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Récit («autobiographique à 97%», reconnaît-elle) des mésaventures de Magali Lemèle en 2017, lorsqu'elle a sillonné l'océan Atlantique à bord d'un voilier, Dans le bleu accostait au Théâtre de l'île (TDI) ce mercredi, après deux années en apnée, son 'navire' perdu sur une mer d'incertitudes et les vagues de la pandémie.

«La mer m'a sauvée», partage-t-elle sans ambages.

Sa création – un conte nautique dans lequel il est question de voyage, mais surtout de mise en danger, de guérison et de renaissance – devait officiellement être présentée en 2020, au Centre national des arts (CNA), qui l'avait coproduite.

Les scènes étant fermées pour les raisons sanitaires qu'on connaît, les représentations sont tombées à l'eau. Un sale «poisson d'avril», se souvient l'auteure de ce texte officiellement créé le 1^er avril 2020.

Après la première du spectacle à Ottawa, Dans le bleu devait être présentée au TDI et à Sudbury. La pandémie s'est prolongée; l'incertitude aussi; le Théâtre du Nouvel-Ontario a «tiré la plogue» sur le projet, et, en mai 2021, au lieu de la ronde de quatre semaines prévues au programme, seules quatre représentations ont pu avoir lieu à Gatineau, «devant 15 personnes» éparses et «un peu angoissées» par la distanciation sociale imposée. «Le gouvernement Legault avait rouvert [les scènes] partout, sauf à Gatineau, qui est restée en zone rouge parce qu'on a un système de santé de m...», peste-t-elle.

Bref, un naufrage: «la pièce n'a jamais eu la chance de rencontrer son public», se désole Magali Lemèle, heureuse de pouvoir enfin replonger sur les planches.

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Son conte théâtral n'est pas resté complètement à la dérive. Celle qui porte la casquette de capitaine a tout de même pu voir sa pièce publiée. «On a fait le lancement en septembre 2020, en pleine pandémie, l'éditeur [Prise de parole] et moi, seuls dans un stationnement, c'était un peu pathétique».

En 2022, refusant de voir sa bouteille à la mer se laisser engloutir dans l'oubli, elle a fait adapter l'intégralité de son texte sous forme de balado, dans une série dont on peut écouter les cinq épisodes sur le site de Transistor Média, qui l'a conçue.

Entre ces deux événements, Magali Lemèle remportait, pour l'ensemble de sa carrière qui compte deux créations et plus d’une vingtaine de mises en scène, le prix régional du CALQ, remis à «l'artiste de l'année en Outaouais».

Un baume, certes, mais pas suffisant pour dissiper les frustrations de la créatrice. « Je n'ai jamais eu le sentiment que Dans le Bleu avait pu se rendre à bon port», jusqu'à ce que la nouvelle directrice du TDI, Isabelle Cloutier, lui propose d'organiser une nouvelle escale à Gatineau.

«Sur le coup j'ai réfléchi. Suis-je fatiguée de la chose...? Oui... mais non. J'avais besoin que cette pièce existe.»

Odyssée

La création de Dans le bleu a été une véritable «odyssée», au même titre que le voyage maritime qu'elle met en scène.

(On vous a épargné ici les toutes premières étapes de l'aventure de cette pièce qui a d'abord vu le jour vers 2015, dans le cadre des cartes blanches du TDI; le titre et le thème maritime ont été conservés, mais le texte original a été entièrement «scrappé», au profit d'un récit plus intime et plus dramatique.)

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«Tout a fait! convient Magali Lemèle. Ç'a été le même genre de traversée [houleuse] et d'écueils, avec des changements d'équipage, de direction artistique, de lieux de diffusion. Certains collègues n'ont pas pu revenir à bord du bateau», à commencer par le metteur en scène Gabriel Plante. Pour la présente ronde de représentations, c'est Guy Warin, complice théâtral de longue date, et qui avait suivi le projet depuis ses tout débuts, qui est venu à la rescousse de la comédienne en apportant son «regard extérieur» de metteur en scène.

«C'est le même décor qu'avant, les mêmes éclairages, mais la conception sonore a été retravaillée. J'avais aussi envie de [changer] de costume, alors je suis allée chercher Isabelle Belisle.»

Surtout, après «un an et demi, le show a eu le temps de se déposer en moi. Tu sais mieux ce que tu as à faire, tu peux plus t'ouvrir au public. Et te baigner dans l'univers de tous les artistes qui t'ont accompagnée dans ce projet».

«La vie a [suivi] son cours, aussi. Je suis retournée en mer plusieurs fois, depuis. Pas une grande traversée de l'Atlantique, mais des voyages pour amener des voiliers jusqu'aux Bahamas et en Floride, à travers les tempêtes, à en voir des vertes et des pas mûres...»

Car c'est cela, son trip, à Magali Lemèle : convoyer des navires à l'autre bout du monde. Ce qu'elle essaie de faire «deux fois par an».

À naviguer «jour et nuit», pour des traversées qui peuvent durer deux semaines ou quelques mois... sans jamais mettre un pied à terre – faire escale est souvent compliqué, à cause des douanes et des visas, observe-t-elle.

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Qu'est-ce que la mer t'a appris, Magali Lemèle?*

«À vivre le moment présent... tout en cherchant à prévoir le futur – au niveau de la météo. [...] Tu dois constamment être à l'affût de tes voiles [et des bris l'équipement]. À apprécier la simplicité des choses, aussi.»

«Puis ça fait du bien de ne plus être tout le temps accrochée à son téléphone» en cette époque où «tout le monde s'attend à ce qu'on réponde dans la minute.» La technologie, «sur un bateau, tu t'en débarrasses. Enfin, sauf quand on se sert de nos appareils pour tracer nos routes.»

Femme d'action et de plein-air – l'hiver, elle arpente le Parc de la Gatineau en tant que patrouilleuse de ski de fond – Magali Lemèle est du genre à chercher à «toujours repousser ses limites».

«C'est ça pour moi, la mer: faire face à l'inconnu, défier la vie. Tu es un tout petit bateau perdu au milieu de l'Atlantique. Tu es une île isolée. Et [j'apprécie cette] solitude...», poursuit la comédienne.

Non, elle ne navigue pas seule. Pour le type de navires (de 45 à 49 pieds) qu'elle convoie, il faut un équipage d'au moins deux personnes. Sur l'eau, solitaire rime avec solidaire, puisque «tu dois constamment faire attention à ta propre sécurité, mais aussi veiller sur chacun des autres membres d'équipage».

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«Sur l'eau, les repères ne sont pas les mêmes. Et sur un bateau, tu es... non groundée. Tu n'as pas le choix d'être en constant déséquilibre. Donc, je me sens à ma place, [moi qui me perçois comme] une personne en constant déséquilibre», pouffe-t-elle.

À l'écouter, l'expérience de navigation ne serait pas si différente de l'aventure théâtrale.

Sur les planches comme à bord d'une coquille de noix, tu retrouves «une petite équipe concentrée» sur l'accomplissement d'un «même objectif» collectif: «amener l'œuvre à bon port». Et on essaie tous de «s'accorder pour aller dans la même direction», partage la comédienne, à la veille de se «jeter à l'eau» dans la crique du Théâtre de l'Île.

L'expression convient : «un public, c'est comme la mer... toujours un peu imprévisible!»

* L'auteur de ces lignes se permet de tutoyer Magali Lemèle, qui l'a dirigé sur les planches en 2012. C'était dans la pièce communautaire La petite poule d’eau de Gabrielle Roy, montée au Théâtre de l’île.

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La pièce est présentée du 1er au 12 février, à 20h

Billets: ovation.ca

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