Chronique|

Romain, comme Jonathan, rêve à la Coupe du monde

Romain Loua avec son coéquipier Serge-Amaury Mian et d'autres garçons invités dans le portrait.

CHRONIQUE / Déjà, au départ, c’était cool d’être là. 


L’école secondaire publique Louis-Riel avait décidé de célébrer le premier match du Canada en Coupe du monde comme il se doit, en organisant un visionnement sous son grand dôme sportif.

On avait donc l’occasion d’assister à ce grand moment dans la vie de Jonathan David, à quelques mètres de la surface synthétique où il a - presque - tout appris.

J’ai franchi la porte une dizaine de minutes, à peine, avant le coup d’envoi. À ce moment-là, RDS avait étrangement choisi de présenter une capsule en anglais. On leur a vite pardonné, parce que c’était vraiment à propos. Il était question de la diversité qui fait la force de l’équipe nationale canadienne.

On pourrait dire la même chose de la communauté étudiante et sportive de Louis-Riel.

Les garçons, installés dans les premières rangées, devant l’écran géant, n’étaient pas vraiment à l’écoute. Ils ont à peine réagi quand le narrateur a parlé des origines de David.

Né à Brooklyn, il est rentré en Haïti quand il était âgé de trois mois. Six ans plus tard, sa famille a choisi de s’installer en plein cœur de l’hiver, à Ottawa.

L’ambiance a vite changé lorsque le ballon a été mis en jeu. Lorsque Claudine Douville a commencé à décrire l’action, les étudiants qui fréquentent l’alma mater de David se sont tus.



Ils ne voulaient absolument rien manquer de cet après-midi historique.

«La culture de foot à Louis Riel est vraiment forte», m’a expliqué, plus tard, Joé Fournier.

«J’ai commencé ici en 2005. La première chose que j’ai remarqué, c’est que je pouvais vraiment parler de soccer avec les élèves. Dans les dernières années, comment dire... Les choses ont carrément explosé. Nos jeunes pratiquent chaque jour. Ils regardent tous les matches importants. Ça se sent. Ça se voit.»

«La diversité, c’est une des choses qui m’ont attiré ici. Notre communauté représente très bien le landscape canadien, la culture canadienne. Nous avons des gens qui arrivent de tous les pays. Ça contribue à nous donner une bonne culture de foot.»

J’aurais envie de vous dire que Joé Fournier nous a donné un bon portrait de la situation.

Un athlète étudiant, Romain Loua, a peut-être trouvé de meilleurs mots, encore.

«C’est vraiment la passion qui nous rassemble. C’est l’envie de jouer, l’envie d’être là. Le foot nous éloigne de tous nos problèmes. Ça nous fait oublier tout ce qui se passe à l’extérieur.»

D’accord. Il faut que je vous parle davantage de Romain.

••••

Romain est né en Guinée.

Ses parents ont migré au Canada il y a une douzaine d’années. Il n’a pas pu les accompagner, au départ. Il a été capable de rejoindre sa famille en 2016.

Il a commencé à jouer au foot de façon sérieuse quand il avait 14 ans.

«J’ai commencé très tard, convient-il. C’est ici que j’ai vraiment appris à connaître le foot. C’est ici que j’ai découvert ma passion pour le foot.

- Tu ne connaissais pas le sport durant vos années en Afrique?

- Je connaissais le foot, mais ça ne faisait pas vraiment partie de ma vie. Ce n’était pas assez développé, vous savez? En Afrique, je me concentrais sur mon avenir. Je n’avais pas vraiment le temps de penser à l’option de jouer au foot.»

La suite de l’histoire de Romain se devine facilement. Le jeune migrant a réussi à s’adapter grâce à sa passion pour le sport.

Il était en train de m’expliquer que presque tous ses amis jouaient au soccer, quand le photographe Étienne Ranger a sorti sa caméra pour prendre une photo avec son coéquipier Serge-Amaury Mian.

Un troisième garçon s’est - littéralement - invité dans le portrait. Puis, un quatrième. Et un cinquième. Et ainsi de suite. Ça vous donne, au final, la photo qui illustre cette chronique.

Romain Loua, athlète étudiant de l'école secondaire publique Louis-Riel, avec son coéquipier Serge-Amaury Mian.

«L’équipe canadienne nous ressemble beaucoup, vous savez. Vous n’avez qu’à regarder l’effectif de l’équipe de notre école. On a des Marocains, des Iraniens, des gens qui viennent de l’Europe, du nord de l’Afrique... Je pense un peu, aussi, de l’Asie. Ça fait plusieurs pays. Je ne peux pas tous les nommer!»

Je discutais avec Romain depuis quelques minutes, déjà. J’avais l’impression de m’adresser à un jeune homme qui savait où il s’en allait.

Quand je lui ai demandé où il aimerait se trouver, dans 10 ans, j’imaginais qu’il me parlerait d’une carrière en Droit, en communications, en politique.

«Dans 10 ans, j’espère être professionnel.»

Ça m’a un peu surpris.

Romain rêve de la Coupe du monde. Il veut marcher dans les traces de Jonathan David. En ajoutant sa touche personnelle.

«Je ne vais pas le nier, j’aimerais bien retourner en Afrique. J’aimerais jouer pour mon pays. J’ai appris des tas de choses, ici. J’aimerais développer le foot dans mon pays, pour les gens qui, comme moi, n’ont pas eu la chance de commencer très jeunes. J’aimerais aussi qu’on finisse par avoir une des plus grandes équipes au monde.»

Ça prend du courage pour parler de rêves aussi ambitieux ouvertement.

Il paraît qu’à Louis-Riel, on encourage les jeunes à parler de leurs rêves ambitieux. Ça les rend plus réels. Après, il faut prendre les moyens de les atteindre.

«J’ai de grandes émotions, vous savez. On a un joueur de Louis-Riel qui est en train de jouer à la Coupe du monde. Je me dis que ça pourrait être moi, un jour.»