Chronique|

Le dilemme des joueurs de 20 ans

Manix Landry

CHRONIQUE / Louis Robitaille parle d’une décision qui sera «déchirante». Je le crois sur parole.


Cette décision sera déchirante parce qu’elle sera déterminante.

Elle pourrait faire une grosse différence, dans quelques mois, entre le succès et l’échec durant les séries éliminatoires.



Robitaille jure qu’il n’est pas encore branché.

Là, je le crois... Jusqu’à un certain point.

Il travaille à Gatineau depuis presque trois ans. Il a vu les jeunes Olympiques grandir. Il doit commencer à bien connaître les joueurs, leurs forces et leurs faiblesses.

Il a l’intention de prendre son temps. Il pourrait bien se donner jusqu’à la date limite des transactions avant de trancher.



Louis Robitaille, entraîneur-chef et directeur général des Olympiques 

Quel joueur de 20 ans devra partir?

On ne l’envie pas.

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«C’est un heureux problème, dans un sens. Mais c’est un problème qui est difficile. Il va falloir laisser partir un joueur qu’on apprécie énormément et qui apporte beaucoup à l’équipe», m’a dit l’entraîneur-chef et directeur général, quand je lui ai parlé, plus tôt, cette semaine.

C’est simple. Robitaille a réglé un gros problème quand il a fait l’acquisition de Francesco Lapenna.

Au hockey, on ne peut pas aller bien loin sans un gardien solide. Lapenna peut se rendre jusqu’au bout. Il a mené son équipe en finale de la coupe du Président, le printemps dernier. En 15 matches éliminatoires avec les Islanders de Charlottetown, il a subi un seul revers en temps réglementaire.



Le problème, c’est que Lapenna était âgé de 20 ans au début de la saison. Le règlement du hockey junior canadien a toujours été clair. Les équipes n’ont pas le droit d’aligner plus de trois joueurs de 20 ans.

L’arrivée du gardien va donc pousser un joueur vers la sortie.

«Ce n’est pas une question de talent. Tous nos joueurs de 20 ans ont du talent. Nous avons un défenseur offensif, un marqueur naturel et notre capitaine», énumère Robitaille.

Le capitaine, précise-t-il, est un centre qui est capable de «jouer sur 200 pieds».

Déjà, c’est embêtant. Les équipes qui veulent faire un bout de chemin, en séries, ont besoin de tout ça.

Isaac Belliveau

Le défenseur à caractère offensif, c’est Isaac Belliveau.

Il n’est pas parfait. Les défenseurs à caractère défensif ont souvent des lacunes en défensive. Il produit quand même à un rythme supérieur à un point par match. Quand il saute sur la patinoire, lors d’une supériorité numérique, il est toujours dangereux. Sa présence peut faire la différence, quand il faut aller chercher un gros but, en fin de match.

En plus, les défenseurs ne poussent pas dans les arbres. Si jamais il part, Robitaille devra très rapidement se mettre à la recherche d’un autre défenseur pour le remplacer. Ça lui compliquerait la tâche.



Le marqueur naturel, c’est Cole Cormier.

Cole Cormier

L’Acadien de Dieppe a tout fait ce qu’il fallait, depuis son arrivée à Gatineau, au début de la saison 2021-22. Il s’est montré efficace dans les séries, aussi. Il a connu trois matches consécutifs de deux points.

Cet automne, il a fait partie du meilleur trio de l’équipe, avec deux autres joueurs des Maritimes, Samuel Savoie et Zach Dean.

Avec tous les imprévus - blessures et autres pépins - qui ont marqué la saison, jusqu’ici, Robitaille se plaît à répéter qu’il n’a pas été capable de diriger son équipe au grand complet, jusqu’ici. Dans le contexte, a-t-il les moyens de briser une des rares combinaisons qui fonctionnent?

Il reste le troisième et dernier candidat. Le centre «qui peut jouer sur 200 pieds».

Déjà, c’est compliqué. Les Olympiques ont de la profondeur à l’attaque, mais ils n’ont pas des tas de joueurs de centre. Avec sa vitesse, Landry peut se frotter à n’importe qui.

En séries, encore une fois, ça peut être important.

Belliveau, Cormier et Landry ont du talent.

Pour cette simple raison, se défaire d’un joueur, dans ce groupe «représente un gros défi», selon Robitaille.

Et ce n’est même pas le plus gros défi.

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À la fin de la période des transactions, il devrait rester trois ou quatre sérieux aspirants à la coupe du Président. Ce n’est pas nouveau. C’est comme ça chaque année.

Dans les jeux vidéos, il suffit de réunir des joueurs de talent pour former une bonne équipe.

Dans la vraie vie, il en faut un peu plus.

Robitaille, avec toute son expérience, en est parfaitement conscient.

«Le plus gros défi, parfois, c’est le côté émotionnel. Quand t’es entraîneur et directeur général, tu bâtis une relation avec les joueurs, en les côtoyant chaque jour.»

Les joueurs aussi développent des liens forts.

Manix Landry est le capitaine de l’équipe. Il vient d’entreprendre sa troisième saison dans ce rôle.

On ignore si les Olympiques ont déjà eu le même capitaine pendant trois saisons, auparavant.

Landry a traversé une des plus difficiles périodes de l’organisation. Il a survécu au congédiement de son premier coach, qui était aussi son père.

Landry est un membre très apprécié du groupe. Ses coéquipiers l’aiment beaucoup.

On ne laisse pas partir un leader de qualité sans se poser de sérieuses questions.

Une décision «déchirante», dit Louis Robitaille. Je le crois.

Une de ses plus importantes décisions à titre de grand patron des Olympiques.