Selon le coup de sonde réalisé à une dizaine de jours du scrutin, la députée en poste depuis 2008 obtient l'appui de 31,4% des électeurs après répartition des indécis, tandis que les candidats caquistes et solidaires la suivent de près avec respectivement 26,3% et 24,4% des intentions de vote. 

Le Parti québécois (PQ) suit au quatrième rang avec sa candidate Camille Pellerin Forget (9,6%), alors que la porte-couleurs du Parti conservateur du Québec (PCQ), Lise Couture, ferme la marche avec 7,8%. 

Or, à plusieurs égards, les chiffres sont là pour prouver que rien n'est encore joué et que l'avance est fragile puisqu'un électeur interrogé sur deux (49%) a indiqué qu'il pourrait encore changer d'avis d'ici au 3 octobre.

Qui plus est, c'est chez les électeurs du Parti libéral du Québec (PLQ) où la possibilité de changer d'idée (58%) est la plus élevée, comparativement à 36% dans le camp de la Coalition avenir Québec (CAQ). 

Notons qu'une personne sur cinq (21%) a indiqué être indécise quant à son choix final dans l'urne. 

«C'est serré, c'est une courte avance libérale, mais ce qu'on constate en réalité c'est qu'il y a une course à trois. L'avance de M^me Gaudreault est à l'intérieur de la marge d'erreur (qui est de 4,4%). Si les 4% vont d'un bord ou de l'autre, ça peut s'inverser. Il y a beaucoup d'indécis (21%), surtout à ce stade-ci de la campagne, explique le consultant chez Segma Recherche, Marc Bouchard. Aussi, il y a encore la moitié des gens qui pourraient changer d'idée. Le vote peut encore être volatil dans Hull, ça va être une circonscription intéressante le 3 octobre car ça peut aller dans plusieurs directions.»

L’avance de la députée libérale sortante repose entre autres sur l’appui majoritaire des non-francophones.

Serré jusqu'à la dernière heure 

M. Bouchard croit qu'une série d'éléments laissent présager que «ça pourrait se jouer jusqu'à la dernière heure de sortie du vote» dans cette circonscription de l'Outaouais vers laquelle plusieurs yeux seront tournés.

«Ça ne se décidera pas probablement pas dans les 15 premières minutes. On est à peut-être une déclaration près que ça aille d'un bord ou de l'autre», lance-t-il.

Dans un tel contexte, ce dernier affirme que le travail des candidats, plus particulièrement M^me Gaudreault et M. Perron-Dufour, sera de convaincre les indécis et de faire «sortir le vote» acquis en leur faveur car le vote actuellement le plus coulé dans le béton s'avère celui de la CAQ. À son avis, tout va donc se jouer lors du sprint des sept prochains jours dans cette circonscription de 50 kilomètres carrés.

«Même s'ils (les caquistes) sont en deuxième place, c'est un indicateur qui pourrait tourner en leur faveur. [...] Elle (la CAQ) est avantagée sur certains indicateurs. Leur vote est plus vieux, plus solide. C'est pour ça que l'avance de cinq points de Maryse Gaudreault est fragile. [...] On est dans la zone too close to call (trop près pour en avoir la certitude). Ça va se jouer sur la sortie de vote, dans les décisions de dernière semaine. On sait que la dernière semaine a fait très mal aux libéraux en 2018 (propos de l'ex-chef Philippe Couillard sur l'épicerie à 75$ pour une famille), on va voir comment ça va se passer en 2022», spécifie l'analyste.

Le consultant de Segma affirme que de faire sortir le vote n'aura jamais eu une importance aussi capitale dans Hull quand on scrute à loupe les résultats du sondage par tranche d'âge des répondants, puisque chaque parti tire son épingle du jeu.

Chez les 18 à 44 ans, QS mène de loin le bal avec une avance de dix points (37,7% vs 27,9%) sur les libéraux, alors que la CAQ est au premier rang chez les 45 à 59 ans (34% vs 30,1%), devant le PLQ. C'est parmi les 60 ans et plus que le PLQ récolte le plus d'appuis, avec quelques points d'avance sur la CAQ (40,4% vs 37,5%).

Le cas de QS

Par ailleurs, M. Bouchard n'est pas surpris des intentions de vote pour Québec solidaire (QS), qui avait terminé au troisième rang et obtenu sa meilleure performance de la région dans Hull en 2018 (18,5% des voix).

«Ce qu'on a constaté au cours des différents sondages de circonscription qu'on a fait depuis le début de la campagne, c'est que les tendances qu'on voit au national sont plutôt réduites. Ce ne sont pas de grosses tendances qu'on voit d'un sondage à l'autre au niveau national. Mais au local, ça se répercute de façon complètement différente d'une région à l'autre. Dans des régions plus éloignées avec un historique industriel, je pense à la Mauricie ou au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ça se traduit par une domination complète et écrasante de la CAQ, alors que dans des endroits plus urbains, comme Sherbrooke ou Gatineau, la tendance est différente. QS a un vote très concentré dans les zones urbaines, universitaires. On a aussi un Parti libéral qui s'est écrasé chez les francophones dans presque toutes les régions, alors qu'il a diminué en Outaouais mais dans une moindre mesure qu'ailleurs. Ça, c'est surprenant», dit-il.

Le consultant précise qu'on constate que pendant que la tendance pour les solidaires est «sensiblement au même niveau qu'elle était il y a quatre ans», l'aiguille pointe plutôt vers le haut dans cette circonscription qui inclut le centre-ville de Gatineau.

Alors que le territoire est rouge depuis 41 ans, une certaine base libérale serait toujours en place chez les francophones dans Hull, puisqu'environ 20% d'entre eux accordent toujours leur appui au parti dirigé par Dominique Anglade.

Soins de santé et logement social au sommet 

C'est la qualité des soins de santé (53%), le talon d'Achille de longue date en Outaouais, qui arrive de loin au premier rang des priorités des électeurs sondés dans Hull. Suivent l'inflation (23%), la pénurie de main-d'œuvre (8%), l'itinérance (5%), la violence armée à Ottawa (3%), la langue française (2%) et l'environnement (2%).

«Évidemment, c'est toujours parmi les premiers titres de préoccupation des gens, alors on n'est pas surpris à ce niveau-là. C'est quand même plus d'un répondant sur deux. C'est assez clair comme priorisation», note Marc Bouchard.

D'autre part, sachant que le dossier du futur Centre hospitalier affilié universitaire (CHAU) de l'Outaouais qui comptera 600 lits a avancé avec le choix du terrain confirmé, le sondage a permis de demander aux gens de Hull quelle devait être la prochaine priorité en matière d'infrastructures. 

La réponse fut là aussi on ne peut plus claire, en plus de refléter une réalité qui fait couler beaucoup d'encre depuis des mois: 57% des électeurs ont ciblé le logement social comme priorité. L'élargissement de l'autoroute 50 et un tramway viennent loin derrière avec respectivement 16% et 14%. 

«Ça envoie quand même un message fort de la part des électeurs de Hull sur l'importance du logement social dans un contexte d'inflation, de pénurie (de logis). Ce n'est pas le type d'enjeu qui touche directement les gens, car la plupart ont un logement, comparativement par exemple à l'autoroute ou le tramway, qui touchent quand même beaucoup de personnes», soutient Marc Bouchard.

Fait à noter, la construction d'un nouveau centre des congrès à Gatineau, un projet promis à la fois par la CAQ et le PLQ, n'a pas soulevé les passions (0%).

Le sondage téléphonique de la firme Segma Recherche a été réalisé du 21 au 24 septembre auprès de 501 répondants et comporte une marge d'erreur maximale de 4,4%.

En 2018, Maryse Gaudreault a obtenu un cinquième mandat dans Hull en l'emportant avec 34% des suffrages. Par rapport au scrutin précédent, sa majorité avait toutefois fondu de près de 9000 voix.