Les deux aventurières n’en seront pas à leur première virée autour du globe. Entre 2005 et 2007, elles avaient visité 19 pays en 18 mois en se portant volontaires pour travailler à l’organisation d’événements sportifs d’envergure. Cette fois-ci, le défi sera plus grand. Il faudra suivre le rythme des enfants, s’assurer qu’ils ne prennent pas de retard dans leurs apprentissages scolaires et composer, ou pas, avec les enjeux de l’homoparentalité dans des pays qui peuvent parfois se montrer moins ouverts.
« Quand nous avons fait notre voyage en 2005, nous savions déjà que si nous fondions une famille, nous voulions faire vivre cette expérience à nos enfants. Il y a des défis à s’adapter au rythme d’un voyage, au décalage horaire. Nous nous adapterons aux capacités des enfants. Si nous devons écourter certaines visites, nous le ferons. Nous voulons voir l’empreinte des pays, aller à la rencontre des gens plus que visiter des incontournables. Nous voulons entrer dans le rythme de vie de la place et mieux connaître les cultures », résume Stéphanie Hoarau, originaire de l’île de la Réunion.
Le projet mûrit depuis plusieurs années. Il devait se concrétiser vers 2019-2020, avant qu’une certaine pandémie bousille les plans de la planète entière. Mais une visite dans la famille d’Aurore en France, cette année, a ravivé la flamme.
En conséquence, les deux femmes ont déjà annoncé à leur employeur qu’elles quitteraient leur boulot, Aurore à Tourisme Cantons-de-l’Est, Stéphanie à la Fondation de l’Université de Sherbrooke. Le voyage leur donnera l’occasion de s’offrir de nouveaux départs. Elles ont aussi réhypothéqué leur maison pour se donner la latitude nécessaire.
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« C’est le legs vivant que nous voulons faire à nos enfants », résume Aurore Vincent. La décision est donc pleinement assumée.
Si les deux femmes avaient survécu pendant 18 mois avec 35 000 $, en 2005, elles savent qu’elles voyageront différemment. Exit l’idée de dormir à l’aéroport pour économiser le prix d’hôtel, même si toute la famille transportera ses sacs de couchage. Le budget prévu s’élève donc à 100 000 $ pour le moment. Les vaccins et les billets d’avion exercent déjà une grande pression sur les économies familiales.
Pour les défis scolaires, une demande a déjà été déposée à l’école pour assurer un suivi pédagogique. « Les enfants vont dans une école qui fonctionne par projets. Les professeurs feront l’état des lieux avant de partir et nous consoliderons les apprentissages pendant le voyage. Nous leur ferons vivre l’école de la vie également. Ils devront faire de l’écriture, dans un carnet de voyage, et ils contribueront à alimenter notre page Facebook », explique Aurore Vincent.
Dans la classe d’Emy, ajoute Stéphane Hoarau, les élèves travaillent les contes et légendes. La cadette de la famille pourra donc s’intéresser aux légendes des pays à visiter.
Le défi de l’homoparentalité
L’inconnu, c’est le type de réception que recevront deux femmes voyageant avec des enfants. Si Aurore et Stéphanie pourront prétexter être des amies pour éviter les embrouilles dans la vie quotidienne, elles pourront difficilement se cacher au moment de passer les douanes : Emy et Kenzo portent les deux noms de famille.
« En préparant l’itinéraire, il y a des pays que nous avons dû éliminer complètement parce que nous savions que ça porterait atteinte à notre sécurité. On ne veut prendre aucun risque, parce que l’homosexualité est criminelle dans plusieurs pays. Nous n’avons pas encore énoncé clairement notre stratégie, mais nous voulons aussi faire prendre conscience aux enfants que nous sommes dans un pays où nous avons des droits, que ce n’est pas le cas partout », énonce Aurore Vincent.
Selon l’Association internationale des personnes LGBTI, 69 pays criminalisent l’homosexualité.
« Le seul secteur dans notre parcours où ce n’est pas criminel, mais où il n’y a pas de protection non plus, c’est le Laos, le Cambodge et le Vietnam. Nous ferons attention, mais ce ne sera pas quelque chose de prédominant », assure Stéphanie Hoarau. « Nous suivrons notre instinct. C’est toujours comme ça que nous avons fonctionné. »
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Aurore enchaîne. « C’est triste, mais s’il faut mentir un peu, nous le ferons. Une chose est certaine, nous n’aurons pas nos bagues au doigt. C’est clair que c’est une particularité de notre voyage. Un couple hétéro ne se poserait jamais cette question. »
Peu importe, les deux mamans profiteront de cette épopée pour célébrer la 20e année de leur vie commune... en Polynésie française. « C’est le seul endroit où, pendant dix jours, nous nous permettrons d’être strictement des touristes », rigole Stéphanie.
Sinon, l’itinéraire mènera la famille en Équateur, pour une incursion dans la jungle, et au Chili et en Argentine, pour atteindre la Terre de Feu et permettre à Kenzo de voir des volcans. « Il veut aller à l’intérieur. Il pense qu’il y trouvera des pierres précieuses », ajoute Stéphanie.
Pour Emy, ce sera l’incontournable Australie. Pour ses kangourous, ses koalas et ses oiseaux uniques.
S’ajouteront le Japon, berceau du karaté, une discipline qui plaît à la famille Vincent-Hoarau, et la Mongolie, pour vivre le nomadisme.
Les prochains mois seront faits de beaucoup de préparation, à raison de dix à quinze heures par semaine. Surtout pour les aspects techniques, parce que le quatuor ne planifiera pas tout avant le départ. Il suivra un vent à la va-comme-je-te-pousse, se laissera la permission d’improviser.
Avec deux mamans déjà exploratrices, qui comptent environ 35 pays au passeport, Emy et Kenzo seront entre bonnes mains pour affronter les imprévus du voyage. Surtout qu’elles sont toutes les deux organisatrices d’événement de profession...
Il sera possible de suivre le périple de la famille Vincent-Hoarau sur sa page Facebook : L’échappée familiale.