Deux fois plus d'intéressés que d'admissions en Technologie de radiodiagnostic

Le nouveau programme Technologie de radiodiagnostic du Cégep de l'Outaouais a reçu deux fois plus de demandes d'admission que de places disponibles pour sa première cohorte qui débute en janvier.

Élaboré en six mois grâce à la concertation avec le réseau de la santé – un record et une stratégie qui font tourner les têtes au Québec –, le nouveau programme Technologie de radiodiagnostic du Cégep de l'Outaouais a reçu deux fois plus de demandes d'admission que de places disponibles pour sa première cohorte qui débute en janvier.


Alors que la région est cruellement en déficit de technologues en imagerie médicale – l'équivalent de 25 postes à temps complet sont vacants dans les hôpitaux – l'institution confirme avoir reçu 33 demandes à l'issue du premier tour des admissions qui s'est achevé à la mi-novembre. Du nombre, il y a bien sûr de nouveaux venus mais aussi, souligne-t-on, une proportion d'étudiants actuels qui ont formulé des demandes de changement de programme pour joindre cette formation technique de trois ans.

Face à cet engouement pour ce programme octroyé par Québec à peine en juin dernier, on a eu d'autre choix que de couper la poire en deux en raison du manque d'espace qui se fera sentir au moins jusqu'à l'été 2025, échéancier prévu pour une première phrase d'agrandissement du campus Gabrielle-Roy à l'endroit où sont installés des locaux modulaires depuis des années.

«En raison des contraintes techniques d'espace dans ce modèle hybride que nous lançons, on va restreindre à 17 admissions, la sélection va être complétée incessamment, pour nous permettre de lancer une première cohorte très solide. Ce qui est vraiment intéressant avec cette cohorte-là, c'est que c'est concret, ça abouti, on a remporté notre pari, cet engagement-là qu'on a fait face à l'urgence d'agir. On (connaît) la gravité de la situation, on veut pouvoir donner un coup de main très concret à notre partenaire principal dans cette aventure-là, le CISSSO, mas également soulager le système de santé», de dire le directeur général Steve Brabant.

Steve Brabant, directeur général du Cégep de l'Outaouais

Rappelons-le, en attendant cet ajout d'espace et d'équipement, les étudiants qui entameront la Technologie de radiodiagnostic le 23 janvier prochain de même que les cohortes subséquentes suivront une partie de leur formation pratique dans des espaces temporaires aménagés à l'Hôpital de Hull, en plus des installations du Cégep.

«Un exploit»

Pour M. Brabant, qui parle «d'efforts exceptionnels face à une situation exceptionnelle», cette popularité du programme élaboré «sur une piste d'accélération» démontre bien la qualité du travail acharné des six derniers mois équipes tant au niveau collégial que dans les rangs du Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais (CISSSO). La Journée portes ouvertes au Cégep, devancée comparativement aux habitudes, aura entre autres permis de mousser le programme. 

«Cet exploit-là, parce que pour nous ce n'est rien de moins, on aura pu le réaliser en un temps record, possiblement historique pour ce qui est du réseau collégial», note-t-il, précisant qu'un coordonnateur expert dans le domaine a été embauché et qu'on souhaite aussi s'inspirer des bonnes pratiques d'autres cégeps.

Le gestionnaire affirme que ce modèle de développement en totale concertation avec le milieu a piqué la curiosité dans le réseau provincial et suscite de l'intérêt au ministère de l'Enseignement supérieur.

Depuis 2013, devant l'absence d'offre dans la région, 55 étudiants provenant de l'Outaouais s'étaient inscrits à ce programme dans des établissements ailleurs au Québec.

Le directeur des études au Cégep de l'Outaouais, Yves Mc Nicoll, affirme que c'est donc dire que dès la rentrée d'août prochain, deux cohortes cohabiteront en parallèle dans ce programme qui, à moyen et long terme, devrait avoir une capacité d'accueil d'au minimum 65 étudiants répartis sur trois cohortes. 



Les étudiants qui entameront la Technologie de radiodiagnostic le 23 janvier prochain de même que les cohortes subséquentes suivront une partie de leur formation pratique dans des espaces temporaires aménagés à l'Hôpital de Hull.

Ramener «de l'air frais» 

Chose certaine, le CISSSO cache mal sa satisfaction face aux résultats de ce première ronde d'admissions. 

De l'avis du directeur adjoint des services diagnostics à la direction des services multidisciplinaires et à la communauté, Zied Ouechteti, ce programme contribuera à ce que la région se sorte «d'un cercle vicieux» et à «ramener de l'air frais» dans les établissements car les équipes sont fatiguées. 

«C'est vraiment une excellente nouvelle pour le CISSS, car ça fait un bout de temps qu'on vit une pénurie majeure de ressources humaines pour pouvoir offrir le service convenablement et répondre à la demande qui ne cesse de grandir d'une année à une autre mais aussi faire face à la concurrence d'Ottawa qui vient chercher beaucoup de technologues. C'était vraiment la solution, l'unique je dirais, pour pouvoir garnir nos services avec des technologues qualifiés, qui sont de la région, qui vont travailler dans la région. Les possibilités de recrutement des autres cégeps, on les a exploitées depuis plusieurs années mais ça ne répond pas vraiment aux besoins du CISSSO», explique-t-il.

M. Ouechteti se dit par ailleurs confiant que les futurs diplômés pratiqueront du côté québécois de la rive même si le salaire des technologues y est significativement plus élevé (14$ de l'heure de plus au premier échelon). «L'offre qu'on va faire maintenant ensemble, avec le modèle hybride de formation, va vraiment créer cette espèce de lien entre les stagiaires étudiants et le CISSSO. Il faut se rappeler qu'on a un environnement de travail qui est très attirant. [...] C'est une équipe très dynamique, il y a beaucoup de challenge, il y beaucoup de choses qui attachent les employés et je peux le dire: on a ramené et recruté du monde de l'extérieur. Ils sont venus puis sont restés chez nous», affirme-t-il.

Possibilité d'embauche en parallèle dès l'hiver

Face au manque criant de main-d'œuvre, une entente a été conclue pour que les étudiants puissent, sur une base volontaire et ce dès leur stage d'observation à la première session, être embauchés par le réseau de la santé à titre d'assistant technique en radiologie. 

«Ce sera une manière de contribuer (au milieu) très rapidement et pas seulement d'attendre en 2025 au moment de la diplomation avec l'insertion dans la profession», souligne M. Mc Nicoll.

Pour le coordonnateur clinico-administratif au CISSSO, Jonathan Dubois, cette stratégie, qu'il perçoit comme un échange d'expertise,  est gagnante-gagnante.

«Ils vont pouvoir participer à la vie active d'un technologue en radiodiagnostic, à l'exception de certaines tâches qu'ils ne peuvent pas faire. Ils vont déjà côtoyer des technologues, des radiologistes, la vie régulière d'un technologue, jour, soir, fin de semaine», dit-il, ajoutant que la concrétisation de ce projet donne de l'espoir aux équipes en place.

Selon leur lieu de résidence, les étudiants pourraient avoir la possibilité de travailler en marge de ce programme dans un centre hospitalier hors du noyau urbain, par exemple à Shawville ou Maniwaki.

Sur une base volontaire et dès leur stage d'observation à la première session, des étudiants pourront être embauchés par le réseau de la santé à titre d'assistant technique en radiologie, permettant ainsi de faire face au manque criant de main-d'œuvre.

Pour cette formation collégiale, un appareil de radiographie de l'Hôpital de Hull sera libéré les lundis et vendredis, jours de présence des étudiants, mais puisque les trois salles ne fonctionnent pas à 100% en raison de la pénurie de personnel, le CISSSO assure qu'il n'y aura pas d'impacts sur la population.

Selon Steve Brabant, il sera même envisagé de maintenir certaines de ces dispositions même lorsque le Cégep aura ses propres installations flambant neuves.

«Ça favorise l'intégration et l'appropriation de la profession beaucoup plus tôt dans le processus. Ce projet-là met en lumière un bel exemple de mobilisation et concertation régionale qui peut donner de grands résultats. Ç'a pris 10 ans avant d'obtenir quelque chose, mais si on l'a obtenu, c'est parce qu'on s'est serré les coudes, on a fait front commun pour faire entendre ce besoin-là», lance-t-il.

Un premier appel d'offres pour l'agrandissement du campus Gabrielle-Roy, celui pour les plans et devis en architecture, a été octroyé le mois dernier. Les prochaines étapes du projet de plusieurs millions suivront ensuite à l'été et à l'automne 2023.