La durée de séjour aux urgences en Outaouais est «inadmissible», dénonce Fortin

La durée moyenne de séjour sur civière des patients alités à l’urgence qui ont besoin d’être hospitalisés atteint des sommets en Outaouais, où l’on enregistre – de loin – le pire résultat de toutes les régions du Québec.

La durée moyenne de séjour sur civière des patients alités à l’urgence qui ont besoin d’être hospitalisés atteint des sommets en Outaouais, où l’on enregistre – de loin – le pire résultat de toutes les régions du Québec. «C’est aberrant», s’insurge le député de Pontiac et porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé, André Fortin, qui parle d’une situation «inadmissible».


Les données du ministère de la Santé et des Services sociaux permettent de savoir, par période financière, combien de temps les patients des urgences passent sur une civière avant d’obtenir un lit sur une unité de soins, lorsqu’ils ont besoin d’être hospitalisés.

Les plus récentes statistiques portent sur la période allant du 4 au 31 décembre 2022. On y apprend que globalement, pour tout le Québec, les patients arrivés par l’urgence qui ont eu besoin d’être hospitalisés ont passé en moyenne près de 30 heures (29h45) sur une civière avant d’obtenir un lit sur une unité de soins.

L’écart varie cependant grandement d’une région à l’autre. Le pire résultat revient à l’Outaouais, avec une durée moyenne de séjour sur civière avec demande d’hospitalisation qui atteint 50 heures et 15 minutes. C’est bien au-delà du deuxième pire résultat en province, qui a été observé en Montérégie, avec 37h29.

Par rapport à la moyenne provinciale, la durée moyenne de séjour sur civière avec demande d’hospitalisation de 50 heures observée en Outaouais est 69% plus élevée.

Ce portrait de la situation n’est pas unique à décembre 2022. Pour la période financière précédente, qui s’échelonnait du 6 novembre au 3 décembre, l’Outaouais se retrouvait encore au fin fond du classement, avec une durée moyenne de séjour sur civière pour les patients avec demande d’hospitalisation qui atteignait tout près de 54 heures, comparativement à une moyenne provinciale de 29h55.

«C’est aberrant»

Les cabinets du ministre responsable de la région, Mathieu Lacombe, et du ministre de la Santé, Christian Dubé, n’ont pas voulu réagir à ces données.

Le député libéral de Pontiac, lui, ne s’est pas fait prier pour commenter la situation. «C’est aberrant, c’est complètement hors de proportion, c’est inéquitable, c’est inadmissible, a lancé André Fortin en entrevue avec Le Droit. […] Ça met à risque la sécurité des patients.»

Le Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO) a expliqué à plusieurs reprises, au cours des derniers mois, que l’engorgement dans ses urgences découle du manque de lits disponibles sur les unités de soins. Des dizaines de lits – généralement de 80 à 100 – sont fermés à cause du manque de personnel, tandis qu’une centaine d’autres lits sont occupés par des patients qui attendent une place dans une ressource mieux adaptée à leurs besoins. Or, le CISSSO estime qu’il manque environ 500 places d’hébergement de longue durée dans la région. Au bout de la ligne, c’est dans les urgences que ça se ressent.

«Ça revient toujours au manque de personnel, souligne André Fortin. La région de l’Outaouais, c’est la seule où on avait moins d’infirmières en 2022 qu’en 2021 […] et pendant ce temps-là, le ministre de la Santé ne fait absolument rien pour améliorer la situation.»

Il n'est pas rare, depuis plusieurs semaines, que le taux d'occupation des civières des urgences du CISSSO dépasse la barre des 200%. La situation est particulièrement difficile à l'Hôpital de Hull.

Quelles solutions?

Lors de la plus récente campagne électorale, le Parti libéral du Québec (PLQ) avait proposé d’investir 60 millions de dollars par année pour offrir des salaires équivalents à l’Ontario au personnel infirmier de l’Outaouais. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, avait pour sa part évoqué un «ajustement salarial» pour que la région de l’Outaouais soit plus compétitive avec l’Ontario.

«En campagne, le ministre s’est rallié partiellement [à l’idée des salaires équivalents] quand il voulait plus de votes en Outaouais, mais depuis, il n’en a pas reparlé, déplore aujourd’hui André Fortin. […] On a besoin d’une stratégie unique à la région et il ne semble y avoir aucun intérêt pour ça [au gouvernement].

Le député de Pontiac craint de voir d’autres ressources quitter l’Outaouais pour la rive ontarienne si rien n’est fait pour améliorer leurs conditions de travail. «Je m’attends à ce qu’il y ait une stratégie régionale, parce qu’on est dans une situation complètement inéquitable pour les gens de l’Outaouais qui ont fondamentalement droit aux mêmes services qu’ailleurs, a mentionné M. Fortin. […] Le ministre a promis une stratégie particulière en matière de santé en Outaouais, et de toute évidence, on en avait besoin hier. Il y a des patients qui font les frais du fait que cette stratégie-là n’est pas en place, du fait qu’il n’y a pas une attention particulière portée à l’Outaouais.»