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Santé: si rien ne change, rien ne change

CHRONIQUE / Je suis 100% en faveur d’un système de santé public, universel et en bonne santé. Mais l’idée de la CAQ, empruntée au Danemark, une sociale démocratie, de créer de mini-hôpitaux gérés par le privé dont les services seraient couverts par l’État, mérite considération.


Selon le World Population Review, le Danemark remporte la palme du meilleur système de santé dans le monde. Le Canada occupe la 14e place.

Mais voilà, il existe ici une «privéophobie», surtout à gauche, qui bloque l’émergence de solutions novatrices impliquant le secteur privé même si un récent sondage Léger indique que 60% des Québécois favorisent plus de privé en santé et 24% sont contre.

Pensez-y, de mini-hôpitaux dont le mandat serait de désengorger les urgences et de desservir les populations laissées pour compte, notamment l’est de Montréal, là où la CAQ entend lancer un projet-pilote. Son seul hôpital, Maisonneuve-Rosemont, dessert un tiers de la population de Montréal.

Si jamais ces mini-hôpitaux voient le jour, les patients dont les cas sont moins complexes, par exemple, laryngite ou fracture simple, y seraient dirigés, laissant au centre hospitalier les traumas, cancer, AVC et cie.

Et, par la magie des impôts, les citoyens n’auraient qu’à présenter leur carte d’assurance-maladie pour être soignés.

Le Parti conservateur du Québec d’Éric Duhaime, lui, milite pour la liberté de choix entre le public et le privé, payant ou non, comme le font les autres pays de l’OCDE ayant un système public.

Proposer de nouvelles options dans le contexte actuel semble logique. Notre système de santé défaillant coûte un milliard de dollars par semaine. En avez-vous pour votre argent?

Tout le réseau canadien vacille. Même l’Ontario, où les soins sont plus accessibles (un réseau de cliniques publiques autonomes d’infirmières praticiennes existent depuis 2007), a frôlé la catastrophe cet été.

Et pourtant, ils sont nombreux à claironner que seul l’État peut solutionner nos problèmes. Si c’est vrai, pourquoi est-ce le bordel depuis si longtemps?

Si rien ne change, rien ne change.

J’entendais hier le ministre de la Santé, Christian Dubé, affirmer que des partenariats avec des cliniques privées ont permis en 2021 de réaliser 120 000 chirurgies supplémentaires au Québec, sans facture pour les patients. Bravo!

Les objections usuelles, y compris la théorie que l’arrivée du privé, même au compte-goutte, mènera éventuellement à un système à l’américaine, ne tiennent pas la route. C’est l’État qui doit continuer à établir les standards et faire le suivi.

Le privé est déjà bien implanté ici. La majorité des médecins sont des entrepreneurs, les GMF, des entreprises privées. Un psychologue à 125$ la séance, c’est du privé. Les dentistes, les optométristes, les ostéopathes aussi.

Sans compter les millions versés à des shamans et autres ‘soignants’ sans obligation de résultats, ni surveillance. Qui s’en plaint?

«Oui mais, l’entente avec le gouvernement inclura une part de profits. Au final, il n’y a pas d’économies à faire». Le système public, soutenu par de lourdes structures et des conventions collectives qui ne vont pas toujours à la rencontre des intérêts de la population, serait le paradis de l’efficacité?

Faites-moi rire.

Mais voilà, nombre de GMF sont constitués en organismes à but non lucratif, des OBNL sans obligation de profitabilité - le modèle de la plupart des écoles privées et préconisé par le ministère de la santé. Je pense au Centre médical de la Nouvelle-Beauce ou au Complexe de santé Reine Elizabeth dans Notre-Dame-de-Grâce à Montréal qui offre des soins d’urgence. Ce complexe fait partie d’un réseau d’une vingtaine de cliniques similaires.

La Terre n’a pas arrêté de tourner pour autant.

«On va siphonner le personnel du public». Peut-être mais si les soignants sont plus heureux au privé, le jeu de la concurrence mettra une pression sur l’État et sur les syndicats pour offrir de meilleures conditions de travail. Cela tombe sous le sens.

Au privé, le patient ne peut se trouver ailleurs qu’au centre des préoccupations des gestionnaires car, en plus d’être patient, le patient est aussi un client. Tout comme l’État qui règle la note.

Que préfère-t-on? Poireauter deux ans sur une liste d’attente pour une opération de la hanche au nom d’une idéologie ou être soulagé au plus sacrant sans avoir à payer?


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Lise Ravary est journaliste depuis 40 ans et a tout fait dans le métier, que ce soit à la radio ou dans des magazines et des journaux, de Montréal à Toronto, en passant par Londres et Alexandria, avant de devenir observatrice et commentatrice à temps plein. On peut lire ses opinions dans nos pages deux fois par semaine.