang-froid, en toute présence d’esprit, dépasse l’entendement.
En voyant les images de Laval, j’ai repensé au 4 avril 2013 à Gatineau. Ce jour-là, un vendredi frisquet, un homme a pénétré dans une garderie Montessori de Gatineau armé d’une carabine de chasse. Je me rappelle avoir assisté aux mêmes scènes déchirantes qu’à Laval. Au même défilement de parents inquiets, en pleurs, s’agrippant aux petites créatures fragiles qu’ils venaient récupérer derrière les rubans jaunes du barrage de police. À la différence qu’en 2013, il n’y avait pas eu d’enfants parmi les victimes. Le tireur de Gatineau visait une employée de la garderie.
À l’époque aussi, on s’était demandé ce qui avait poussé un homme à commettre un acte aussi extrême devant des bambins. Comme aujourd’hui, on s’était fait la réflexion qu’une garderie est un endroit où nos enfants sont censés être en sécurité, dorlotés, aimés. Un endroit où on laisse nos enfants le matin, l’esprit tranquille, en se disant qu’on les récupérera sain et sauf, le soir venu. Encore une fois, l’horreur est venue ébranler cette certitude.
Dans les reportages en direct de Laval, j’ai entendu un père s’indigner contre les «malades» qui courent les rues. Et c’est vrai qu’après presque 3 ans de pandémie, on sent beaucoup de pression dans l’air. Les confinements, l’isolement, les restrictions sanitaires ont prélevé leur tribut sur la santé mentale de la population. Nos institutions ont un rôle à jouer pour s’assurer que des individus en crise ne courent pas les rues.
Mais on a aussi tous une responsabilité collective, disait le psychologue Paul Langevin en entrevue à LCN. Quand on voit un ami, un collègue, un voisin qui ne va pas bien, c’est notre responsabilité de le signaler aux autorités, c’est aux médecins d’avertir un responsable. Dans le cas du chauffeur de Laval, ajoute-t-il, «je ne peux pas dire s’il y avait des signes avant-coureurs. Mais normalement, il y en a.»
Il reste qu’une grande question demeure, après cette tragédie. Pourquoi? Pourquoi des papillons?