Un district de conservation du patrimoine bien caché

Toutes les maisons de la Côte-de-Sable sont en briques, à l’exception d’une seule, la Maison Simard, qui s’avère également la plus ancienne demeure de l’avenue.

NOTRE HISTOIRE / Dans les années soixante et soixante-dix, la Côte-de-Sable, l’un des plus anciens quartiers de la ville d’Ottawa, connaît de sérieux bouleversements qui modifient profondément son caractère historique. Heureusement, des citoyens se mobilisent pour préserver le patrimoine bâti du secteur et fondent en 1969, Action Côte-de-Sable, un organisme communautaire qui est toujours actif dans le quartier.


La protection du caractère historique de la Côte-de-Sable n’a toutefois pas été chose facile. En effet, il faudra attendre près de 15 ans avant que les rues les plus riches en patrimoine bâti du quartier soient enfin protégées. En effet, ce n’est qu’après de longues consultations avec la population locale et d’intenses négociations avec la Ville d’Ottawa, qu’un plan d’aménagement municipal est adopté. Par la suite, il faudra encore attendre six ans pour que finalement cinq districts de conservation du patrimoine de la Côte-de-Sable soient créés en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario.

Cette lenteur laisse supposer qu’à l’époque, il n’y a pas d’unanimité chez les propriétaires pour préserver le caractère architectural unique du quartier. Par ailleurs, la construction de plusieurs tours d’habitation sur l’avenue Laurier indique que des promoteurs planifient une tout autre vocation immobilière pour la Côte-de-Sable.

Quoi qu’il en soit, les districts de conservation de l’avenue Daly, de la rue Wilbrod, de l’avenue King Edward, de la rue Stewart et de l’avenue Sweetland voient le jour en 1984. De tous ces districts patrimoniaux, le moins connu s’avère sans doute le dernier, car il ne regroupe qu’un pâté de maisons ancestrales entre l’avenue Laurier Est et la rue Osgoode.

En réalité, ce riche îlot patrimonial s’avère un très bel exemple de la fusion de plusieurs styles architecturaux de maisons en rangée et unifamiliales de la Côte-de-Sable, un quartier recherché par la bourgeoisie francophone et anglophone d’Ottawa, particulièrement entre 1880 et 1920. En fait, 80 pour cent des bâtiments du quartier sont construits à cette période.

La Maison Simard 

Toutes les maisons de ce district de conservation du patrimoine sont en briques, à l’exception d’une seule, la Maison Simard, qui s’avère également la plus ancienne demeure de l’avenue. Cette habitation en ossature de bois, située au 31, Sweetland, est érigée en 1884 pour loger la famille d’Olivier Simard. À l’origine, elle possède un toit en mansarde, des lucarnes et une fenêtre en saillie dans la devanture. La tour exhaussée jusqu’à l’étage, qui attire le regard, constitue cependant un ajout ultérieur.

La Maison Simard, qui a été soigneusement restaurée au cours des dernières années, jouit d’une double protection, puisqu’en plus d’être située dans un district historique, elle est aussi désignée immeuble patrimonial par la Ville d’Ottawa.

La Maison Simard

En fait, ce beau bâtiment de style Second Empire indique que la classe ouvrière francophone plus aisée de la capitale ne reste pas indifférente aux modes architecturales de l’époque.

Maisons en rangée Queen Anne

Érigées vers 1890, les belles résidences en rangée de briques, qui font face à la Maison Simard, se distinguent par leurs riches ornementations des corniches, des pignons et des grandes galeries. D’ailleurs, toutes ces dentelures en bois qui caractérisent le style Queen Anne donnent un cachet très attrayant à ce bout de rue.

Maison Mitrow

Il ne faut pas oublier les maisons en briques rouges de l’extrémité sud du district, vers la rue Osgoode, construites au début du XXe siècle, qui reflètent bien le style classique de l’époque édouardienne, soit sous le règne du roi Édouard VII.

L’une d’entre elles, située au 62, avenue Sweeltand, est toutefois érigée en 1895 par Andrew et Sarah Mitrow et s’inspire du style Queen Anne. Elle se distingue par la riche ornementation en bois des portiques et des corniches.

La Maison Mitrow est également associée au patrimoine architectural franco-ontarien, car elle appartient de 1896 à 1904 à David A. Routhier, fonctionnaire fédéral aux dossiers du Bureau des brevets. À l’instar de la Maison Simard, cette élégante demeure est désignée immeuble patrimonial en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario.

En somme, le district de conservation du patrimoine de l’avenue Sweetland s’avère vraiment un joyau du patrimoine architectural à découvrir. Par ailleurs, il est rassurant de savoir que les charmantes résidences de cette avenue paisible de la capitale sont bien protégées pour les générations à venir.

Source: Comité consultatif local de conservation de l’architecture, Ottawa, Guide du patrimoine bâti, Ville d’Ottawa, 2000, 250 p.

Michel Prévost est une riche ressource pour toute personne s'intéressant à l'histoire régionale (Gatineau, Ottawa, Est Ontarien, Outaouais) et à l'histoire des Franco-Ontariens. Il s’intéresse depuis plus de 40 ans au patrimoine archivistique, historique et bâti de l’Université d’Ottawa.