Les audiences de l'enquête publique de la coroner Julie-Kim Godin sur le décès de M. Malavoy ont pris fin, jeudi avant-midi, au Palais de justice de Gatineau. Carol Mundle, la veuve de M. Malavoy, a été la dernière à parler devant Me Godin.
«Il me semble que l'un des principaux facteurs qui ont contribué au décès de Jean est la déficience de l'équipement de diagnostic à l'Hôpital de Hull, a mentionné Mme Mundle. En tant que centre de traumatologie desservant une région aussi vaste que l'Outaouais, il était inacceptable qu'il y ait un seul scan en marche à ce moment-là.»
Quand Jean Malavoy est arrivé à l'urgence de Hull après avoir subi une chute dans les escaliers de son domicile, dans la nuit du 1er au 2 octobre 2020, l'urgentologue avait besoin d'un examen de tomodensitométrie pour savoir s'il souffrait de blessures causant des saignements internes. Mais cette nuit-là, le scan a été en panne pendant près de trois heures, ce qui a forcé le transfert de M. Malavoy à l'Hôpital de Gatineau. L'examen passé là-bas a démontré un important saignement abdominal causé par une rupture de la rate découlant de fractures aux côtes. La seule chirurgienne de garde de l'Hôpital de Gatineau étant déjà en train d'opérer, M. Malavoy et été renvoyé à l'Hôpital de Hull pour y subir une chirurgie. Il s'est éteint en début de soirée, le 2 octobre.
Une question de financement?
En s'adressant à la coroner, Carol Mundle a rappelé que le risque découlant de la présence d'un seul CT-scan à l'Hôpital de Hull avait été soulevé par les médecins intensivistes dès 2017. Trois ans plus tard, quand Jean Malavoy est arrivé à l'urgence, il n'y avait encore qu'un seul appareil. Il aura fallu attendre jusqu'à l'hiver 2021 avant qu'un deuxième CT-scan soit installé dans l'hôpital du boulevard Lionel-Émond.
«Le financement inadéquat accordé à l'Hôpital de Hull est un facteur important» dans le délai observé pour l'obtention d'un deuxième appareil, estime Mme Mundle. «Pourquoi l'hôpital est-il resté si longtemps sans scan supplémentaire, se demande-t-elle. […] Et comment a-t-il pu être accrédité comme centre de traumatologie sans scan supplémentaire?»
Même si l'hôpital a aujourd'hui un deuxième appareil de tomodensitométrie, Mme Mundle souligne qu'il reste «des lacunes importantes» dans le réseau de la santé de l'Outaouais. Elle souhaite également que le ministère de la Santé et le Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais (CISSSO) procèdent à une meilleure planification et à une meilleure priorisation des ressources et des équipements nécessaires pour bien desservir la population.
La veuve de l'ancien directeur général du Muséoparc Vanier a aussi tenu à remercier le Bureau du coroner pour l'organisation de l'enquête publique, de même que les différents témoins qui ont défilé cette semaine au Palais de justice de Gatineau. «Nous partageons tous un objectif commun : veiller à ce que les erreurs ne se répètent pas et contribuer à réparer un système de soins de santé fragile et sous-financé», a mentionné Mme Mundle.
Des travailleurs de la santé «dévoués»
En son nom et en celui des membres de sa famille, Carol Mundle a tenu à souligner son appréciation envers les «nombreux travailleurs de la santé dévoués» des hôpitaux de Hull et de Gatineau, où Jean Malavoy a été soigné en octobre 2020, mais aussi dans les années précédentes.
Après une pause parce qu'elle avait la voix brisée par l'émotion, Mme Mundle a conclu son message en déclarant qu'«il existe des problèmes systématiques et importants – et même des crises – dans le système de santé». Elle espère donc que l'enquête publique de la coroner permettra de régler ces problèmes, au moins en partie.
Le transfert était «la meilleure chose à faire»
En début de matinée, c'est le Dr Nicolas Gillot, directeur des services professionnels et de la pertinence clinique du CISSSO, qui a témoigné devant Me Godin. Il a souligné qu'à la base, le diagnostic de rupture de la rate n'était «pas évident», puisque le choc subi par M. Malavoy lors de sa chute n'était pas survenu à haute vélocité. Le recours à un examen de tomodensitométrie était donc «la bonne décision» à prendre, a affirmé le Dr Gillot. Et dans ce cas-ci, avec la panne du CT-scan à Hull, la meilleure option était d'envoyer M. Malavoy à l'Hôpital de Gatineau.
La décision de le renvoyer à Hull pour y être opéré était aussi «la meilleure chose à faire» dans les circonstances, estime le Dr Gillot, puisque les médecins «jouent contre la montre». «Nos médecins, ils n'ont pas niaisé, assure-t-il. […] Ils ont pris les décisions qu'ils avaient à prendre.»
Tout en précisant qu'au départ, il y a 54% de risque de décès chez les patients victimes d'un choc hémorragique, le Dr Gillot a souligné que les antécédents médicaux de Jean Malavoy jouaient aussi contre lui. Il n'est donc «pas certain» que la présence d'un scan fonctionnel à l'Hôpital de Hull ait mené à la survie du septuagénaire, a-t-il ajouté.
En point de presse jeudi après-midi, le député sortant de Papineau et ministre responsable de l'Outaouais, Mathieu Lacombe, a affirmé que la CAQ s'assurerait que le CISSSO suive les recommandations émises à la suite de l'enquête publique du décès de M. Malavoy. «Des rapports tablettés, ça n'existe pas. On ne tablette pas un rapport aussi important que ça, lorsqu'il y a un décès, une perte de vie humaine. Ce rapport, évidemment, on en prendra connaissance, on ne peut pas encore le faire. Quand on en aura pris connaissance, évidemment que le CISSS de l'Outaouais devra, et c'est ce qu'on lui demandera, poser les gestes appropriés pour répondre à ça.»