Chronique|

Commençons par donner l’exemple

Les scientifiques de l’Université de Sherbrooke concluent à «une baisse alarmante de la condition physique cardiovasculaire et de la capacité fonctionnelle de nos enfants et adolescents au cours des 35 dernières années». Aujourd’hui, on dirait que pour faire du sport, il faut s’inscrire à un cours ou à une activité organisée. Nous voilà prêts à mandater nos gouvernements de faire bouger nos jeunes. Alors que comme parents, comme adultes, il faudrait peut-être commencer par donner l’exemple.

CHRONIQUE / Voilà qu’on suggère de rendre obligatoire un cours d’éducation physique par jour à l’école pour combattre la sédentarité et l’excès de temps d’écran chez les jeunes. 


C’est que les enfants québécois sont à bout de souffle, titrait La Presse + de mercredi. Des chercheurs ont comparé les résultats obtenus par nos jeunes au test navette (le fameux test bip-bip) en 1982 par rapport à aujourd’hui.

Et le constat est apeurant.

Non seulement les jeunes résistent moins bien à l’effort, la majorité d’entre eux (58% des gars de 17 ans et 70% des filles) ont glissé sous le seuil critique de protection contre des ennuis de santé majeur. 

Les scientifiques de l’Université de Sherbrooke concluent à «une baisse alarmante de la condition physique cardiovasculaire et de la capacité fonctionnelle de nos enfants et adolescents au cours des 35 dernières années».

Au train où vont les choses, c’est rien de moins qu’une «épidémie de maladies cardiométaboliques» qui guettent notre société, préviennent-ils. Des jeunes atteints de diabète, de maladies du coeur, du foie, des reins… La pression sur le système de santé, déjà énorme, menace de s’accentuer. Elle viendra désormais des deux bords, de ceux qui vieillissent et des jeunes dans un état de santé pitoyable.

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Au risque d’avoir l’air d’un vieux radoteux, c’est facile de voir ce qui a changé depuis 1982.

En 1982, j’avais 12 ans.

À moins qu’ils pleuvent des cordes, ma mère nous envoyait jouer dehors après déjeuner, mon frère, ma soeur, le chat et moi. Été comme hiver. Il nous était interdit de rentrer avant la collation!

À l’école, chaque récréation, chaque heure du midi, était passée à jouer au ballon chasseur, au drapeau, à la «tague». En revenant de l’école, on s’improvisait des parties de hockey ou de baseball dans la rue. On y retournait après le souper…

C’était une époque sans Internet, sans téléphones cellulaires, avec quelques ordinateurs. Les jeux vidéos? Il y avait bien Atari et Intellivision, mais rien de comparable aux jeux immersifs d’aujourd’hui. La télé? Avec un choix de 13 postes au total, c’était pas si captivant…

Bref, on jouait beaucoup dehors, on bougeait, on jouait au tennis. On allait même à l’école à pied ou en vélo, c’est dire!

Les cours d’éducation physique dans tout ça?

À cette époque, on ne les voyait pas comme LE moment de la journée ou LE moment de la semaine pour forcer nos jeunes à bouger. Le cours d’édu était un bonus par rapport à tout le sport qu’on faisait déjà. On nous initiait aux rudiments du basketball, du touch-football, de l’athlétisme, du badminton, du handball…

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Aujourd’hui, on dirait que pour faire du sport, il faut s’inscrire à un cours ou à une activité organisée.

Des villes comme Gatineau se sentent même obligés d’adopter des règlements pour permettre le jeu libre dans les rues… Dans ma jeunesse, ça allait de soi qu’on jouait dans la rue!

Pour ramener le goût du sport, on recommande aux organisations sportives, aux écoles, d’éviter le développement de l’élite sportive à tout prix au détriment de la participation. J’en suis, il faut commencer par enseigner à nos enfants le plaisir de bouger avant de les forcer à se mesurer aux meilleurs.

Des experts recommandent de rendre obligatoires les cours d’éducation physique une fois par jour dans les écoles. J’en suis aussi, même si je trouve triste qu’on en soit réduit à «institutionnaliser» la pratique de l’activité sportive pour forcer nos jeunes à s’y adonner.

Je sens surtout que ce sera insuffisant. Nous voilà prêts à mandater nos gouvernements de faire bouger nos jeunes. Alors que comme parents, comme adultes, il faudrait peut-être commencer par donner l’exemple.

Si mon grand garçon de 21 ans fait du sport aujourd’hui, ce n’est pas parce que je l’ai forcé. C’est parce que je lui ai transmis mon amour du sport que j’ai moi-même hérité de mon père. C’est parce qu’il me voit en faire à tous les jours. Parce que, bien souvent, je fais du sport avec lui.

Regardons-nous: on vit dans un monde où on fait passer l’activité physique après tout le reste. Après le travail, la famille, les amis, les emplettes, la télé, les écrans… Ensuite, on s’étonne que notre progéniture fasse pareil.