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Début janvier, on se retrouve le ventre trop plein, repu de tous ces copieux repas des Fêtes. Le petit cochon qui tient lieu de tirelire, lui, a le ventre creux et crie famine. Avec l’inflation qui vient frapper aux portes de notre épicerie, l’alimentation prend une place encore plus importante dans nos vies. Remplir le panier est devenu un exercice comptable.

Les sorties au restaurant sont mises à l’index. Les lunchs et la carotte râpée reviennent en force au bureau.

À la maison, tout est en place pour le retour du fameux macaroni au fromage qui nous a si bien nourri étudiant, le même qui a provoqué la colère de cette Floridienne autrice d’un recours contre la compagnie Kraft Heinz Foods. Outrée que le temps de préparation de son produit Velveeta «Shells & Cheese» soit plus long que les trois minutes et demie annoncé sur l’emballage, elle réclame 5 millions en dommage et intérêts. Un design mal pensé sans doute.

Avocats au menu

Les avocats de la consommatrice courroucée soutiennent que ce laps de temps ne tient pas compte des quatre autres étapes nécessaires à la préparation: retirer le couvercle et le sachet pour la sauce, ajouter de l’eau, le passer au micro-ondes et remuer. Avec ces étapes supplémentaires, il serait impossible que le macaroni au fromage soit prêt en seulement trois minutes et demie, selon la plainte. Mensonges et manipulations, bref de la fausse représentation qui, selon eux, mérite réparation.

Si on vous parle d’un met typiquement canadien, vous penserez sans doute au sirop d’érable. Je vous parle plutôt du Kraft Dinner! Il est apparu sur nos tablettes en 1937: 0,19$ le repas, une aubaine en temps et argent.

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Comme on est en pleine guerre, les restrictions sur le fromage et sur la viande sévissent. Les gens y ont vite trouvé leur compte pour remplir à peu de frais leur ventre. Ils ont rapidement adopté les fameuses nouilles. Aujourd’hui les Canadiens achètent près de 1,7 millions de boîtes chaque semaine.

Nous sommes les champions toutes catégories puisque nous détenons le record mondial de consommation du célèbre macaroni prêt-à-porter par personne. Chacun d’entre nous, consommerait 3,2 boîtes en moyenne chaque année.

Je baisse définitivement la moyenne.

Le design qui se mange

Le design alimentaire est né du besoin de standardiser et normaliser la consommation d’un repas dans des conditions complexes afin d’offrir une expérience optimale pour le consommateur affamé. Ce plateau que l’on vous sert dans l’avion a été soigneusement pensé dans ses moindres détails: grandeur, format des compartiments, textures, poids, comportements et couleurs des aliments.

La tyrannie de l’écran ne date pas de la naissance de la tablette et du téléphone intelligent. La télé existait avant cela et le célèbre TV Dinner est né du besoin de pouvoir se nourrir confortablement installé devant son émission préférée. Le premier repas plateau était composé de dinde de l’Action de grâces panée au pain de maïs, de haricots congelés et de patate douce. Il était le sosie de celui servi par les services de restauration des compagnies aériennes. La compagnie Swanson qui le commercialisait, en vendit près de 10 millions dans sa première année.

Sur le premier emballage figurait un téléviseur.

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C’est la naissance du design alimentaire. Mais ce sont surtout les conditions de la vie militaire et des voyages spatiaux qui ont façonné cette discipline du design moderne.

Le plateau repas servi dans la station orbitale internationale aujourd’hui déterminera les conditions de votre prochain repas entre Montréal et Paris ainsi que celui qui vous sera servi à l’hôpital mais pas au CHSLD. Loin des aliments en tube des années 60, les astronautes français apportent avec eux des plats gourmets concoctés par des chefs réputés tels Alain Ducasse et Thierry Marx.

Dites à vos enfants que les astronautes mangent du brocoli, vous m’en donnerez des nouvelles. Taux de réussite garantie. Certifié par Élise, mère de deux super récalcitrantes aux légumes.

Malgré tout, cette discipline est assez nouvelle. Le design alimentaire est lié d’abord et avant tout au design de produit. Cela comprend, en plus de la création de nouveaux aliments, les emballages, les espaces, les objets et les formes de présentation et de conservation. Le terme est apparu vers 1997 en Europe et est désormais organisé et soutenu par l’International Food Design Society (IFDS). Elle englobe également des connaissances issues d’autres domaines tels que la biologie, la génétique, l’anthropologie, la psychologie, la sociologie et la nutrition.

Pas léger comme menu.

Retour de l’assiette

Finalement la version contemporaine du prêt-à-manger est plus appétissante. Les immenses réfrigérateurs des grandes surfaces regorgent de produits surgelés prêt-à-manger parfaitement réfléchis par des designers qui mettent au point le repas idéal aux proportions, textures et saveurs savamment étudiées et qui peuvent désormais vous faire faire un tour du monde gastronomique à peu de frais; du thaï au tex-mex en passant par le traditionnel pâté chinois.

Jamais nous n’avons autant été accompagnés au quotidien pour se nourrir sans cuisiner. Nous sommes loin des aliments usinés destinés à libérer les mères des années 60 de leur lourde charge quotidienne. On les comprend de s’être tourné vers les spaghettis en forme d’alphabet et ces douteux pain de viande gélatineux qu’on libéraient grâce à une clé.

En revanche, ils ont laissé place à une industrie du suremballage qui n’est pas sans conséquences. Un autre défi pour les designers.

Avouez-le, on est bien tenté de remettre le Kraft Dinner dans le panier. Une véritable perfection de design culinaire à petit prix.

Bon appétit! N’oubliez pas de recycler l’emballage.

***

À lire (en anglais): à propos de la poursuite contre Kraft: https://www.cnn.com/2022/11/28/business/florida-kraft-velveeta-mac-and-cheese-lawsuit/index.html
À écouter: Kraft Dinner de Lisa Leblanc: https://www.youtube.com/watch?v=8k914FAsc1U

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Graphiste de formation, originaire de Québec, Benoit Giguère a commencé sa carrière dans différentes agences de communication avant d'être embauché à La Presse où il a piloté tout le volet graphique de la transformation numérique du journal. Il est aujourd'hui vice-président à l'agence de marque BrandBourg et écrit régulièrement une chronique sur le design dans nos pages.

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