En guise de protestation – le mouvement est provincial – la centaine d'étudiants en psychoéducation de l'Université du Québec en Outaouais (UQO) ont décidé de déclencher une grève du 23 au 27 janvier. Le groupe revendique que les stages réalisés dans le cadre de la formation universitaire, qui représentent jusqu'à une vingtaine d'heures par semaine, soient rémunérés comme c'est le cas dans d'autres domaines.
«Ce qui nous préoccupe, c'est la précarité grandissante des étudiants en contexte d'inflation et de crise du logement, en particulier ceux et celles qui doivent réaliser des stages et qui sont parents. C'est vraiment une grosse problématique. Il y a aussi des revendications sur la charge de travail, le temps de transport, la politique contre le harcèlement, les journées d'absence qui ne sont pas reprises, etc. [...] Les stages, c'est 18 heures par semaine, en plus de nos heures de classe, du lundi au vendredi. Notre problème avec ça, c'est: quand travaille-t-on, quand paie-t-on nos factures? Peu importe qui va nous la donner, on a besoin d'une rémunération en 2023», explique Malika Saïdane, vice-présidente de l'Association étudiante du module de psychoéducation.
Milieu féminin et cercle vicieux
Pour faire pression, plusieurs actions de mobilisation se dérouleront devant le campus Alexandre-Taché la semaine prochaine lors du boycottage des cours et des stages.
Tapant de nouveau sur ce clou, Mme Saïdane déplore en parallèle que les stages non rémunérés sont monnaie courante dans des programmes majoritairement féminins comme la psychoéducation, l'enseignement primaire, le travail social et les sciences infirmières.
«Si je regarde la comptabilité, par exemple, leurs stages sont payés dans leur milieu. Nous, ce qu'il faut savoir, c'est que dans nos milieux, on remplace quelqu'un, on prend la place d'un employé qui serait déjà payé. Pour nous, c'est inacceptable parce qu'on travaille très fort, on est passionné, on adore nos domaines et avec tout ce qui s'est passé avec la COVID-19, des gens comme nous, la société en a besoin. Nos infirmières, nos enseignants ont besoin d'aide, ils sont fatigués. C'est du travail multidisciplinaire, alors nous sommes solidaires», dit-elle.
Cette dernière rappelle que les psychoéducateurs mettent l'épaule à la roue à divers endroits, des écoles aux centres communautaires en passant par les centres de détention et le réseau de la santé. Pour faire partie de l'Ordre des psychoéducateurs du Québec, l'obtention de la maîtrise est obligatoire mais les besoins sont à ce point intenses que les étudiants sont très sollicités sur le terrain durant leur cheminement de baccalauréat, le nombre de nouveaux diplômés n'arrivant pas à pallier la demande.
«C'est vraiment un cercle vicieux, car on dit qu'on manque de main-d'œuvre, mais on met tout le temps des bâtons dans les roues des étudiants. Du début de notre baccalauréat jusqu'à la fin, c'est ce qui se passe. Qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer que les étudiants se rendent jusqu'à la fin? Je suis d'accord avec l'importance des stages, cependant on doit être payé. [...] En ce moment, les étudiants ne sont plus fâchés, ils sont épuisés. On n'a plus le temps d'être en colère», lance Mme Saïdane.
«Les mains liées»
Une lettre ouverte doit être acheminée incessamment à la rectrice de l'UQO, Marielle Laberge, affirme l'association étudiante, qui dit comprendre que l'institution a un peu «les mains liées» et que la balle est dans le camp de Québec. On aimerait aussi que l'Ordre fasse pression sur le gouvernement en ce sens.
«Ce qu'on cherche, c'est de trouver un terrain d'entente, pour que les étudiants puissent continuer leur parcours tout en subvenant à leurs besoins», de dire Mme Saïdane.
Au terme d'une assemblée générale, les étudiants en grève décideront de la suite des choses si leur mouvement ne porte pas fruit la semaine prochaine.
«Je sens que cette fois est la bonne, je suis de la génération des milléniaux et la génération de ceux avec qui je suis à l'école est différente dans ses approches. On a les réseaux sociaux, ce qu'on n'avait peut-être pas dans le temps ou qu'on utilisait moins. On a un impact beaucoup plus grand. On va s'en servir. Nos étudiants sont prêts à 100% à revendiquer leurs droits, ils sont prêts à 100%. On est dans une autre ère, on a besoin de nous sur le terrain», clame-t-elle.
Réaction de l'UQO
À titre de réaction, l'UQO réitère que le ministère de l'Enseignement supérieur offre un ensemble de mesures de soutien aux étudiants de ce programme, notant par exemple que ceux inscrits au baccalauréat reçoivent 2500$ par trimestre réussi jusqu'à concurrence de 15 000$. À la maîtrise, une somme de 2700$ est versée lors du dernier stage donnant accès au permis de pratique, ajoute-t-on.