Hockey Canada: la ministre St-Onge et le grand nettoyage

La ministre Pascale St-Onge lors du témoignage des patrons de Hockey Canada devant un comité parlementaire au Parlement d'Ottawa.

Cela fait des mois que Pascale St-Onge dit que le monde du sport canadien est en crise. Les allégations de viols collectifs impliquant des joueurs d’élite de Hockey Canada nourrissent le sentiment de la ministre fédérale des Sports. Elle veut changer les choses. Mais la balle est aussi dans le camp des fédérations sportives. 


La fédération sportive la plus puissante au pays, Hockey Canada, est plongée dans une controverse de nature sexuelle aux tentacules multiples. 

Elle a versé des millions de dollars depuis 33 ans à de présumées victimes d’actes sexuels dans la plus grande discrétion, tout en protégeant souvent ceux qui auraient commis ces crimes présumés. 

La ministre des Sports a suspendu le financement d’Ottawa à l’organisme, a incité d’importants commanditaires à faire de même et a poussé des dirigeants changer leurs pratiques.

Au lendemain du témoignage des patrons de Hockey Canada devant un comité parlementaire, la ministre envoyait désormais un message aux membres du conseil d’administration de Hockey Canada: l’heure est maintenant au grand nettoyage. 

Le Droit: Vous avez eu le temps de digérer un peu le témoignage des dirigeants de Hockey Canada. Qu’est-ce que vous en retenez?

Pascale St-Onge: En continuant d’y réfléchir, je suis de plus en plus convaincue que même si le président a semblé motivé et sincère dans sa volonté de changer les choses, il n’a pas été capable de reconnaitre qu’il y a un problème de culture systémique à Hockey Canada. S’il n’est pas capable de reconnaitre ça et de le verbaliser, comment est-ce qu’il peut vraiment s’attaquer aux racines du problème?

LD: Je comprends que sur le plan juridique et législatif, c’est complexe de mettre une fédération sportive comme Hockey Canada sous tutelle, mais est-ce que le témoignage de Hockey Canada influence votre réflexion à cet égard?

PS: Mon lien avec les fédérations sportives est vraiment par rapport aux accords de contributions. Chacune des fédérations est indépendante et autonome. Ni Sport Canada ni moi n’avons un pouvoir de régulation sur ces fédérations-là. Un moment donné, il faut que les organisations se prennent en main. Il faut que les leaders se prennent en main, se lèvent et mettent autant d’énergie sur la santé et la sécurité des athlètes qu’ils en mettent dans les autres activités. 

Si les personnes en position de pouvoir ne font pas cela, on y arrivera pas. C’est pour cela que c’est au conseil d’administration de Hockey Canada d’évaluer si les personnes en place présentement, qui était là dans les dix ou 30 dernières années et qui a participé à la culture du silence, sont vraiment les bonnes personnes pour opérer les changements.

LD: Et vous, vous ne pensez pas que ce sont les bonnes personnes?

PS: Je pense qu’il n’y a pas suffisamment de diversité au sein de Hockey Canada et au sein du hockey en général dans les postes de décisions et de pouvoir. Et c’était frappant mercredi. Tous les dirigeants qui étaient assis, c’était frappant. 

LD: Tous des hommes blancs et presque tous de la même génération

PS: C’est ça. Et d’entendre qu’il y a deux femmes sur le conseil d’administration et «on écoute la voix des femmes pour nous conseiller», ce n’est pas ça avoir de la diversité autour de la table. Ce n’est pas ça inclure des femmes dans des processus de décision. Il faut que ça change.

LD: Vous parlez beaucoup de la masculinité toxique au hockey. Le président de Hockey Canada semble vouloir montrer ses muscles en disant: «si vous faites quelque chose de mal, vous ne porterez jamais le chandail d’Équipe Canada!» Que pensez-vous de cela?

PS: C’est déjà un pas par rapport à l’histoire de 2018 où les jeunes hommes en question n’ont même pas eu à porter la responsabilité des allégations qu’ils avaient contre eux. Oui, c’est un pas. Mais il faut éduquer et entourer ces jeunes hommes-là.

S’il n’y a personne pour les entourer ou pour leur expliquer c’est quoi le consentement et c’est quoi les bons et les mauvais comportements, on manque à notre devoir envers ces jeunes hommes-là aussi. L’autre chose aussi qui me frappe, c’est qu’un jeune homme qui commet un crime ou une mauvaise action, s’il n’est jamais confronté à sa responsabilité, comment peut-on le réhabiliter? Pour le futur? Pour lui donner une chance d’être un adulte épanoui et un adulte responsable? 

LD: Comme le défenseur reconnu coupable de crime sexuel, Logan Mailloux, finalement.

PS: C’est ça. Ce que j’entends, c’est que le Canadien de Montréal lui donnent beaucoup d’attention pour l’éduquer, lui faire comprendre ses comportements et tout cela. Il semble y avoir un programme en place pour l’ensemble des joueurs et tout cela. Mais lui, il a été confronté à sa responsabilité. Mais les jeunes joueurs de Hockey Canada de 2018, de 2003 et de tout ce qu’on ne sait pas, ils n’ont jamais été confrontés à assumer la responsabilité de leurs actions. Dans la société, c’est un problème immense qui nous est légué par une organisation comme Hockey Canada.