Le but avoué du ministre des Affaires municipales et du Logement, Steve Clark, en présentant la «Loi visant à accélérer la construction de plus de logements» est de mettre la table pour la création de 1,5 million de logements en 10 ans.
«Nous faisons face à une pénurie sévère de logements. C’est un défi auquel sont confrontés beaucoup trop d’Ontariens. Les jeunes le constatent, alors qu’ils recherchent une maison pour élever leur famille près du transport en commun et du travail. Les nouveaux arrivants aussi, alors qu’ils cherchent à s’enraciner ici. Même chose pour les aînés qui espèrent trouver un logement plus petit au sein de leur communauté», a indiqué M. Clark, peu après le dépôt du projet de loi 23.
Changements d’importance
Pour y parvenir, le ministre Clark propose notamment de modifier la définition du zonage «R1» qui désigne les terrains réservés aux maisons unifamiliales, afin d’y permettre la construction de triplex.
Les redevances de développement seraient réduites, gelées ou abolies pour les édifices d’unités locatives, abordables ou «à la portée du revenu». L’obligation de fournir un terrain ou des fonds pour l’aménagement serait aussi éliminée pour les immeubles à haute densité.
«Cet argent est utilisé par les municipalités pour payer de nouvelles infrastructures. La croissance devrait payer pour la croissance», explique Riley Brockington, le conseiller du quartier Rivière et représentant d’Ottawa au conseil d’administration de l’Association des municipalités de l’Ontario.
«Le coût des infrastructures nécessaires pour accommoder la croissance n’est pas couvert par l’ajout aux revenus de taxes foncières», ajoute M. Brockington.
Le directeur général de l’Association des constructeurs résidentiels du Grand Ottawa (ACRGO), Jason Burggraaf, estime que le projet de loi 23 est une avancée positive. Il espère que cela forcera un examen de conscience chez les administrations municipales afin de revoir des pratiques qui ralentissent le développement résidentiel sur leur territoire.
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«[L’abolition de redevances de développement], c’est vraiment un incitatif, croit M. Burggraaf. D’un côté, on demande de construire un certain type de logements près du transport en commun, mais de l’autre, on impose des frais de 18 000$ de plus pour chaque appartement dans un immeuble de 100 unités. Il y a un paradoxe évident ici.»
«C’est bon pour la Ville d’avoir une cible en tête de 15 000 résidences par année, puisqu’elle doit maintenant se demander ce qu’elle peut faire pour faire en sorte que ça se concrétise», ajoute le directeur général de l’ACRGO.
«Nous sommes carrément oubliés»
L’organisme de défense des droits des personnes à faible revenu ACORN n’est pas aussi optimiste que l’industrie de la construction face à ce projet de loi.
«Ils veulent construire plus. D’accord, mais ils ne construisent pas du logement abordable, affirme Lionel Njeukam, un membre d’ACORN et résident du centre-ville d’Ottawa. Ils ne se battent pas pour les moins fortunés. […] Nous sommes des êtres humains et en ce moment, nous sommes carrément oubliés.»
ACORN dénonce également l’imposition d’un plafond de 5% de logements abordables au sein d’immeubles construits sur des terrains ciblés par un règlement de zonage d’inclusion. La Ville d’Ottawa est en train d’élaborer sa politique sur la question avec une cible de 10% comme orientation donnée par le conseil municipal au début de l’été.
Le règlement torontois prévoit que les constructions en zone d’inclusion devraient offrir jusqu’à 16% de logements abordables.
«Je crois que 10%, c’est ce dont nous avons besoin pour commencer, lance Riley Brockington. Vous savez, 5% c’est mieux que rien, mais je ne me réjouis pas vraiment à ce chiffre.»
«Il faudrait avoir entre 20% et 30% de logements abordables dans les nouveaux immeubles», affirme pour sa part M. Njeukam.
Ce dernier craint également qu’en voulant accélérer la construction de nouvelles résidences, la province facilite la démolition de logements abordables existants, comme le 142, rue Nepean où il habite actuellement.
«Je vis au centre-ville et il n’y a à peu près aucun logement abordable alentour, explique le membre d’ACORN. Avec ce nouveau projet de loi, l’inquiétude c’est que nous perdrons le peu que nous avons et les nouveaux bâtiments n’auront pas à être abordables.»