Deux panels d’intervenants ont pris la parole, de 10h à 16h, devant le public. Les questions de profilage, de judiciarisation, des impacts de la revitalisation du site sur les communautés plus fragilisées du centre-ville, de l’itinérance et des droits sociaux ont notamment été abordées durant la journée.
En novembre, un projet de quartier général du SPVG évalué à 170 millions de dollars, prévu sur le terrain de Guertin, a été soumis au conseil municipal de Gatineau. Toutefois, à la suite d’une première présentation, des élus ont demandé davantage de précisions pour le choix du futur quartier général de police et la décision a été reportée à plus tard. Une nouvelle présentation devait avoir lieu en janvier 2023.
De nombreux citoyens, intervenants et groupes communautaires se mobilisent depuis l’automne pour dénoncer le projet. La Coalition pour le Quartier Guertin, qui regroupe l’Association des résidents et résidentes de l’île de Hull (ARIH), le Collectif régional de lutte à l’itinérance, l’Association pour la défense des droits sociaux de l’Outaouais et la Clinique interdisciplinaire en droit social de l’Outaouais (CIDSO uOttawa) ainsi que des citoyens, s’oppose à la venue d’un QG sur le site de l’ancien domicile des Olympiques de Gatineau.
Un début de conversation
Le président de l’ARIH, Daniel Cayley-Daoust, explique qu’à défaut d’avoir une consultation publique organisée par la Ville, les citoyens doivent par eux-mêmes prendre les choses en main.
«Ce forum est un début de conversation pour nous amener plus loin que ce que la Ville a fait jusqu’à présent. Depuis 2014, quand on annoncé que les Olympiques quitteraient l’aréna, qu’on nous promet des consultations citoyennes pour l’avenir du site Guertin et on attend encore», a-t-il dit, samedi.
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Il espère que la mairesse de Gatineau, France Bélisle, et les autres élus autour de la table du conseil tiendront compte des points de vue évoqués durant le forum dont l’un des objectifs est d’imaginer le site Guertin sans QG de police.
«C’est un terrain si stratégique pour les enjeux de logement, de lutte à l’itinérance et de services de proximité, on pense qu’un quartier général de police n’a pas besoin d’être à cet endroit.»
Augmentation des tensions entre policiers et personnes fragilisées
Pour la doyenne de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et professeure titulaire de droit civil, Marie-Ève Sylvestre, qui a pris la parole lors du panel, l’arrivée d’un quartier général de police à cet endroit aurait des «conséquences néfastes» sur les populations fragilisées du secteur comme les personnes judiciarisées ou en situation d’itinérance.
Même s’il y a eu une modification en 2020 au Code de procédure pénal du Québec, afin d’empêcher l’incarcération des personnes incapables de payer leurs constats d’infraction, cette pratique a toujours lieu à Gatineau, souligne Me Sylvestre.
La prison de Hull, selon les données du ministère de la Sécurité publique, est l’établissement au Québec où on incarcère le plus d’individus pour des infractions municipales pour non-paiement d’amendes, affirme celle qui est aussi membre fondatrice de la CIDSO uOttawa.
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Plus de 1300 personnes sur le territoire de la municipalité font également l’objet d’un mandat d’emprisonnement, affirme Me Sylvestre qui s’appuie sur des statistiques de la Cour municipale de Gatineau.
«C’est toute une population qui est extrêmement vulnérable et qui va fuir les policiers. Quand on a un mandat d’incarcération qui plane au-dessus de notre tête, on veut tout faire pour éviter la présence police. Si on installe un QG de police en plein cœur de ce quadrilère, ça ne ferait qu’accroître les tensions avec les policiers et ça pourrait entraîner une spirale de judiciarisation et d’incarcération pour non-paiements d’amende», craint Me Sylvestre.
Un endroit dédié à la vie communautaire
Aymara Alvarado est résidente de la Coopérative d’habitation des artistes du Ruisseau, sur la rue Morin. Cette dernière trouve dommage que la Ville de Gatineau n’ait toujours pas consulté les citoyens du quartier sur l’avenir du site Guertin.
«Je trouve ça triste qu’on doive se battre contre la ville pour exprimer nos idées. On se sent dévalorisés de ce côté-là», dit-elle.
Selon Mme Alvarado, la vocation future du site de l’ancien aréna des Olympiques de Gatineau doit être dédiée au communautaire, à l’aide aux personnes en situation d’itinérance ou à ces deux volets, et non à autre chose.
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«On n’a pas vraiment d’endroit dans le quartier pour se rassembler en communauté. Est-ce qu’on pourrait offrir une piscine communautaire, un sauna communautaire, un gymnase communautaire ou une salle communautaire avec un café? Aussi, à part le Gîte Ami, il n’y a pas d’espace pour les personnes itinérantes avec des douches et des toilettes accessibles 24 heures sur 24, par exemple. On pourrait faire quelque chose pour ces gens», plaide la résidente qui assistait à la rencontre à titre de membre du public.
Pour sa part, Mark Wood, aussi résident de la rue Morin, s’est dit estomaqué d’apprendre l’existence d’un projet de 170 millions de dollars pour un QG du SPVG, lui qui n’était pas au courant du dossier avant la tenue du forum.
«C’est ridicule qu’on ait 170 millions de dollars pour dépenser sur un nouveau quartier général de police en plein milieu des gens itinérants. On peut trouver autant d’argent pour investir au milieu de tout ce pauvre monde démuni qui va se retrouver encore dans la même situation. C’est dégueulasse», a commenté M. Wood.
Une question de revitalisation du centre-ville?
Professeur de sciences sociales à l’Université du Québec en Outaouais et résident du quartier, Mathieu Charron a fait sa thèse de doctorat sur les transports urbains. Il ne se considère pas spécialiste du sujet, mais il estime que l’emplacement Guertin doit servir de tremplin pour revitaliser le secteur.
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«C’est un lieu stratégique super important. Juste au niveau économique, je pense qu’on doit prendre un pas de recul et se donner le temps de réfléchir au genre de développement qui nous permettrait de revitaliser notre centre-ville qui en arrache. Avec la pandémie et le télétravail, on doit réfléchir à ce que sera le nouveau centre-ville et je suis convaincu que le quartier général n’aidera pas à la revitalisation du quartier», a-t-il partagé.
«Les gens sont obligés de se poser en opposition»
Le conseiller municipal du district Hull-Wright et chef par intérim d’Action Gatineau, Steve Moran, rappelle qu’aucune décision n’a encore été prise par les élus quant à l’emplacement du futur quartier général du corps policier. M. Moran déplore toutefois l’absence de consultation de la part de la Ville à ce sujet, lui qui a réclamé en novembre qu’un tel coup de sonde soit entrepris.
«Je pense que d’aller cueillir ces informations de la part des citoyens, c’est absolument essentiel avant de prendre une décision. Cependant, la Ville n’est pas là pour défendre devant les citoyens la proposition. Personne n’est ici pour dire voici pourquoi on a proposé un quartier général de la police sur ce site, ce sont quoi les besoins et les justifications des coûts. Ce travail de pédagogie n’a pas été fait donc les gens sont obligés de se poser en opposition», a commenté l’élu qui était présent en forum avec quelques-uns de ses collègues conseillers.
En début de semaine, la mairesse Bélisle a confirmé qu’elle n’assisterait pas à l’événement. «Je n’y serai pas pour la simple et bonne raison qu’on va plutôt mettre nos énergies à la bonne place. On a demandé à nos équipes de nous revenir avec une autre proposition qui pourrait mener à choisir un autre site. Avant de faire une consultation en parallèle concernant un site non confirmé, on va attendre d’aller au bout de l’exercice qu’on a commencé.»