À Ottawa, on avait choisi un joueur d’expérience. Un homme respecté. Un leader.
La cause devait sans doute lui tenir à coeur, mais on ne pourra jamais vraiment savoir. Le type n’a jamais voulu s’exprimer, publiquement, sur la question.
Il paraît qu’il avait accepté le rôle parce qu’un membre de sa famille appartient à la communauté LGBTQ+. Quand on a voulu l’interviewer pour connaître son histoire, il a poliment décliné.
Ça soulève une question, ma foi, fondamentale. À quoi sert un porte-parole qui ne parle pas?
Je ne devais pas être le seul à trouver la situation un tantinet absurde. Le hockey est pour tout le monde existe toujours, cinq ans plus tard. Sauf erreur, le programme des ambassadeurs est passé à la trappe.
Avant de parler du véritable fiasco survenu à Philadelphie, mardi soir, il est important que stipuler que tous les hockeyeurs ne sont pas homophobes.
La communauté LGBTQ+ a compté quelques solides alliés, au fil des ans.
On pense tout de suite à Mark Borowiecki, évidemment.
Boro, un homme au coeur d’or, était toujours prêt à se porter à la défense des plus vulnérables, sur la patinoire. À l’extérieur de la patinoire, il voulait être l’ami de tous. Et il s’en tirait plutôt bien.
Puisqu’il passait ses étés dans le coin, il a participé plus d’une fois au défilé de Fierté dans la capitale.
Anders Nilsson était un allié. Il s’impliquait surtout dans son pays natal. En 2018, le magazine suédois spécialisé QX lui a même décerné le titre d’Hétéro de l’année.
Daniel Alfredsson était un allié.
Je me souviens d’une conversation, après un entraînement, dans le vestiaire. Alfie me disait qu’il sentait que le monde changeait pour le mieux. «Si un hockeyeur gai se joint à notre équipe, un jour, j’espère qu’il me fera suffisamment confiance pour m’en parler», avait-il indiqué.
Ce jour-là, j’avais quitté le Centre Canadian Tire avec la certitude qu’on y était.
Alfie était un des meilleurs joueurs de son époque. Tout le monde le respectait. Il disait que la LNH était prête à accueillir des athlètes ouvertement gais et je le croyais sur parole.
Alfie a quitté les Sénateurs quelques semaines plus tard. C’était le printemps 2013.
Dix ans plus tard, on attend toujours. Les hockeyeurs gais, s’ils existent, tardent toujours à se manifester.
J’ai réfléchi à tout cela en raison de ce qui s’est passé à Philadelphie, mardi.
Un fiasco monumental. Les actions d’un seul joueur ont complètement gâché la soirée durant laquelle les Flyers devaient célébrer la diversité.
On ne s’en prendra pas trop à Ivan Provorov, qui a refusé le chandail spécial qui avait été confectionné pour la période d’échauffement.
Il a 26 ans. Il a grandi dans un pays ouvertement homophobe qui donne constamment dans la propagande haineuse.
Provorov a cité des motifs religieux l’interdisant à porter le drapeau arc-en-ciel. Il appartient à l’église orthodoxe russe. Son patriarche, Cyrille de Moscou, a récemment comparé les pays qui autorisent le mariage gai à l’Allemagne nazie.
Provorov, bref, a le cerveau complètement lavé. On ne peut malheureusement pas s’attendre à une grande ouverture de sa part.
La direction des Flyers, en revanche, aurait pu faire mieux. Lorsque Provorov a décidé de ne pas prendre part à la période d’échauffement, elle s’est contenté d’émettre un - très faible - communiqué.
En se contentant d’écrire que «les Flyers vont continuer de militer pour l’inclusivité, tout en soutenant la communauté LGBTQ+», elle s’est contentée de contourner paresseusement le problème.
Il n’a jamais été question du pied-de-nez de Provorov.
Si la direction des Flyers a échappé le bâton, John Tortorella a trouvé le moyen de faire encore pire.
L’entraîneur-chef d’expérience n’a jamais eu peur des micros. Il sait comment faire passer son message. Règle générale, il ne cherche pas à esquiver la controverse.
Mardi, il s’est défilé, tout simplement.
Il a cité le communiqué de l’organisation. Il a dit qu’il ne voulait pas trop passer de temps à parler de tout cela. Il a dit - deux fois plutôt qu’une - que les Flyers avaient organisé une «magnifique» soirée.
Il a brièvement fait mention de Provorov. Il s’est contenté de saluer son individualité.
Il ne semble pas comprendre qu’avec son geste égoïste, le type place tous ses coéquipiers dans l’embarras. Il place toute l’équipe dans une position fâcheuse.
En 2016, quand le mouvement Black Lives Matter prenait de l’ampleur, Tortorella n’avait pas hésité à condamner les athlètes qui sortaient du rang. «Si un de mes joueurs choisit de s’asseoir pendant l’hymne national américain, ses fesses resteront collées au banc pendant toute la soirée», avait-il déclaré.
Mardi, un de ses joueurs a choisi de rester au vestiaire durant la période d’échauffement au grand complet. Au lieu de le clouer au banc, il a choisi de le récompenser. Provorov a été le joueur le plus utilisé par les Flyers, mardi.
La direction de la LNH a toujours le pouvoir d’arranger les choses.
Il faudra bien que quelqu’un, quelque part, ait le courage de lancer un message fort.