Ateliers d'artistes à Gatineau: le bilan 100% positif de Culture Outaouais

L'artiste-peintre Danielle Doucet, qui loue l'un des neuf ateliers d'artistes ouverts depuis l'an dernier au 135 de la rue Eddy, et le président du conseil d'administration de la coopérative Les Ateliers du Ruisseau, Benjamin Rodger, qui est également artiste et enseignant en arts plastiques au Cégep.

Culture Outaouais se réjouit sans réserve de l'impact des programmes de soutien aux artistes visuels mis en place par la Ville de Gatineau


La directrice générale de Culture Outaouais, Julie Martineau, a convié la presse dans les espaces des Ateliers du Ruisseau – temporairement installés au 135 de la rue Eddy – lundi, afin de dresser le bilan du Programme d'aide financière à l'occupation des ateliers d'artistes à Gatineau.

Mme Martineau a fait valoir le «succès» de cette initiative, dont les effets sur la croissance et le dynamisme du milieu sont «tangibles», cinq ans après sa création.

Ce programme englobe trois programmes de soutien financier distincts destinés aux artistes visuels et aux artisans de Gatineau ainsi qu'à l'aménagement – ou la modernisation – d'espaces de création adaptés. 

Depuis leur mise en place en 2008, ces trois programmes ont permis d'aider 21 artistes et une poignée d'organismes, dont Axe Néo7 et les Ateliers du Ruisseau. Ceux-ci ont pu bénéficier de coups de pouce dont le cumul s'élève à 140 000$, fait valoir Mme Martineau.  

«L'importance et la pertinence» de ces programmes ne fait aucun doute aux yeux de la d.g. de Culture Outaouais, qui note au passage que «les demandes de subventions ont plus que doubler en cinq ans». Voilà qui, selon elle, prouve leur succès, tout en témoignant du fait que ces programmes viennent répondre à un besoin manifeste du milieu artistique.

Ces initiatives proviennent d'ailleurs de demandes formulées par les artistes eux-mêmes, souligne-t-elle.

Yvon Leclerc fut un des pionniers du comité de travail qui a commencé à se pencher, il y a plus de 10 ans, sur l'analyse des besoins du milieu. Ce comité a publié, en 2016, un rapport intitulé Les ateliers d'artistes, facteur de développement urbain. Ses travaux sont à la source des programmes mis en place par la Ville de Gatineau à partir de 2018 pour soutenir le secteur des arts visuels, dans une logique de rétention des artistes.

Mme Martineau a profité de cette conférence de presse pour souligner «l'audace» des initiatives municipales mises en place depuis.

La présidente de la Commission des arts, de la culture, des lettres et du patrimoine de Gatineau, la conseillère municipale Isabelle N. Miron, était d'ailleurs présente pour rappeler, au nom de la mairesse France Belisle, «à quel points les arts et la culture sont importants» aux yeux de l'administration municipale.



Le président du c.a. de la coopérative Les Ateliers du Ruisseau, Benjamin Rodger, en discussion avec la présidente de la Commission des arts, de la culture, des lettres et du patrimoine de Gatineau, Isabelle N. Miron.

Changements de zonage

La Ville a aussi fait preuve de souplesse en modifiant certains zonages pour permettre à des ateliers de voir le jour en toute légalité, ajoutent Julie Martineau et l'artiste Benjamin Rodger, qui est aussi président du conseil d'administration de la coopérative Les Ateliers du Ruisseau.

Inaugurés en mars 2022, et rapidement agrandis à l'automne suivant, quand ont été ouverts trois espaces de création supplémentaires, les Ateliers du Ruisseau sont aujourd'hui partagés par 10 artistes (et bientôt 11). S'y côtoient entre autres Danielle Doucet, Danielle Léonard, Geneviève-Audrey Mercier et Jenny McMaster, qui peuvent ainsi créer plus sereinement... mais aussi profiter du regard critique de leurs pairs. Catherine Lescarbeau, Christine Joly (alias Anattā Art) et Cinthia Plouffe ont quant à elles investi les trois ateliers du rez-de chaussée, il y a quelques mois.

Ces artistes occupent le 135, Eddy en attendant l'ouverture d'un lieu beaucoup plus ambitieux – et permanent – au coin des rues Papineau et Morin. Ce projet désormais estimé à «49 millions de dollars, en incluant la valeur du terrain estimée à 2,7 M$» devrait voir le jour vers 2026, estime Yvon Leclerc.

Cette future coopérative comprendra «entre 40 et 50 ateliers» à loyers modiques, répartis sur trois étage, ainsi qu'une galerie commerciale. La Galerie Montcalm, présentement nichée dans la Maison du citoyen, y sera rapatriée, tout comme l'imposante collection d'arts appartenant à la Ville de Gatineau – dont les espaces d'entreposage et de conservation sont présentement saturés, au point qu'il soit aujourd'hui quasiment impossible d'acquérir de nouvelles œuvres pour l'étoffer, et que la Ville aie dû décréter un moratoire, rappelle Yvon Leclerc.

Si Benjamin Rodger ne loue pas d'espace de création dans l'édifice de la rue Eddy, c'est qu'il a son propre atelier à deux pas de là. Il explique avoir récemment pu bénéficier d'un tel changement de zonage.

Rappelons que plusieurs ateliers collectifs d'artistes qui avaient vu le jour de façon impromptue dans le secteur Hull, ces dernières années, ont dû refermer leurs portes après une période d'activité plus ou moins brève. Ce fut notamment le cas du Temporaire et du 44, Wright.

«Potentiel économique non négligeable»

Quand une Ville parvient à travailler en concertation avec les artistes de son territoire, cela «donne des résultats tangibles, vraiment intéressants», a suggéré Mme Miron, qui était pour l'occasion flanquée des conseillers Mike Duggan, Steve Moran, Louis Sabourin et Steven Boivin, vice-président de la commission des Arts.

Les ateliers d'artistes ayant hérité des fonds provenant des trois programmes municipaux ont non seulement «la capacité d'insuffler un vent de créativité et de dynamisme dans nos quartiers», mais ils ont aussi «un potentiel économique non négligeable», a-t-elle rappelé. En ajoutant «du beau» dans la communauté, les artistes renforcent le sentiment de fierté tout en contribuant à renforcer l'attrait de la région sur le plan touristique.

Ces mesures de soutien sont ainsi, pour la Ville, une façon de veiller à faciliter de façon proactive «la rétention des artistes professionnels», qui demeure l'«une des priorité du plan d'action de la commission qu'elle préside», a rappelé Mme Miron. Si, pour pouvoir travailler et vivre de son art, le talent local est contraint de migrer vers d'autres villes, la région de «l'Outaouais est le grand perdant», a-t-elle averti.

En se dotant de telles coopératives, la Ville ne se contente pas de viser la rétention des artistes : le «double objectif» avoué est aussi de «faire revenir» ceux qui se sont déjà exilés ailleurs, que ce soit à Ottawa – où ces ateliers collectifs sont beaucoup plus nombreux – ou Montréal, déclare Benjamin Rodger, à l'unisson avec Yvon Leclerc. 

Jenny McMaster, qui avait longtemps loué un espace au sein de Enriched Bread Artists, sur la rue Gladstone, à Ottawa, est revenue s'installer sur la rue Eddy, illustre ce dernier. Catherine Lescarbeau, qui était partie tenter sa chance à Montréal, a elle aussi rapatrié ses pinceaux dans cet espace collectif.

L'artiste visuelle Danielle Doucet posant devant une petite partie de sa production, dans son espace de travail aménagé dans les Ateliers du Ruisseau.

Vers un lieu permanent

M. Leclerc ajoute que, par cette série de mesures qu'il juge efficaces, la Ville de Gatineau, est en passe de devenir le «phare» qu'elle aspire à être, en ce qui a trait au développement du «quartier des artistes».  

Pour lui — qui chapeaute le projet d'implantation de la future coopérative permanente des ateliers du Ruisseau —, «tous les astres sont alignés». La Ville avait donné le feu vert au financement du projet sous l'impulsion de l'ex-maire Maxime Pedneaud-Jobin ; son avancée a toutefois été ralentie avec le changement d'administration.

«Il a fallu re-présenter le projet et refaire certaines étapes. [...] On a eu un peu peur au début, concède Benjamin Rodger, mais après avoir rencontré la mairesse et son chef de cabinet, nous sommes rassurés. On sent l'enthousiasme» du cabinet. Le projet, poursuit-il, dispose d'une «alliée» de taille, à l'interne: la directrice du Service des arts, de la culture et des lettres, Josée Bellemarre.

Yvon Leclerc non plus, ne s'inquiète pas des retards bureaucratiques accusés par le projet. Les deux hommes s'attendent à recevoir l'appui formel du conseil municipal avant le 31 mars. Après quoi, il restera à relancer les demandes des subventions à l'échelon provincial.

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La ville accepte les demandes de subventions pour l'année en cours jusqu'au 28 février. De son côté, Culture Outaouais accueille les demandes d'artistes tout au long de l'année, et garantit l'accompagnement futur des artistes.

Les ateliers du 135, Eddy accueillent une dizaine d'artistes, installés de façon temporaire en attendant l'ouverture d'un lieu de création plus permanent, qui devrait voir le jour en 2026.