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Première préoccupation:

Nous avons été profondément outré-es de la présence sur notre campus d’un représentant officiel d’une dictature qui n’a cessé, au fil des dernières années, de se durcir tant au niveau interne qu’international, sans que ce représentant ne puisse directement être soumis à la libre confrontation et à la contradiction de la part de l’auditoire tel que l’exigent les règles élémentaires de la démocratie. Dès lors que l’ambassadeur de Chine souhaitait assister à un événement organisé par l’Université d’Ottawa, s’adresser à des auditoires de l’Université d’Ottawa ou utiliser les installations de l’Université d’Ottawa, il aurait dû être soumis aux normes de liberté académique et de débat ouvert qui s’appliquent ou devraient s’appliquer à toutes les activités se déroulant à l’Université d’Ottawa.

Deuxième préoccupation:

L’entrave à la liberté de la presse et au droit à l’information qui répondait aux exigences de l’invité, lequel s’opposait à la présence de caméras dans la salle à peine d’annulation de la conférence, est aussi inacceptable qu’affligeante de la part du représentant d’une université qui se veut à l’avant-scène de la défense des droits de la personne. Est-ce à dire que les droits fondamentaux sont négociables au sein de l’Université d’Ottawa et qu’ils n’ont de force que la force des mots ? A cet égard, interdire l’accès de nos locaux aux journalistes n’était pas qu’une simple « mauvaise décision », il s’agissait de bien plus que cela, soit un acte incompréhensible de soumission devant le représentant d’une dictature, en même temps qu’il vidait de tout contenu l’une des missions essentielles de notre université, à savoir la défense du droit à l’information.

Troisième préoccupation:

A sa demande encore, les stores de la salle de conférence ont été baissés afin de cacher à la vue de l’invité, qui risquait de s’en trouver offusqué, la manifestation en soutien aux Ouïghours, qui avait lieu au même moment à l’extérieur du bâtiment. Une exigence à laquelle notre Recteur n’a opposé aucun refus. Le confort du représentant d’une dictature n’est sûrement pas plus important que la légitimité des démonstrations pacifiques dénonçant les crimes contre l’humanité commis en Chine contre cette communauté ethnique et religieuse. Est-ce à dire que la politique d’inclusion de tous et de toutes, mise de l’avant, ces dernières années, par l’ensemble de nos instances facultaires et présentée comme le porte-drapeau emblématique de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être, peut être remise en cause sur la base des seuls désiderata de n’importe quel représentant officiel d’État ? Quel message un tel geste était-il supposé envoyer aux manifestant-es, aux étudiant-es chinois-es dissident-es, et, plus largement, à l’ensemble de nos étudiant-es, toutes nationalités confondues, sinon celui d’une renonciation facile de la défense de nos propres valeurs ? Certes, notre Recteur s’est, ensuite, excusé auprès des médias, trop peu, trop tard, trop mal. Il n’a pas jugé utile, en revanche, de présenter ses excuses aux personnes qui ont été profondément choquées par ses « mauvaises décisions », des personnes qui croyaient appartenir à une institution porteuse de valeurs démocratiques fondamentales.

Face à ceux et celles qui, en Chine, risquent leur vie pour un peu plus de démocratie dans un pays qui en ignore tout, notre Recteur, dans un pays qui n’en ignore rien, n’a pas même honoré ses propres mots pourtant maintes fois répétés lors de ses discours publics, des mots qui clament l’importance essentielle de la liberté et de la démocratie. Lorsque ces valeurs ne sont portées que par le vide du verbe, il ne nous reste que notre volonté individuelle de ne pas plier. Cette lettre se veut les mots et le verbe en action de ceux et celles qui refusent de plier. En ces temps de plus en plus difficiles, il ne devrait y avoir aucun doute que les valeurs fondamentales de l’académie – de notre université – sont scrupuleusement assurées en principe et en fait.

Ivaylo Kraychev, professeur à temps partiel, n.l.t., Faculté de droit

Muriel Paradelle, professeure agrégée., Faculté de droit

Vincent Caron, professeur agrégé., Faculté de droit

Ghislain Otis, professeur titulaire., Faculté de droit

Frederick John Packer, professeur agrégé., Faculté de droit

Maxime Prévost, professeur titulaire, Département de français

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