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Débat électoral Le Droit: match nul Lacombe-Fortin

Alors la grande question: qui a gagné le débat électoral du <em>Droit</em>?

CHRONIQUE / Alors la grande question: qui a gagné le débat électoral du Droit?


Moi, je dirais: match nul entre les deux parlementaires aguerris que sont le ministre régional Mathieu Lacombe et le libéral André Fortin. Les meilleurs échanges ont eu lieu entre ces deux-là. C’était prévisible: la CAQ met le paquet pour ravir aux libéraux les deux dernières circonscriptions qui lui échappent encore en Outaouais.

Mais la révélation du débat est sans contredit la jeune recrue de Québec solidaire, Mike Owen Sebagenzi. Il s’est montré à la fois très connaissant de ses dossiers et un combatif adversaire.

Au débat, Lacombe a cherché à faire passer le jeune Sebagenzi pour un cégépien idéaliste qui connaît mal ses dossiers. Mais le jeune solidaire ne lui a pas laissé un pouce de terrain sans combattre.

Quand Lacombe lui a reproché de vouloir accabler de «taxes orange» la population du Québec, la réponse ne s’est pas fait attendre. «Les taxes orange, c’est pour se donner les moyens de nos ambitions», a rétorqué du tac au tac Sebagenzi qui, à 22 ans, se dit dans la génération des jeunes qui subiront directement les effets des changements climatiques. Le candidat de QS dans Pontiac est également convaincu qu’on peut attirer et garder des immigrants en région en leur offrant un emploi garanti, des allégements fiscaux pour l’achat d’une maison, des crédits d’impôt… Ça reste à voir, mais la proposition est intéressante.

En tant que ministre régional, M. Lacombe arrivait avec un avantage appréciable. Donnons à la CAQ ce qui revient à la CAQ: ils ont mis sur les rails leur promesse de construire un nouvel hôpital dans la région, en plus d’entamer l’élargissement de l’autoroute 50. D’ailleurs, a dit le ministre, c’est la première fois depuis longtemps qu’on n’entend pas parler de la 50 lors d’une élection provinciale en Outaouais. Vrai. La CAQ a rajouté 100 millions pour unifier le campus de l’UQO, et promet aussi 50 millions pour financer un Palais des congrès au centre-ville. La CAQ a un vrai bilan et des propositions intéressantes à défendre.

Ceci dit, j’aime bien le style d’André Fortin. Le libéral sait être solide sans tomber dans l’arrogance. Il est pugnace sans être teigneux. Il est capable de donner des coups et d’en rendre, mais toujours avec classe. Un gentleman escrimeur qui porte le coup d’estoc avec style.

André Fortin croit qu’une grande partie des Ontariens qui déménagent au Québec choisissent d’envoyer leurs enfants à l’école française plutôt qu’à l’école anglaise. Il a attaqué Lacombe sur la loi 96 qui a pour effet de forcer de jeunes collégiens du cégep Héritage à s’exiler au collège Algonquin à Ottawa. Il a aussi coincé Lacombe en lui demandant pourquoi Québec ne reconnaissait par la formation des ambulanciers paramédicaux à La Cité, à Ottawa. Lacombe a esquivé la question. Ceci dit, bonne nouvelle: en matière d’éducation post-secondaire, tous les partis sont d’accord pour accélérer la venue de nouveaux programmes, autant au cégep qu’à l’UQO. Bravo.

Le style de Fortin contrastait avec celui de Lacombe, lui aussi rompu à toutes les techniques de combat, mais qui a tendance à tomber dans la condescendance. Rappelez-vous sa déclaration sur le «pelletage de nuages» à propos de la coalition qui réclamait un hôpital au centre-ville…

Difficile toutefois de ne pas donner raison au ministre régional lorsqu’il accusait Marc Carrière, candidat du parti conservateur dans Papineau, de manquer de sérieux. «Vous ne connaissez même pas la plateforme de votre propre parti», lui a lancé Lacombe lors des échanges sur l’exploitation minière en Outaouais.

Perso, je serais bien en peine de dire que Marc Carrière défendait tellement ses propos étaient décousus. Et j’ai trouvé qu’il avait peu à offrir, si ce n’est son expérience d’ex-commissaire scolaire et d’ex-conseiller municipal.

Un mot sur la péquiste Marisa Gutierrez: voilà une femme au parcours fascinant, avec un propos très pertinent, qui n’a pas su se faire justice dans le format condensé, ultrarapide, d’un débat électoral. Cette immigrée péruvienne sait ce que c’est que de perdre la langue de ses ancêtres — dans son cas, le quechua. Elle était indépendantiste avant même son arrivée au Québec, il y a 30 ans.

Les échanges sur la langue ont d’ailleurs donné les échanges les plus sentis. M. Sebagenzi a demandé à madame Gutierrez ce qu’elle faisait dans un parti qui veut abaisser le taux d’immigration à seulement 35 000 nouveaux arrivants par année.

Lui-même croit que le recul du français comme langue parlée à la maison n’est pas une menace en soi. «On ne parle pas en français chez nous, a dit ce fils d’immigrés burundais, mais je m’exprime très bien en ce moment», a-t-il dit. En effet.

Bref, un bon débat, avec un bel angle régional, qui donnait une bonne idée de ce que chaque parti a à offrir aux électeurs de la région.