Prônant l’ordre à la négociation, le gouvernement a invoqué directement la clause nonobstant pour empêcher une contestation judiciaire au motif que la décision du gouvernement enfreint les droits des travailleurs protégés par la Charte des droits et des libertés.
Signe du durcissement du conflit, c’est la deuxième fois dans son histoire que l’Ontario utilise cette clause dérogatoire.
Ce geste fort n’a pas découragé la motivation du syndicat représentant le personnel d’entretien, les bibliothécaires et les éducateurs de la petite enfance. Vendredi, ils étaient des milliers à avoir dressé des piquets de grève, le tout malgré les menaces d’amendes faramineuses de plus de 4000 $ par jour pour chacun des grévistes.
Au cœur de l’enjeu, la demande du syndicat d’une hausse salariale de 11,7%, à l’heure où l’inflation gronde, et trois ans après l’adoption du projet de loi 124 qui impose toujours un plafond de 1 % d’augmentation de salaire par an aux enseignants et aux agents de la fonction publique. Une revendication contre laquelle le gouvernement Ford préfère tabler sur des hausses… de 1,5 à 2,5%.
Ce bras de fer montre le ton âpre des négociations engagées entre le gouvernement et les quatre autres syndicats d’enseignants, incluant aussi l’Association des enseignantes et des enseignants de l’Ontario français (AAOF). Depuis le 31 août, les conventions collectives sont en effet échues.
Par la menace d’une clause dérogatoire, le gouvernement envoie d’entrée le message qu’il ne courbera pas l’échine devant les enseignants.
Le bâton tendu ici est bien plus fort que lors des précédentes négociations il y a trois ans. Les longues grèves des enseignants à l’hiver 2020 avaient finalement débouché sur des ententes, sans que le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, ne force légalement les enseignants à revenir au travail.
Revigoré par une majorité élargie aux dernières élections provinciales en juin, Doug Ford n’aura plus la même délicatesse avec les enseignants. Le premier ministre sait qu’il n’a plus forcément besoin de leur soutien pour mener à bien ses réformes.
Reste qu’en choisissant de se couvrir avec la clause nonobstant plutôt que de négocier, le gouvernement avoue implicitement ses probables difficultés à résister à une contestation judiciaire.
En 2016, la Cour supérieure de Justice de l’Ontario avait finalement donné raison aux enseignants, qui, quatre ans plutôt s’étaient fait imposer un gel de salaire par les libéraux de Dalton McGuinty, en plus de voir leur droit de grève retirer.
Cette méthode musclée pourrait même préfigurer un second mandat de M. Ford beaucoup plus marqué par la rigueur budgétaire et les réflexes populistes que le premier.
Personne ne sortira gagnant de ce bras de fer à commencer par les élèves, dont la baisse des résultats selon dernières données de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE) démontre l’impact réel de la pandémie.
Entre des grèves longues et la brutalité des contrats imposés, des solutions doivent émerger pour transmettre convenablement les connaissances aux élèves tout en protégeant leur santé mentale. Les deux millions d’écoliers ontariens méritent mieux.
Sébastien Pierroz est journaliste et producteur pour la franchise d’actualité ONFR+ du Groupe Média TFO