C’est la faute de la plus qu’influente influenceuse Kim Kardashian, probablement inspirée toutefois par la jeune beauté Sarah Harris du Vogue UK, dont la sublime crinière aussi blanche que naturelle a fait jaser le tout-Londres bien avant le reste du monde.
Mais quand Kim a teint sa longue tignasse noire gris argenté en 2019, le temps d’un reportage, là le monde entier a fait «ooh, aah». Une tendance était née. Elle perdure.
Les cheveux gris ne sont donc plus associés uniquement qu’à la vieillesse. On admire leur petit côté rock and roll, rebelle. Mais ce n’est pas tout le monde qui semble avoir été mis au courant que gris = cool.
Ce serait le cas du patron de la désormais ex-cheffe d’antenne de CTV News depuis 2011, Lisa Laflamme, 58 ans. Vice-président à l’information du réseau, Michael Melling n’aurait pas apprécié que sa journaliste vedette laisse son abondante chevelure passer au gris pendant la pandémie, sans autorisation. Cela aurait, chuchote-t-on à Toronto, influencé la décision de mettre fin à son contrat même si un million de téléspectateurs étaient fidèles au rendez-vous quotidien du CTV National News à 23h, le double des cotes d’écoute du concurrent The National à CBC.
Si des gens savent pourquoi Bell Media, propriétaire du réseau CTV, a pris une décision à première vue incompréhensible et qui a choqué le Canada anglais, ils se taisent mais à la télévision, l’image a souvent le dernier mot. Surtout quand il s’agit des femmes.
On connaît la chanson. Et elle rejoue régulièrement à la télé ou les journalistes masculins se donnent des allures de cadres supérieurs, jeunes ou vieux, alors que les présentatrices féminines tendent vers un look ‘jeune-blonde-aux-yeux-bleus-maquillée-jusqu’à-la-racine-des-cheveux. Regardez Fox News et CNN. Vous m’en donnerez des nouvelles.
Ce n’est pas toujours leur choix. Je me souviens d’un patron de presse bien de chez nous qui avait interdit à une journaliste à l’antenne de couper ses cheveux.
Après lui avoir annoncé la nouvelle de la résiliation de son contrat fin juin, «une décision d’affaires», Melling a demandé à Lisa Laflamme de n’en parler à personne, de continuer à travailler comme si de rien n’était, le temps de négocier les conditions de son départ. Professionnelle, elle a accepté mais lundi dernier, elle a diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo pour annoncer un départ qu’elle n’avait ni souhaité ni anticipé et qu’elle s’explique mal.
Nous aussi.
Quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu’il a la rage. Pour congédier une femme, on l’accusera plutôt de créer un milieu de travail toxique, d’avoir la grosse tête, d’être ingérable ou d’être trop vieille.
Toutes ces raisons ont été colportées par on ne sait trop qui au sujet de Lisa Laflamme. On a aussi évoqué le fait qu’elle gagnait beaucoup d’argent (trop?). Qu’elle tenait tête au patron quand il voulait abaisser la qualité de la couverture journalistique pour économiser. Par exemple, il ne jugeait pas essentiel de couvrir le jubilée de la reine jusqu’à ce que Lisa Laflamme lui rappelle qu’elle est la reine du Canada.
Bell Media a la réputation de couper jusqu’à l’os.
En septembre, après 35 ans à l’emploi de CTV, Lisa Laflamme sera remplacée par Omar Sachedina, 39 ans. Un homme, un jeune à qui on permettra de vieillir à l’antenne et de montrer ses cheveux gris, ou sa calvitie. C’est selon. Pour l’instant, dans le modèle bellâtre exotique bardé de diplômes et de réalisations spectaculaires, on ne fait pas mieux.
Lisa Laflamme ne reviendra pas à CTV mais elle ne manquera pas d’offres intéressantes. C’est une pro parmi les pros. Une femme de rigueur et de classe qui chante et joue de la guitare. Peut-être chiante par moments mais on ne congédie jamais un homme pour cela!
Je ne suis pas le genre de féministe qui carbure à la victimite. Mais quand il s’agit d’âge, d’apparence et de fort tempérament, il faut avoir la tête enfouie dans le sable pour croire que cela n’a aucune influence sur la courbe de carrière des femmes, même en 2022.