Kingston, nouveau pôle de l’immigration francophone?

La directrice de l’école secondaire Marie-Rivier, Sylvie Mekoulou

Vancouver, Toronto, Montréal. La plupart des nouveaux arrivants s’établissent dans l’une des trois plus grandes villes du Canada. Et pourquoi pas Kingston? La ville en bordure de l’autoroute 401, à mi-chemin de la Ville Reine et la métropole, a certes la volonté d’attirer son lot d’immigrants francophones. Le Droit s’y est rendu pour voir ce qui se brasse dans le cadre de la semaine nationale de l’immigration francophone.


De nos jours, l’Association canadienne-française de l’Ontario – Conseil régional des Mille-Îles (ACFOMI) joue un rôle prépondérant dans l’accueil et l’intégration des immigrants francophones dans la ville ontarienne de Kingston.

D’ailleurs, une bonne partie de leurs services vise ces objectifs.



«Le carrefour d’accueil et d’établissement, c’est vraiment notre porte d’entrée pour tous les immigrants francophones. Nous sommes là pour les accompagner en les redirigeant vers diverses ressources dans la communauté, parce que quand on arrive, on peut se sentir seuls, et ça peut-être vraiment déroutant», explique la directrice générale de l’organisme, Laurianne Montpetit.

Outre son accueil des immigrants, l’ACFOMI offre aussi des services d’employabilité gratuits pour les nouveaux arrivants à la recherche d’un emploi.

«L’ACFOMI est vraiment le point de départ quand un immigrant francophone arrive ici», confirme Latré Lawson du Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’est de l’Ontario (RSIFEO).

L’agente de projet pour la région de Kingston ajoute que son patelin gagne en popularité depuis quelques années.



Marie-Noël St-Cyr, directrice générale du Centre culturel Frontenac

«La situation stratégique de la ville fait en sorte que beaucoup sont attirés par Kingston parce que c’est non loin de Toronto, de Montréal et d’Ottawa. Donc c’est vraiment assez stratégique. Et pour les gens qui veulent avoir le confort d’une grande ville, mais tout en étant dans une ville moyenne où il y a toutes les commodités, Kingston est assurément un bon choix.»

Catastrophe évitée

Et pourtant, on pourrait croire que cette région historiquement loyaliste de l’Ontario ne serait pas le premier choix des francophones comme terre d’accueil.

D’ailleurs, en 1990 un groupe propose même de faire de Kingston une ville officiellement unilingue anglophone en réaction à l’adoption à la Loi sur les services en français, huit ans plus tôt. Le règlement est finalement rejeté.

Et depuis, la francophonie fleurit de jour en jour. Des écoles des conseils scolaires publiques et catholiques francophones voient le jour, tout comme la Route du savoir, un service de formation continu en français pour les adultes.

«Quand des familles arrivent, c’est facile pour eux de continuer leur scolarité en français», se réjouit Mme Lawson.

Fait intéressant à noter, l’école élémentaire publique Madeleine-de-Roybon fut le premier établissement francophone de la province à obtenir une désignation UNESCO.



«Cela signifie que nous prônons les valeurs de l’inclusivité, du pluralisme et de l’ouverture sur le monde», explique son ancien directeur, Thomas Rinshed.

Il espère répéter le tout à l’école secondaire publique Mille-Îles qu’il dirige désormais aujourd’hui. À son avis, cette désignation peut devenir un atout pour attirer et intégrer les immigrants au sein de la communauté.

«Je suis fier de dire que dans les écoles où j’ai travaillé à Kingston, il y a plus de 15 nationalités représentées au sein du personnel et plus de 62 pays chez les élèves. Il y a quand même une diversité qui jalonne notre quotidien», a-t-il confié au Droit.

Désignation francophone

«L’ouverture francophone» prend encore plus d’ampleur en 2009 alors que Kingston devient la 25e région de l’Ontario à être désignée sous la Loi sur les services en français.

«Nous sommes là pour accompagner cette désignation. C’est-à-dire que nous devons nous assurer que nous avons les services qu’il faut pour que les immigrants francophones, dès qu’ils arrivent ici, pour qu’ils puissent être totalement bien intégrés», soutient Mme Lawson.

À cet effet, le RSIFEO œuvre dans plusieurs localités de l’ensemble de l’est de l’Ontario pour offrir un service de coordination de plusieurs services entre divers partenaires afin de favoriser l’immigration francophone.

«Avec l’ajout de nouveaux arrivants, pas juste francophones, mais anglophones aussi, la ville s’est un peu ouverte, reprend Mme Montpetit. Dans les années 1990, Kingston était très fermée. C’était un petit milieu et pas très ouvert sur le monde. On voit qu’il y a une grande ouverture maintenant. On sent un sentiment d’ouverture. La Ville a un programme de rétention et de recrutement des francophones. Il y a un enchaînement qui s’est fait dans les 15 dernières années.»

Appui de la Ville

Le fait que la Ville est un acteur central dans l’offre de services francophones peut étonner. Après tout, un peu moins de 4% de la population de Kingston, ou environ 5000 personnes, considère le français comme leur langue maternelle. Cependant, ce chiffre triple si l’on tient compte des résidents sachant s’exprimer dans la langue d’Étienne Brûlé.



«Il y a beaucoup de francophiles ou des gens qui veulent s’intégrer, comme des familles exogames», signale Mme Montpetit.

Du nombre, les francophones peuvent compter sur leur maire nouvellement réélu.

«En tant que maire, je suis tellement fier de notre communauté francophone […] qui fait des contributions culturelles et qui enrichit la vie de notre belle ville, souligne Bryan Paterson. Actuellement, nous sommes en train d’offrir plus de services en français ici et nous travaillons fort pour attirer plus de visiteurs, citoyens et touristes à Kingston.»

C’est l’un des messages qu’il a formulé dans une vidéo d’une série de six faisant la promotion pour attirer les immigrants francophones à Kingston et lancé en grande pompe cette semaine lors d’un événement au Centre culturel Frontenac.

«Le défi, c’est d’éviter que les gens soient juste de passage, mais plutôt qu’ils s’intègrent dans la communauté et y demeurent, remarque Mme Lawson. Notre objectif c’est de développer la communauté francophone ici.»

Laurianne Montpetit, directrice générale de l’ACFOMI, et Latré Lawson, agente de projet au RSIFEO

Encore des défis

Malgré des gains en matière de francophonie à Kingston, certains défis persistent, notamment au chapitre d’une main-d’oeuvre qualifiée bilingue. Même certains services assujettis à loi peinent à donner une offre en français.

«On veut offrir des services équitablement et nous y travaillerons fort pour y arriver», insiste Mme Montpetit.

À cet effet, l’ACFOMI espère pouvoir tirer son épingle du jeu pour attirer de nouveaux arrivants parmi la vague qui est attendue au cours des prochaines années.

Plus tôt ce mois, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’ouvrir ses portes à 1,5 million d’immigrants d’ici 2025 afin de pourvoir de nombreux postes vacants, notamment dans le secteur de la santé.

«Dans notre communauté, nous recherchons des gens qui peuvent combler les besoins de main-d’oeuvre. J’espère que cela (cette annonce) aura vraiment un impact ici.»

«Encore une fois, il y a une différence entre recevoir un service en français, parce qu’il y a une personne bilingue qui peut l’offrir, et être intégrée dans la communauté francophone, poursuit Mme Montpetit. Pour une intégration et un accueil réussis, il faut que ça se passe dans sa langue.»