L'année des grandes occasions de Mélisande Corriveau

Mélisande Corriveau jouit d’une carrière internationale ponctuée de voyages et de grandes rencontres.

Dans la vie, certains moments donnent envie de se pincer pour s’assurer qu’on ne rêve pas. Dans celle de la musicienne classique Mélisande Corriveau, une telle chose est survenue au début du mois. Elle s’est retrouvée sur scène, à la droite du grand chef d’orchestre espagnol Jordi Savall, pour sa courte tournée de récitals qui l’a mené à Montréal, Québec, Ottawa et San Francisco en compagnie de son ensemble Hespèrion XXI. Pourquoi Mélisande? Parce qu’elle fait partie des rares spécialistes du pardessus de viole sur la planète.


«C’est l’honneur d’une vie. Cet homme est une très grande star dans mon domaine», confie la principale intéressée, qui a été invitée à la dernière minute à remplacer au pied levé un membre d’Hespèrion XXI, aux prises avec un problème de visa. Deux jours de répétition lui ont suffi pour maîtriser le long programme et se fondre parfaitement au petit ensemble.

«J’étais très stressée, mais le langage était familier. J’ai fait beaucoup de musique de consort de violes», explique bien humblement la Granbyenne, qui détient un doctorat en musique. 

Cette brève série de concerts lui a donné la chance d’échanger beaucoup avec le grand maître de 81 ans, qui n’a pas manqué de vanter son talent publiquement, en laissant la porte ouverte à une éventuelle collaboration.

En fait, 2022 a été pour elle «une belle année de grandes occasions». Le printemps dernier, elle a joué les solos de la Passion selon Saint Matthieu de Bach à la Maison symphonique de Montréal et au célèbre Carnegie Hall de New York. 

Une première pour la musicienne de 41 ans, qui joue non seulement du pardessus de viole — le plus petit instrument de la très ancienne famille des violes de gambe —, mais aussi de la viole, du violoncelle et de la flûte à bec.

Une carrière enviable

Cette polyvalence a permis à la virtuose d’être en perpétuel mouvement depuis le début de l’âge adulte, multipliant les concerts et les collaborations. Elle est à la fois membre de l’Ensemble Masques, des Voix humaines, de la Bande Montréal baroque et des Boréades de Montréal, ce qui l’amène à voyager régulièrement en Amérique du Nord et en Europe. 

À ce jour, le nom de Mélisande Corriveau apparaît sur une cinquantaine d’albums classiques. «Je pense que je commence à avoir une belle feuille de route et une belle réputation...» glisse-t-elle, en précisant que la musique classique demeure un «petit milieu».

«Je n’ai pas d’autres passions que la musique dans la vie. Tout tourne autour d’elle et de ma famille», confie Mélisande Corriveau.

Oui, la dame est très occupée. Certaines semaines sont carrément folles, mais elle refuse de s’en plaindre. «Je n’ai pas d’autres passions que la musique dans la vie. Tout tourne autour d’elle et de ma famille.»

Même les répétitions sont pour elle un pur bonheur. Surtout en groupe. «C’est tellement plaisant d’atteindre un niveau de perfection et un souci du détail, de découvrir toutes les subtilités de la musique. C’est super intéressant, d’autant plus qu’on a de grands artistes avec nous», dit celle qui s’envolera bientôt vers l’Islande avec l’Ensemble Masques, avant de revenir avec lui pour deux concerts à Montréal et Toronto.

«Je travaille très fort, mais j’aime vraiment la vie que je mène. Je suis chanceuse!»

Jamais sans l’Harmonie des saisons

Écrire sur Mélisande Corriveau sans évoquer l’Harmonie des saisons relève de l’impossible. Cet ensemble baroque qu’elle a fondé il y a 12 ans avec son conjoint musicien Eric Milnes occupe une grande place dans sa vie et dans son cœur. En entrevue, elle y revient constamment.

L’Harmonie des saisons est indissociable de Mélisande Corriveau, qui a fondé l’ensemble il y a 12 ans avec son conjoint, le musicien et chef d’orchestre Eric Milnes.

À l’époque, elle avait la conviction que la grande musique pouvait vivre à l’extérieur des grands centres. Pour être près de sa petite famille — elle est maman de deux enfants — et occuper plus souvent sa maison de Granby, Mélisande a lancé l’Harmonie, résolue à inviter chez elle des musiciens et des artistes du monde entier. 

«Je voulais aussi offrir à la population un accès à cette musique qui me passionne et à de grands artistes.»

Elle ne s’était pas trompée.

Sous l’étiquette ATMA Classique, les albums de l’Harmonie des saisons possèdent désormais un rayonnement international et cumulent aujourd’hui les honneurs, comme en témoignent notamment les deux statuettes Juno qui ornent sa cheminée.

Avec six albums à son actif — le dernier étant consacré aux concertos de Bach —, l’ensemble instrumental et vocal est aussi actif en concert. La fin de 2022 est d’ailleurs chargée. 

En décembre, les musiciens présenteront à nouveau le célèbre Messie de Haendel à Québec, Ottawa, Saint-Benoît-du-Lac et Burlington.

L’Harmonie a également été choisie par Radio-Canada pour représenter le pays dans le cadre de l’émission spéciale de Noël EuroRadio, le 18 décembre, sur les radios d’Europe et d’ailleurs. Le concert sera capté devant public le 14 décembre à Montréal.

Malgré sa fructueuse carrière de soliste, beaucoup de son temps est consacré à la gestion, aux enregistrements et aux spectacles de l’Harmonie. Elle ne cache pas sa fierté que son «bébé» soit maintenant installé en résidence à l’Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac. «C’est un grand bonheur, après toutes ces années, d’avoir un endroit pour jouer et un public fédéré.»

Pour cette raison, l’Harmonie tend de plus en plus vers le répertoire sacré de musique ancienne, s’accordant même au calendrier liturgique de l’abbaye. Tous ces concerts sont aussi présentés à Québec.

«Et toutes nos répétitions générales sont maintenant ouvertes gratuitement au public à l’église St-Georges de Granby.» C’est dit.