Hantés par l’eau jaune et gardés dans le noir par la Ville de Gatineau

Mathieu Marois et sa femme Maika McLaughlin

L’eau colorée est un problème récurrent qui mine la qualité de vie de centaines, voire de milliers de ménages gatinois depuis des années. La Ville n’a pas de portrait précis de la réalité, mais la situation est vécue autant à l’est qu’à l’ouest. Mardi, ce sont des citoyens de la rue Vendôme, dans le district de Touraine, qui sont venus implorer le conseil municipal de faire quelque chose pour eux.


Sept résidents représentant une quarantaine de leurs voisins sont venus raconter comment l’eau jaune [ou brune selon les cas] qui coule de leur robinet affecte leur santé mentale, voire physique. Ils ont tour à tour brossé un portrait très négatif du service qu’ils reçoivent depuis des mois au 3-1-1. Ils ont tous dénoncé le manque de transparence et un manque complet de considération pour leur situation. 

«Nos plaintes sont souvent mal enregistrées, on nous a dit que c’était à cause de notre tuyauterie ou nos chauffe-eau, a relaté Mathieu Marois, résident de la rue de Vendôme. On fait des efforts constants pour attirer l’attention de la Ville. Nous n’avons pas de suivi. Certains se font dire de ne plus appeler parce que la problématique est connue, d’autres se sont fait répondre qu’il n’y a rien à faire parce qu’il n’y a pas suffisamment de plaintes.» 

Vincent Simon a affirmé avoir changé toute la tuyauterie de sa maison et son chauffe-eau sous les conseils du 3-1-1 pour se rendre compte que son eau était toujours brune. Les cuves de toilette et le bain sont tachés en permanence. «On est tous des retraités, des travailleurs et des payeurs de taxes, a ajouté Maïka Mclauglin. C’est un manque de respect. On joue avec notre santé physique et mentale, c’est inacceptable. Ce problème ne peut plus être ignoré. Les investissements dans la culture, les loisirs et la protection de l’environnement c’est tellement important, mais la Ville doit reconnaître que le bien-être qu’apporte une eau propre est essentiel et urgent.»

Craintes pour la santé

Une autre résidente de la rue de Vendôme, Julie Villemaire, a dit craindre pour sa santé et celle de ses voisins.

«Je ne suis pas scientifique, je n’irai pas faire mes recherches sur Google et je ne m’avancerai pas sur les effets d’une trop grande consommation de fer […], mais c’est le genre de chose qui provoque beaucoup d’angoisse. Et au-delà des effets néfastes de la qualité de cette eau, il y a tout le stress, l’angoisse et la fixation qui en résulte qui empoisonnent véritablement nos vies. C’est dur de se convaincre qu’il n’y a pas de risque pour nous ou nos enfants. Pouvez-vous nous assurer que tout ça n’a aucun impact sur une femme enceinte, son fœtus ou un nourrisson?»

La question n’a évidemment pas trouvé de réponse à la table du conseil municipal. La mairesse, France Bélisle, a affirmé partager les préoccupations des citoyens. 

«Moi non plus je ne suis pas une experte et je ne peux pas dire s’il y a un risque pour la santé, et moi aussi je serais inquiète à votre place, a-t-elle lancé. C’est légitime qu’un être humain se pose des questions quand il voit ça en ouvrant son robinet. […] Je ne veux pas minimiser la préoccupation de l’eau jaune, mais ce qui n’est pas acceptable, c’est qu’on ne soit pas capable de vous donner des réponses claires. C’est une affaire de donner des réponses qu’on n’aimera peut-être pas, mais on doit pouvoir vous donner l’heure juste.»

Pas de travaux prévus, dit la conseillère

Le directeur général de la Ville de Gatineau, Simon Rousseau, a pris beaucoup de notes, mardi, pendant les interventions des citoyens. «J’ai vu les yeux en accent circonflexe du directeur général en vous écoutant, alors je pense qu’on va se pencher là-dessus», a ajouté la mairesse au terme des interventions des citoyens. 

Quelques heures plus tard, mercredi matin, au terme de la séance du comité exécutif, Mme Bélisle n’avait toujours pas d’information particulière à offrir aux résidents de la rue de Vendôme, mais elle a précisé que le directeur général avait déjà demandé un état de situation complet et que des réponses précises seraient fournies aux citoyens d’ici deux ou trois semaines. La mairesse a aussi dit souhaiter obtenir un portrait complet de la problématique de l’eau colorée sur le territoire de la Ville le plus tôt possible afin de savoir combien il en coûterait à la Ville de régler cette situation récurrente dans de nombreux quartiers. 

Un plan de dix ans totalisant 61 millions de dollars a été adopté par le conseil municipal en 2017. La conseillère de Touraine, Tiffany-Lee Norris Parent affirme avoir appris des fonctionnaires que la rue de Vendôme ne faisait pas partie de la programmation des travaux. Plusieurs autres secteurs touchés par la problématique sont d’ailleurs dans la même situation. Mme Norris Parent a tenté de faire ajouter des rues de son district dans les chantiers à venir lors de la dernière étude du budget. Le comité exécutif a cependant décidé de ne pas faire cheminer cette demande jusqu’au conseil municipal. La demande est donc demeurée lettre morte. 

«C’est vrai que ça provoque de l’angoisse, je l’ai vécu moi-même, a raconté Mme Norris Parent. On a beau se faire dire que l’eau est potable, ça ne rentre pas dans la tête. Il y a aussi pour ces gens l’angoisse de ne pas savoir quand ça va se régler. Les travaux pour la rue de Vendôme ne sont pas prévus. Il n’y a actuellement aucun échéancier.»