On annonçait en 2021 que la province allait perdre un siège à Ottawa. Autant la CAQ que le Bloc québécois se sont levés pour défendre le poids de la nation québécoise au fédéral.
Yves-François Blanchet demandait qu’une « clause nation » soit ajoutée dans la loi révisant le découpage électoral, celui-ci ne devant pas reposer uniquement sur la démographie.
Sonia LeBel allait dans le même sens en disant qu’on avait « une nation à défendre ». François Legault ajoutait que « la nation du Québec mérite une certaine représentation à la Chambre des communes, sans égard à l’évolution du nombre d’habitants dans chaque province ».
Puisqu’on semble accorder beaucoup d’importance à la représentation des nations au parlement canadien, pourquoi ne pas en accorder autant à la présence des nations autochtones du Québec dans notre propre parlement?
Dans l’histoire de la province, seuls trois Autochtones ont été élus à l’Assemblée nationale, dont Kateri Champagne Jourdain qui est devenue la troisième députée le 3 octobre dernier. Notre répartition actuelle des sièges ne permet pas une véritable représentation des 11 nations autochtones du Québec.
Nous sommes parvenus à un moment de notre histoire, à l’époque de la réconciliation, où l'on ne peut plus maintenir le statu quo. Des sièges devraient être réservés aux nations autochtones à l’Assemblée nationale, ce qui correspondrait à l’approche « nation à nation » mise de l’avant autant par le Bloc que la CAQ.
Ces sièges n'ont pas pour but d’enlever de la légitimité à l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador. Toutefois, une représentation au parlement permettrait aux Autochtones de participer au gouvernement, de voter pour des projets de loi et de questionner directement des ministres, tout en jouissant d’une plus grande visibilité médiatique. Bref, les députés autochtones pourraient mieux défendre les intérêts de leurs nations, comme le font nos députés québécois à Ottawa.
Cela dit, deux options s’offrent à nous. Si l’enjeu n’est pas démographique, chacune des 11 nations autochtones du Québec devrait avoir un siège. Si c’est une question démographique, les Autochtones devraient avoir trois des 125 sièges puisqu’ils représentent 2,4% de la population québécoise.
On peut s’imaginer que l’option la plus réaliste est celle d’offrir trois des 125 sièges. Ce serait un engagement politique moins difficile à prendre pour le gouvernement, mais qui donnerait tout de même une bonne représentation autochtone au parlement.
Certains vont critiquer cette idée puisqu’elle entraînerait la disparition de trois circonscriptions actuelles, ce qui provoquerait une perte de représentation de ces régions au parlement. Pourtant, certaines régions sont actuellement surreprésentées démographiquement. Par exemple, Abitibi-Est et Abitibi-Ouest ont ensemble moins d’habitants que Saint-Laurent. Un remodelage de la carte électorale est donc nécessaire de toute façon.
D’autres la critiqueront puisqu’il serait impossible de former trois circonscriptions englobant les Autochtones sans y inclure les non-autochtones. En effet, il faudra s’adapter au fait que les électeurs autochtones vivent partout sur le territoire.
Pour se faire, le Québec serait divisé en 122 circonscriptions de type traditionnel. Les trois autres « circonscriptions » seraient plutôt constituées de l’ensemble des électeurs autochtones répartis sur trois listes électorales.
Il faudrait laisser la liberté à chaque électeur autochtone de décider s’il préfère voter dans sa circonscription géographique ou dans sa circonscription autochtone. Cela éviterait d’imposer un tel changement à cette population tout en garantissant qu’il ne soit pas possible, pour un électeur, de voter deux fois.
Un tel système permettrait aux Autochtones d’être représentés au parlement tout en gardant l’avantage de la représentation régionale de notre système actuel. Bien évidemment, mon idée n’est qu’une suggestion de réforme. Ce serait aux onze nations de décider d’y adhérer, de la rejeter ou de revendiquer une meilleure proposition.
Par ailleurs, le gouvernement Legault vient de s’assurer d’une large majorité avec 90 sièges. Je ne pense pas que se départir de trois d’entre eux serait désastreux pour la formation caquiste. À défaut de ne pas vouloir réformer le mode de scrutin, réformons notre attribution des sièges pour établir une véritable relation de nation à nation.
Auteur: Étienne Loiselle-Schiettekatte, étudiant à la maîtrise en science politique à l’Université de Montréal