Au bout du fil, elle raconte en détail comment devoir interpréter des débats en direct à la fois en personne et en mode virtuel peut être périlleux.
Les niveaux sonores varient. Puis, les bruits ambiants et les sons des logiciels nuisent à la concentration.
Monter le son d’un usager Zoom pour mieux interpréter dans l’autre langue ses propos signifie que c’est tout le son ambiant gagne des décibels.
«Si quelqu’un ne parle pas très fort [en ligne] et qu’on a monté le volume, puis quelqu’un intervient dans la salle, ça nous éclate constamment dans les oreilles», dit-elle.
«Mini chocs acoustiques»
Elle parle de «mini chocs acoustiques» qui sont «constants» et qui deviennent «invivables».
«Le son inégal, c’est la mort pour la santé auditive», rajoute-t-elle.
En mai, Mme Bureau en a eu assez et a pris une retraite anticipée.
Elle laisse derrière elle une centaine de collègues – dont la moitié sont des pigistes – qui assurent la traduction en direct des rencontres de comité, des travaux aux Communes, au Sénat et à la Cour suprême du Canada, notamment.
Selon Services publics et Approvisionnement Canada, qui chapeaute le Bureau de la traduction, cinq interprètes permanents ont pris leur retraite depuis 2020, sans préciser s’il s’agissait de retraites anticipées pour les mêmes raisons que Mme Bureau.
Puis, quatre autres font d’autres tâches que de l’interprétation, et ce, pour diverses raisons.
«Il y a une attaque systémique contre la santé et la sécurité des interprètes depuis deux ans. Depuis deux ans, mes membres souffrent!», lance le président de l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP), Greg Phillips.
23 rapports d’enquête
Parce que Myriam Bureau est loin d’être la seule à avoir subi les contrecoups du Parlement hybride.
En 2019, l’ACEP dit avoir transmis 23 rapports d’enquête de situation comportant des risques à SPAC. Avec la pandémie et la multiplication des séances virtuelles, ce nombre a bondi à 121 en 2020, puis s’est établi à 100 en 2021.
En date de février 2022, l’ACEP disait en avoir réalisé 27.
Ce sont des chocs acoustiques, de la fatigue cognitive, des acouphènes, de l’hyperacousie et même des commotions cérébrales qui sont rapportés par le syndicat.
La vaste majorité de ces incidents sont survenus au Parlement.
Ces blessures et l’épuisement au travail, soutient l’ACEP, réduisent le nombre d’interprètes disponibles, ce qui aurait obligé les parlementaires à annuler des réunions.
«Le Bureau de la traduction dispose actuellement de la capacité nécessaire pour respecter les niveaux de service prévus dans ses ententes avec la Chambre des communes et le Sénat», affirme SPAC par un courriel.
Le ministère note qu’il y a une pénurie d’interprètes de conférence partout dans le monde et qu’il collabore désormais avec les universités d’Ottawa et York pour former la relève en interprétation.
«Si le Parlement était en personne, il y aurait moins de pénurie d’interprètes parce que les gens pourraient faire de plus longues journées», rétorque Mme Bureau.
N’empêche, les 75 interprètes membres de l’ACEP devront patienter encore des mois avant de voir ce que les parlementaires leur réserveront.
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Question posée dans le cadre du sondage de la firme Nanos
- Pendant la pandémie de COVID, les députés et sénateurs avaient le choix entre se rendre à Ottawa pour assister à leurs réunions OU assister à leurs réunions en ligne depuis leur domicile ou un autre endroit.
- À votre avis, après la pandémie, devraient-ils recommencer à se rendre à Ottawa pour toutes leurs réunions ou devraient-ils continuer à avoir le choix entre se rendre à Ottawa et pouvoir participer en ligne?