Alors que la Commission Rouleau termine ses audiences, un nouveau «convoi de la liberté» serait en pleine préparation, prêt à mettre le cap sur la capitale dans la seconde moitié de février. Comme une série télé : la manif, saison 2.
Un camionneur appelé James Bauder a écrit sur sa page Facebook qu’un convoi partirait de la Colombie-Britannique les 11 et 12 février pour arriver à Ottawa le vendredi 17 février. Un autre convoi quitterait l’est du pays les 14 et 15 février et un autre du sud de l’Ontario le 15 février. Pour converger tous ensemble à Ottawa à la même date, le 17. «C’est le moment parfait pour le rapport final de la Commission sur l’état d’urgence», a indiqué Bauder sur le réseau social.
Cofondateur de l’organisation Canada Unity, membre de l’organisation du Convoi de la liberté 2022, Bauder a pourtant été arrêté durant les manifestations de l’hiver dernier et n’a pas le droit de retourner au centre-ville. Peu importe. Son plan est de faire un événement à l’extérieur de la ville, a-t-il expliqué au Alberta Report. Et surtout, rapporte le média en ligne, il entend transformer ce rendez-vous en «festival de l’unité.» Un rassemblement surtout festif sur le thème de la réconciliation et «des câlins», a précisé le camionneur. «C’est l’édition rameau d’olivier.»
À Ottawa, nombreux sont ceux qui ont été traumatisés par les événements de février 2022. La violence verbale, voire physique, l’agressivité ambiante, le manque de respect pour les résidents, les médias… Personne n’a envie de revivre quoi que ce soit qui ressemble de près ou de loin à ce qui s’est passé. La nouvelle a donc répandu quelques frissons.
Mais prenons le temps d’y réfléchir. Ne serait-ce pas une bonne idée de transformer l’énergie déployée par ces manifestants vers quelque chose de constructif? D’en faire un mouvement pacifique et respectueux, qui pourrait exprimer les revendications de franges de la population s’estimant marginalisées?
Pourquoi pas?
J’entends déjà bien des gens s’insurger à l’idée de tendre un signe de paix à certains des zigotos qui ont marqué le paysage hivernal de 2022. Mais partout en Occident, l’heure est à la réflexion sur l’extrême polarisation politique qui sévit actuellement. Notre chroniqueuse Hélène Buzzetti en a fait un tout nouvel essai, Plaidoyer pour l’extrême centre – gratuit pour nos abonnés numériques. Mais elle n’est pas la seule à s’inquiéter du fossé vertigineux qui se creuse entre les positions campées des progressistes, tendance parfois durs à cuire d’un côté et des conservateurs, populistes et autres personnages plus ou moins trumpiens de l’autre. C’est la nouvelle grande inquiétude de nos démocraties. Et pour cause. Les forces qui nous tirent vers les extrêmes sont en grande partie alimentées par des réalités technologiques et financières de plus en plus loin de notre contrôle.
Nous sommes obligés d’y réfléchir.
Et de voir comment commencer à recréer des ponts qui pourraient nous mener vers un centre fluide, inclusif.
Le monde des affaires travaille depuis des années maintenant avec des concepts de gestion qui ouvrent de plus en plus la porte à la discussion plutôt qu’à l’imposition. La politique doit être aussi, pas sa nature, un terrain de jeu pour les conciliateurs et les réconciliateurs.
Dans la série Histoire de jouets, qu’on re-re-regardera avec plaisir durant les temps des Fêtes, les dizaines de petits bonhommes verts extra-terrestres amis de Buzz Lightyear sont tous gérés par une entité bienveillante appelée le «uni-mind» qui fait en sorte qu’ils ont tous la même opinion et marchent dans le même sens.
Malheureusement, c’est du cinéma.
Les constitutions de nos États démocratiques n’ont pas été créées par les petits bonshommes verts agissant en parfaite harmonie, mais par des gens qui arrivaient à la table avec des idées divergentes sur la façon d’organiser notre interdépendance.
Et nous devons, de nouveau, créer des espaces pour de tels échanges et discussions, afin que nos échanges soient réellement bidirectionnels et souples. Et que le tout ne ressemble pas à des ripostes d’obus verbaux lancés sur les réseaux sociaux ou ailleurs dans l’espace médiatique, destinés à détruire et non à construire.
Est-ce naïf de penser que de tels échanges porteurs puissent avoir lieu si le convoi revient dans la capitale? De croire qu’on peut réellement transformer cette convergence canadienne en une fête annuelle ottavienne où tout le monde est bienvenu et où on peut entendre des discours qui ne transportent peut-être pas les mêmes idées que les nôtres, mais qui méritent d’être écoutées? Est-ce irréaliste de penser que la police encadrera bien le tout, que le moment serait pacifique et respectueux?
Peut-être.
Mais alors, que proposez-vous? La place que prennent les leaders extrêmes est celle laissée vacante par les centristes qui ne portent pas attention à toutes les voix.
Il faut trouver des moyens d’écouter les gens très fâchés qui sont venus à Ottawa l’an dernier, il faut tous décolérer, il faut essayer de s’entendre.