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Une leader qui rassemblait les foules par le cœur en parlant de justice et de générosité.

Une interlocutrice redoutable qui savait convaincre avec éloquence, intelligence et le sourire.

Une citoyenne pour qui le devoir face aux siens, face à la collectivité, s’imposait.

En se battant pour les droits des francophones ontariens, elle savait qu’elle luttait pour que tout le monde soit meilleur. La reconnaissance de la richesse de la diversité, de l’inclusion, la bienveillance, le soin que l’on accorde aux autres, ces principes qu’elle défendait, ces valeurs, vont bien au-delà d’une communauté spécifique.

Gisèle Lalonde, morte le 27 juillet, a fait d’Ottawa, de l’Ontario, du Canada au complet un monde meilleur.

En 2022, on voit partout des gens qui sortent de l’ombre pour montrer que le mépris, l’abus, l’égoïsme n’ont pas leur place. Que les grandes institutions doivent être les premières à chasser la discrimination et les inégalités de leur ADN. On change des noms de rue et on rouvre des dossiers policiers, on s’interroge sur l’utilisation de certains mots, on revient sur des décisions passées, on s’insurge, on met sur la sellette et on relit l’Histoire avec une loupe plus sage, on se regarde dans le miroir.

Si toutes ces remises en question sont essentielles, célébrons avec le même esprit de justice moderne celles qu’a pilotées Gisèle Lalonde à travers sa longue carrière militante.

Sa cause à elle était le respect des droits des francophones. Elle s’est imposée à tous quand, en 1997, elle a pris le flambeau de la défense de l’hôpital Montfort, menacé de fermeture par le gouvernement provincial de Mike Harris qui ne comprenait pas à quel point l’accès aux services de santé dans sa langue est une nécessité, à quel point les francophones y avaient droit.

Mais elle était déjà sur la scène publique, ayant notamment été mairesse de Vanier de 1985 à 1991, cette grande communauté traditionnellement francophone de la région métropolitaine d’Ottawa.

M^me Lalonde savait depuis toujours qu’il fallait tenir tête à ceux qui ne comprennent pas l’importance et la richesse de la diversité, en commençant par la linguistique. Elle comprenait depuis toujours l’importance de ne jamais baisser les bras.

Les témoignages d’amitié, les remerciements, les messages d’admiration ne cessent d’être exprimés depuis mercredi parce que de Vanier à Montfort à tout récemment, M^me Lalonde n’a jamais cessé de rejoindre les cœurs.

On parle partout de sa détermination, de son entêtement hautement productif, mais lisez bien, il y a aussi son sourire qui revient constamment à travers toutes ces paroles.

On pourrait l’appeler la révolutionnaire joyeuse.

Celle qui croyait, comme l’explique si bien Denis Gratton son neveu, notre chroniqueur, que l’action politique passait par le plaisir.

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Combien de fois ai-je entendu ma tante Gisèle prononcer ces mots? Mille fois? Cinq mille fois?

«Venez, on va avoir du fun!». Et elle avait raison. C’était toujours le fun chez tante Gisèle et oncle Gilles.

Comme aux réveillons de Noël chez elle. Après la messe de minuit, c’est droit chez tante Gisèle que les neuf Gratton débarquaient. Il ne s’en fait plus de réveillons comme ceux-là. Les rires, la joie, la danse, la table bien garnie, les jeux et les chansons à répondre jusqu’au petit matin. Et le numéro que tout le monde attendait chaque année: tante Gisèle qui interprétait sa version grivoise de la chanson Catherinette. Je vous fais grâce des paroles, elle m’en voudrait que je les partage avec vous. Je l’entends me dire: «Vas pas écrire ça, mon Nini!».

Elle m’appelait «mon Nini».

«Viens faire un tour au chalet, mon Nini. On va avoir du fun».

Alors je m’arrêtais parfois à son chalet du Lac Schryer. Et Dieu qu’on avait du fun! Je ne voulais plus revenir en ville.

Gisèle Lalonde avait une joie de vivre contagieuse. Dans tout ce qu’elle entreprenait.

Je me souviens de sa campagne à la mairie de Vanier, en 1985. «Viens-tu m’aider à distribuer des dépliants aux portes de Vanier, mon Nini? On va avoir du fun».

J’avais 25 ans. Je n’entrevoyais aucun plaisir à arpenter les rues de Vanier pendant toute une soirée à distribuer des «votez Gisèle». Mais j’ai accepté. Et le lendemain, je suis retourné! Simplement parce que tante Gisèle avait trouvé le tour de rendre cette tâche le fun.

La longue lutte de S.O.S. Montfort a été difficile pour elle. Physiquement et émotionnellement difficile. Mais chaque fois que tante Gisèle et moi en reparlions au cours des dernières années, elle laissait toujours tomber: «ça n’a pas été facile, mais maudit qu’on a eu du fun, hein mon Nini!?».

Et ce petit sourire espiègle qu’elle lançait en le disant. Je n’oublierai jamais son sourire.

À titre de présidente de la Fondation de l’Hôpital Montfort, un poste qu’elle occupait dans les années 1990, Tante Gisèle organisait annuellement un téléthon à la télé communautaire Rogers d’Ottawa.

Une année, elle a réussi à convaincre Zachary Richard de venir chanter quelques chansons à ce téléthon. Quand ce dernier s’est pointé à Vanier avec sa guitare, je lui ai demandé pourquoi il avait accepté de quitter sa Louisiane dans le sud des États-Unis pour venir à Vanier le temps d’une chanson.

«Parce qu’on ne peut pas dire non à Gisèle Lalonde», m’avait-il répondu en souriant.

Il avait tout compris.

On ne pouvait pas dire non à tante Gisèle. On ne VOULAIT pas dire non à tante Gisèle.

On voulait la suivre dans ses luttes, dans ses combats, dans ses folies. On voulait juste un peu de cette joie de vivre qu’elle propageait et qu’elle rayonnait. On voulait être à ses côtés. On voulait rire avec elle. On voulait lutter avec elle. On voulait gagner avec elle.

Elle était une leader née. Elle était une tante incomparable, et une mère et une grand-mère attentionnée. Elle était et sera toujours une grande dame.

Notre grande dame.

Dormez en paix, ma tante. Oncle Gilles, l’amour de votre vie, vous attend de l’autre côté. Vos soeur Reina et ma mère Cécile aussi, ainsi que votre frère Gérard. Tout le monde y sera pour vous accueillir. Je pense même que votre neveu Michel vous a rédigé un discours à prononcer pour votre arrivée.

Merci pour tout, tante Gisèle. Vous aviez bien raison. Maudit qu’on a eu du fun!

— Votre Nini qui vous aime.

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Quelle belle leçon!

L’avenir se change en regardant le verre à moitié plein.

Et en essayant, toujours, de le remplir d’encore plus de justice et de joie.

Merci Gisèle d’avoir montré à tout le monde comment se tenir positivement debout.

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