QG de police à Guertin: stupéfaction dans le centre-ville

La possibilité de voir le conseil municipal aller de l’avant avec la construction d’un quartier général de police de 170 millions de dollars sur le site de l’aréna Guertin, sans aucune consultation publique, provoque la stupéfaction dans le centre-ville de Gatineau.

La possibilité de voir le conseil municipal aller de l’avant avec la construction d’un quartier général de police de 170 millions de dollars sur le site de l’aréna Guertin, sans aucune consultation publique, provoque la stupéfaction dans le centre-ville de Gatineau. Ce projet était encore inconnu de la population il y a 24 heures.  


«C’est très difficile de comprendre ce qui se passe actuellement, de voir le conseil qui s’apprête à prendre une décision aussi importante et dont les impacts seront majeurs pour notre quartier sans aucune consultation ou débat public sur la question, lance le président de l’Association des résidents de l’Île-de-Hull (ARIH), Daniel Cayley-Daoust. Ça serait carrément irresponsable. Si le conseil va de l’avant sans consulter c’est un grave manque de respect envers la population du centre-ville.»

Comme M. Cayley-Daoust, le coordonnateur de Logemen’occupe, François Roy, affirme être «abasourdi» depuis la publication de l’article du Droit à ce sujet, lundi. Il rappelle, comme le président de l’ARIH, que la vision qui se développait pour ce terrain était arrimée avec les besoins de logements abordables et sociaux, la mixité et l’intention d’attirer des familles dans l’Île-de-Hull. 

«Je ne comprends plus du tout cette ville-là»

«Honnêtement, je ne comprends plus du tout cette ville-là, a-t-il lancé. Ça me dépasse complètement. Ce conseil adopte une motion pour décréter l’urgence en matière de logement, la mairesse France Bélisle n’arrête pas de dire que c’est important, et tout ce qu’on voit c’est une ville qui refuse la mise en place d’un règlement d’inclusion demandé par tout le monde et qui maintenant s’apprête, sans consultation, à utiliser son meilleur terrain pour du logement au centre-ville pour un quartier général de police. Il y a un manque grave de transparence. Tout est fait à huis clos et on apprend ça à la toute dernière minute. C’est aberrant. C’est dans l’action concrète qu’on voit la réelle volonté politique. On voit bien aujourd’hui que la volonté de lutter contre la crise du logement n’est pas réelle. La Ville s’apprête à faire une grave erreur, elle va passer à côté d’une occasion majeure.»

Le coordonnateur de Logemen’occupe, François Roy

Réactions de la FIHAB et  la FOHO

Le directeur général de la Fédération intercoopérative en habitation de l’Outaouais (FIHAB), Raphaël Déry, a avoué être «sidéré» face à la possibilité d’assister à la construction d’un QG sur le site Guertin sans que cela n’ait fait l’objet d’une consultation de la population. «C’est un site de grandes superficie, disponible pour du logement dans le centre-ville, c’est le meilleur site pour ça et on irait évacuer tout ça sans un débat préliminaire ni consultation, ça me sidère et me préoccupe», a-t-il affirmé. 



Raphaël Déry, directeur général de la Fédération intercoopérative en habitation de l’Outaouais (FIHAB)

La Fédération des OSBL d’habitation de l’Outaouais (FOHO) qui siège au comité-choc formé par la mairesse Bélisle se dit préoccupée par le fait de n’avoir jamais été mis au fait du véritable plan de la Ville sur le site Guertin. «Dès les premières réunions du comité-choc, l’incapacité de développer des projets parce qu’il manquait des terrains a été souligné, a affirmé la directrice général de l’organisme, Armelle Grey Tohouegnon. Nous sommes étonnés de constater que l’administration municipale avait son plan dès le début. Nous n’avions même pas discuté des possibilités qu’offre ce terrain au comité. Nous nous questionnons ainsi à savoir si le comité créé par l’équipe de France Bélisle est toujours pertinent et à quoi il servira dans le futur.» 

Surprise au Gîte ami

La surprise est aussi totale au Gîte ami. La direction du refuge pour itinérants, voisin direct du site Guertin, n’a jamais été mise au fait du plan de la Ville quant à la possibilité de construire un quartier général de la police à cet endroit. 

«C’est très surprenant, lance la directrice générale de l’organisme, Lise Paradis. Il me semblait que ce site devait être conservé pour des loisirs, du sport et du logement abordable. On parlait d’un endroit à la disposition de la population du centre-ville. Est-ce qu’un empêcherait l’autre? On se serait à tout le moins attendu à une consultation. Le site Guertin appartient un peu à la population du centre-ville. C’est un peu comme du patrimoine pour eux. Ils sont en doit de se demander maintenant ce qui va arriver avec ce site cher à leurs yeux.» 

Quant à la possible proximité entre un futur quartier général de la police et le Gîte ami, Mme Paradis affirme, à première vue, ne pas y voir de problème particulier.  

Lise Paradis, directrice générale du Gîte ami

Des intervenants pris par surprise

Le directeur général du Centre d’intervention et de prévention en toxicomanie de l’Outaouais (CIPTO), Yves Séguin, affirme avoir aussi été pris par surprise par la possibilité de voir Gatineau ériger un quartier général de police sur le site de l’aréna Guertin. «Ça me surprend énormément, a-t-il dit. On était tous sous l’impression que la Ville allait nous consulter pour l’avenir de ce site. On en parlait comme d’un legs pour les sports les loisirs et du logement abordable pour les familles, pour enfin créer quelque chose au centre-ville. La vision n’était pas complétée, mais tout le monde s’attendait à pouvoir faire partie de la discussion. Je suis très surpris que la Ville arrive, sans consultation, avec quelque chose d’aussi gros qu’un QG de police, sans même prendre la peine d’en discuter avec la population.»

M. Séguin se demande aussi si les services policiers ont vraiment besoin d’un équipement d’une telle envergure. «On estime que 50 % des appels à la police sont pour des services de nature psychosociale, note-t-il. Est-ce qu’on doit encore une fois mettre tous nos oeufs dans le même panier des services policiers? La question se pose certainement, mais personne n’est consulté.»

Yves Séguin, directeur général du CIPTO

Annie Castonguay qui a longtemps été intervenante de rue dans le centre-ville et qui est aujourd’hui enseignante en service social affirme que le texte publié dans Le Droit a suscité énormément de questions parmi ses collègues toujours sur le terrain. «On se demande tous d’où ça vient cette idée, dit-elle. Est-ce que Gatineau a vraiment besoin de ça ? Est-ce que se payer un QG à 170 millions à cet endroit est la meilleure idée quand partout autour il y a des gens qui dorment dans la rue ?»

Le directeur du Collectif régional de lutte à l’itinérance en Outaouais (CRIO), Nick Paré, rappelle que la Ville de Gatineau s’est engagée à collaborer avec les acteurs en itinérance. «De tels enjeux doivent être discutés en concertation, et non pas en catimini, a-t-il lancé. Le milieu communautaire avait de grandes attentes quant à l’utilisation de cet espace pour répondre aux enjeux qui découlent de la crise du logement, de la pénurie de terrains vacants et du manque de ressources pour répondre aux besoins qui émergeront cet hiver. Quel message envoient les autorités en priorisant la construction d’un autre quartier général plutôt que de répondre aux besoins sociaux criants?»