Chronique|

De véritables oeuvres d’art

Les 67’s d’Ottawa vont célébrer la Fierté, ce vendredi, à la Place TD. Pour l’occasion, ils vont porter des chandails spécialement confectionnés par une artiste <em>queer</em> suédoise bien connue, Mio Linzie.

CHRONIQUE / Ce n’est pas tous les jours qu’on écrit une chronique au grand complet sur un chandail de hockey. Encore faut-il qu’il s’agisse d’un très beau chandail. 


Les 67’s d’Ottawa vont célébrer la Fierté, ce vendredi, à la Place TD. Pour l’occasion, ils vont porter des chandails spécialement confectionnés. Ils ne les porteront pas uniquement durant la période d’échauffement. Ils les porteront durant le match au grand complet.

Et je répète qu’ils sont très réussis.

Ce sont de véritables petites oeuvres d’art.

L’Ottawa Sports and Entertainment Group (OSEG) aurait pu faire simple. Il y a six bandes horizontales sur le drapeau arc-en-ciel. Il y en a six, aussi, sur le chandail traditionnel des 67’s!

Une bande, une couleur. Un véritable chandail arc-en-ciel. Le tour aurait été joué!

Non. L’OSEG a choisi de contacter une artiste queer suédoise bien connue. Mio Linzie avait déjà eu la chance de collaborer avec des clubs de hockey professionnels, dans un contexte similaire.

Cette fois, on lui a dit de vraiment laissé libre cours à sa créativité.

Et c’est exactement ce qui s’est passé.

On pourrait consacrer le reste de cette chronique à parler de chaque petit symbole dessiné à la main. Il y en a des centaines.

«Chaque dessin représente un élément qui définit Ottawa. On voulait un maillot qui parlait de la place qu’occupe la communauté LGBTQ+ au sein de toute la communauté», m’a expliqué Hailey Davis, responsable du contenu numérique à la Place TD.

On pourrait aussi parler des couleurs de l’arc-en-ciel, légèrement modifiées. L’artiste a choisi une palette pastel, pour donner à son maillot un look un peu plus rétro.

«[Mio Linzie] voulait un logo qui n’était pas coincé dans une boîte. C’est une autre métaphore pour la communauté <em>queer</em>», a expliqué Rossy Pasternak.

«Elle voulait rendre hommage aux décennies 1960 et 1970, durant lesquelles le mouvement pour les droits de la communauté gaie a pris de l’ampleur. C’est un subtil clin d’oeil aux gens qui ont tout commencé», raconte un collègue de Mme Davis, Rossy Pasternak.

Il faudrait qu’on explique la forme particulière du logo.

Depuis plus de 50 ans, le logo des 67’s est un gros «O» rouge au contour rigide. Mio Linzie a choisi de le dessiner de façon très approximative. «Elle voulait un logo qui n’était pas coincé dans une boîte. C’est une autre métaphore pour la communauté queer», fait valoir M. Pasternak.

Le plus chouette, avec ce chandail, c’est qu’il est différent. Un club de hockey s’est vraiment donné la peine de faire un effort sincère.

La semaine dernière, j’ai écrit une chronique sur la décision égoïste prise par le défenseur des Flyers de Philadelphie, Ivan Provorov. Citant des motifs religieux, le joueur russe a choisi de ne pas porter le maillot qui avait été confectionné spécialement pour la soirée de la Fierté, dans la ville de l’amour fraternel.

Les lecteurs qui m’ont écrit n’ont pas tous compris où je voulais en venir.

Provorov a le droit de ne pas appuyer la cause LGBTQ+. C’est même son droit le plus strict.

Les Flyers et la LNH, en revanche, avaient le devoir d’offrir une réponse forte. En 2023, les hockeyeurs gais n’ont pas tous le courage de s’afficher publiquement. C’est un non sens.

La communauté du hockey doit clairement en faire plus, alors, si elle souhaite vraiment convaincre ses membres que ce sport est «pour tout le monde».

L’OSEG comprend tout cela.

Les joueurs vont porter ce chandail confectionné par l'artiste <em>queer </em>Mio Linzie, vendredi, à la Place TD.

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L’OSEG comprend bien des choses.

«Ici, il est important de parler. On se parle tout le temps et on parle de plein de choses. Notre organisation comprend qu’il n’y a pas juste le hockey, dans la vie», m’a dit Dave Cameron, quand je suis passé par son bureau, jeudi.

Parenthèse. L’OSEG comprend qu’il faut embaucher des gens respectueux et ouverts à la discussion comme Cameron pour diriger des adolescents.

C’est important.

«Plus tôt, cette saison, nous avons parlé à nos joueurs de l’incident impliquant des joueurs, en 2018, à London. En début de semaine, nous avons parlé de santé mentale, puisque c’était dans l’actualité. Nous avons parlé d’Ethan Bear, qui vient de rater un match dans la LNH à la suite du décès de son chien. Nous avons beaucoup de conversations sur tout ce qui se passe dans notre monde. Les jeunes, de nos jours, veulent comprendre ce qui se passe. Nous allons parlé de la Fierté, aujourd’hui. Nous allons leur expliquer l’importance d’un événement comme celui qu’on s’apprête à vivre.»

Il ne devrait pas y avoir de problèmes, donc. La soirée de la Fierté va se dérouler sans anicroche.

«L’accès à toute l’information fait en sorte que la nouvelle génération est ouverte aux différences. Les jeunes joueurs que je dirige, aujourd’hui, ont un grand avantage sur ceux des générations précédentes. D’ailleurs, on a fait tout un plat du joueur qui a refusé de porter le maillot arc-en-ciel. Je suis convaincu que presque tous les autres l’ont fait et n’ont aucun problème avec ça.»

«Ce ne sera jamais parfait. Il y aura toujours quelqu’un, quelque part, qui ne sera pas d’accord. Mais, dans l’ensemble, on progresse», complète le coach.