Épandage du Bti: Québec recommanderait la précaution à Gatineau  

Le gouvernement du Québec s’apprêterait à recommander aux quelques villes qui en font l’usage «d’éviter ou de minimiser» l’épandage du Bacillus thuringiensis israelensis (Bti), qui aurait entre autres un effet en cascade sur les prédateurs des insectes ciblés.

Le gouvernement du Québec s’apprêterait à recommander aux quelques villes qui en font l’usage «d’éviter ou de minimiser» l’épandage du Bacillus thuringiensis israelensis (Bti). «L’absence de certitude scientifique complète ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures visant à conserver et protéger la biodiversité et les écosystèmes», peut-on lire dans un document de travail émanant du ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFPQ), dont Le Droit a obtenu copie.


Le document renferme l’information que disait encore attendre la mairesse de Gatineau, France Bélisle, la semaine dernière, afin de se positionner clairement dans le dossier de l’épandage du Bti. Dans l’attente de ces résultats depuis des mois, la mairesse et présidente de la commission sur l’environnement a préféré poursuivre l’épandage de Bti plutôt que d’adopter le «principe de précaution» comme le recommande Québec depuis 2019, et comme le demande des groupes comme Gatineau sans pesticide, ainsi que le parti Action Gatineau. Une lettre officielle qui vient d’être envoyée par la mairesse demande à ce que Québec rende rapidement publiques les conclusions de sa revue de littérature scientifique sur le sujet. 

Or, le document de travail dont la Ville et le cabinet de la mairesse ignoraient l’existence a pu être récemment obtenu en vertu de la loi d'accès à l'information par l'organisme Coalition biodiversité - Non au Bti. Il doit cependant encore faire l’objet d’une approbation à Québec. L’analyse faite par le MFFPQ tend à prouver des effets directs et indirects du Bti sur les organismes non ciblés. Les auteurs soutiennent que l’information scientifique disponible au niveau mondial démontre que «l’insecticide s’accumule suite à des épandages répétitifs» et que cela peut avoir un impact sur les écosystèmes. L’utilisation du Bti aurait aussi un effet en cascade sur les prédateurs des insectes ciblés. Les auteurs notent aussi l’absence d’un consensus scientifique et l’absence de plusieurs données à long terme. 

La mairesse de Gatineau, France Bélisle, n’a pas souhaité accorder d’entrevue au <em>Droit </em>au sujet de l’épandage du Bti.

«À la lumière des résultats de l’analyse de l’information scientifique, qui montre qu’il n’y a pas toujours consensus, et par principe de précaution, il est recommandé d’éviter ou de minimiser les épandages surtout dans les habitats essentiels des espèces menacées et vulnérables, ainsi que dans les aires naturelles protégées, stipule le document en conclusion. […] L’application du principe de précaution est une exigence légale de la Loi sur le développement durable qui prévoit la mise en place de mesures effectives permettant de prévenir des dommages graves ou irréversibles pour l’environnement, et ce, même en l’absence de certitudes scientifiques sur les impacts anticipés de l’utilisation de différents produits, tant biologiques que chimiques.» Il serait aussi recommandé de revoir les seuils d’intervention afin qu’ils soient cohérents avec les enjeux de santé humaine, économique et de la gêne que provoquent les insectes pour les humains.



Action Gatineau veut forcer un vote

En renouvelant son contrat pour l’épandage du Bti pour 2023 dans les districts du secteur Gatineau, la Ville s’est toutefois gardée le droit d’y mettre fin unilatéralement, sans devoir encourir une pénalité financière. L’épandage du Bti dans le secteur Gatineau date de 1996 et est un héritage de l’ancienne ville.

La conseillère d’Action Gatineau, Anik Des Marais, est d’avis qu’il est temps pour Gatineau d’utiliser cette porte de sortie qu’elle s’est stratégiquement donnée. La conseillère entreprendra d’ailleurs les démarches pour forcer le conseil municipal à se positionner sur l’épandage du Bti. En entrevue avec Le Droit, elle a dit souhaiter un vote au conseil à cet effet en mars ou avril. 

Anik Des Marais, conseillère d’Action Gatineau.

«Je propose depuis octobre dernier de mettre en place le principe de précaution dans ce dossier, rappelle-t-elle. Il y a ensuite eu la COP 15 à Montréal où on a adopté à l’unanimité l’engagement sur la protection de la biodiversité. Qu’est-ce qu’on attend à Gatineau? Je suis encore surprise qu’on parle de ça. On devrait agir maintenant. […] Je pense que là, les connaissances disponibles sont suffisantes pour appliquer le principe de précaution.»

Membre active du groupe Gatineau sans pesticide, Claire Charron, note que la recommandation que Québec s’apprête à faire aux villes est la même qu’en 2019, mais avec cette fois un peu plus de détails de nature scientifique pour l’appuyer. «On demande d’appliquer le principe de précaution depuis des mois, sinon des années à la Ville, dit-elle. On considère que le MFFPQ a fait son travail d’expert-conseil pour la province. Québec recommande de nouveau de jouer de précaution. C’est aux villes ensuite d’agir, de décider. Ce n’est pas à Québec de prendre la décision, c’est aux villes et aux élus municipaux de protéger nos milieux de vie. Gatineau et la mairesse doivent cesser de chanter la même chanson. La réponse qu’ils attendent est là, il ne reste plus qu’à agir.»

La mairesse de Gatineau n’a pas souhaité accorder d’entrevue au Droit à ce sujet lundi. Dans une réponse écrite, elle a rappelé que la Ville a l’intention d’être «plus restrictive» sur l’épandage de produits pouvant être nocifs pour l’environnement et la santé et qu’elle a demandé à recevoir les conclusions de la récente méta-analyse sur les risques associés au Bti pour être en mesure de prendre une «décision éclairée à partir de la recherche scientifique et cohérente avec la position du gouvernement».