Jacques Gauthier est «un laïc», mais c’est aussi un «ravi du Christ», avance-t-il comme on dirait un «ravi de la crèche», pour parler d’un caractère benoît et bienheureux.
Un «ravi»... mais jamais un captif, car l’homme s’autorise bien des libertés lorsqu’il parle du «mystère de Dieu» et de son «compagnonnage» avec ce Confident miséricordieux.
Ce qu’il fait depuis près de 71 ans, que ce soit dans sa paroisse, à l’université, ses livres (il en a signé plus de 80) ou par l’entremise de divers médias.
Il ne retient pas non plus ses mots quand il évoque les «abus» des prêtres catholiques sur leurs ouailles ou les retards du Vatican, notamment en ce qui a trait à l’ordination des femmes.
Reste que tout le monde est faillible, même le pape, dit-il, et qu’il faut savoir être bienveillant face au passé et essayer de pardonner.
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Humaniser et pardonner
Il prend la plume (et la parole) en cherchant à «humaniser» l’énigmatique «présence» de ce «Dieu qui est Amour... et qui n’est qu’Amour, même. Il n’existe aucune faute qu’il ne [puisse] pardonner. Mais jamais il n’ira contre la liberté de la personne. Il propose, il n’impose pas. Il respecte [nos] décisions. C’est vraiment une présence d’amour.»
Jacques Gauthier sait tenir un rôle de prédicateur sans tomber dans le prosélytisme. Sa démarche ne s’éloigne jamais d’un verset biblique qui lui tient à cœur: «Seigneur, fais que ma vie soit question». «Il faut prêcher par l’exemple et par la bonté. Sinon, si on tente de forcer, on devient comme un fanatique.» Il se dit toutefois convaincu que la religion et la foi catholiques ne devraient pas être reléguées à la seule sphère privée.
Sa foi, elle est ancrée au plus profond de lui. Et ce, depuis sa plus tendre enfance. Il a beau confesser être né d’une étreinte amoureuse, il se sait le fruit d’une adresse à Marie, car sa mère fit une promesse à la Sainte Vierge, peu avant son accouchement.
Une vie bien remplie
Au fil d’une vie en zigs-zags entre sacré et profane, avec plus de zigs (le bonheur et les grâces liturgiques) que de zags (les poèmes et des crises, non des péchés), sa foi n’a fait que croître avec le temps.
Dans sa jeunesse turbulente de hippie, sa foi l’a sorti de la drogue. Lorsque, jeune homme, Jacques Gauthier s’est senti prêt à «adorer» son Ami, elle l’a amené jusqu’en France, pour amorcer une première retraite monacale ; il endossera plus tard l’habit blanc des moines novices, le temps d'une réclusion eucharistique volontaire dans une abbaye cistercienne du côté d’Oka.
Plus tard, sa foi l’a encouragé à enseigner à l’Université Saint-Paul d’Ottawa (20 ans durant) et à pousser des recherches en théologie et en «théopoésie» (ça existe! Vous pouvez le croire!). Dans la quarantaine, atteint d’une pneumonie, elle lui aura permis de faire la rencontre – spirituelle, s’entend – de Sainte Thérèse de Lisieux, alors qu’il se réveille un matin miraculeusement guéri.
Plus prosaïquement, son indéfectible croyance l’incitera à signer des chroniques chrétiennes dans divers médias, dont les colonnes du Droit au détour des années 70. En 2009, elle l’a conduit à animer l’émission dominicale de Radio-Canada Le jour du Seigneur, qu’il a piloté deux ans (il est resté à l’antenne plus longtemps, en tant que chroniqueur).
Un chemin apostolique au détour duquel l’écrivain a rencontré, en 2003, à Rome, le pape Jean-Paul II – à qui il a pu remettre en mains propres son livre J’ai soif.
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Un legs de 80 livres
En tant qu’auteur, Jacques Gauthier peut se targuer d’avoir été le tout premier président d’honneur du SLO issu de la région d’Ottawa-Gatineau, et d’avoir été honoré lors du gala des Culturiades en 2002.
L’écrivain s’est surtout consacré à de saintes écritures (sans majuscule). Il a publié un chapelet de biographies sur de pieuses personnalités et autres «maîtres spirituels chrétiens», du poète Patrice de La Tour du Pin à Sainte Thérèse de Lisieux en passant par le Frère André; des biographies «historiques, mais jamais hagiographiques», précise-t-il en entrevue.
Il a aussi signé de nombreux essais sur des sujets variés, quoique presque tous reliés (du verbe latin religere, qui a donné le mot «religion») de près ou de loin à la foi, la parole de l’Évangile. Et même un Guide pratique de la prière chrétienne.
Ses ouvrages sont publiés en France, où – nul n’étant prophète en son pays – ils jouissent d’un succès médiatique et commercial bien plus important qu’au Québec. Certains de ses livres ont été traduits en sept langues, «dont le japonais et le lituanien».
S’éloignant – un peu – des sentiers religieux, il a publié une vingtaine de recueils de poésie, dont Un souffle de fin silence, lauréat du Prix de poésie Le Droit en 2018, et Chemins de retour couronné du Prix littéraire Jacques Poirier en 2005. ‘Un peu’ seulement, car il poursuit inlassablement son «effort de dire Dieu dans un langage renouvelé où poésie et théologie s’enrichissent mutuellement».
Depuis novembre 2012, il tient, sur le Site Internet jacquesgauthier.com, un blogue qui comprend déormais quelque 600 entrées. Depuis deux ans, il a aussi sa propre chaîne YouTube.
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Autobiographie
Après avoir signé plus de 80 livres, Jacques Gauthier ose enfin écrire sa propre histoire. Son autobiographie, fraîchement parue, s’intitule En sa présence» Un parcours de vie bien remplie, et éminemment «spirituelle», que le septuagénaire veut laisser en guise d’«héritage» avant que ne sonne l’heure de rendre l’âme à qui elle appartient. Avant que Dieu ne daigne venir le «blesser d’amour à l’aurore». Il est serein : «Je ne meurs pas; j’entre dans la vie», écrit-il en citant Thérèse de Lisieux.
La défense du français
Au détour du livre, il évoque d’un autre combat aux allures parfois christique, celui de la défense de la langue française au Québec.
La langue, c’est son autre ‘passion’. Il consacre ainsi un chapitre à une mésaventure survenue en 1997, à Montréal, au moment de monter à bord d’un autobus Voyageur. Le chauffeur a exigé que Jacques Gauthier quitte le véhicule, après un échange de paroles où le ton était monté, chacun tenant à s’exprimer exclusivement dans la langue de sa «solitude».
Se sentant bafoué dans ses droits et sa culture, le Gatinois avait porté plainte auprès du tout-puissant transporteur. Son témoignage avait alors fait la une du journal Le Droit. L’ incident linguistique fut ensuite repris par divers médias de la province.
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Voeux
Mais, puisque c’est Noël, revenons à nos moutons, leur Berger et son étoile. En cette période célébrant la Nativité, Jacques Gauthier a des vœux à partager avec nos lecteurs.
«À tous, je souhaite la paix intérieure. Quand on a la paix dans son cœur, ça aide aussi les autres à la trouver, car ça rayonne autour de nous.»
Réconfortante et familiale pour les uns, la période de Noël vient avec une certaine douleur, pour les gens seuls ou moins bien nantis, poursuit-il. Ceux qui ont récemment vécu un échec amoureux ou professionnel peuvent aussi ressentir une pression accrue. «C’est un moment où les gens peuvent se sentir coupables de plein de trucs. Il est important d’essayer de trouver la paix».
En sa présence, éditions Novalis, 330 pages.
Renseignements : Jacquesgauthier.com
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Comme Don Quichotte
«Je tiens à parler de l’Église de façon positive. Peut-être qu’on ne parlerait même pas le français, au Québec, s’il n’y avait pas eu l’Église, professe jacques Gauthier.
« On dit ‘Je me souviens’, mais non on souffre [collectivement] d’Alzheimer [en occultant] ce qu’il y a eu avant la Révolution Tranquille. Il y a eu des abus, mais il ne faut pas non plus penser que tout est pourri. On est trop polarisés, aujourd’hui, pas assez au centre; on n’est plus guère capables de dialoguer avec nuances.»
« Je fais confiance [à l’Église] mais je choisis ce qui me plait» parmi les dogmes de son catéchisme. «L’institution m’incarne, me donne une solidité.» Ainsi, avance-t-il, sa foi inébranlable dans une main, son «cœur d’enfant» dans l’autre, en optant pour la «confiance», fut-ce parfois au prix du «raisonnement», convient-il candidement.
Il écrit moins pour prêcher que pour «témoigner», devant les jeunes générations surtout, de «l’action de Dieu» dans sa vie quotidienne. Pour afficher ses couleurs, dans une société qui, de plus en plus, préférerait que les signes religieux ne soient pas trop ostensibles. Dans cet océan canadien du multiculturalisme (multiconfessionnel) rayonnant, «je me sens parfois un peu seul, un peu comme Don Quichotte», confesse Jacques Gauthier.