Le fromager cosaque du Donbass
Avec sa coupe de cheveux à la cosaque qui est même devenue son image de marque, Serhiv, éleveur de chèvres et fromager, ne passe pas inaperçu. Malgré la guerre qui gronde désormais à quelques kilomètres de sa ferme écologique, il continue de produire de délicieux fromages artisanaux moulés, égouttés puis, pour certains, affinés lentement sur des clayettes en bois, ainsi que du kéfir, du labneh, de l’halloumi, des yogourts et même de la charcuterie.
Sa soixantaine de petites chèvres broutent l’herbe et les fleurs sauvages à quelques dizaines de mètres seulement du laboratoire réfrigéré dans lequel il élabore ses produits vendus directement aux amateurs. Mais pour combien de temps encore?
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/X66FM76NIJEZRAUSDPKDNTP2JY.jpg)
Impossible pour ce gaillard de demeurer dans son village si les Russes et les milices pro-Moscou s’emparent de son secteur. Cet ex-militaire avait déjà été contraint de fuir Donetsk en 2014 pour des raisons de sécurité. Il avait ensuite participé à la guerre contre les séparatistes pro-Moscou, conflit précurseur de la guerre actuelle et qui avait mené la même année à la sécession d’une partie de ce territoire (République populaire du Donetsk). Serhiv et sa femme s’étaient alors refait une nouvelle vie paisible en secteur ukrainien en 2017 au milieu de leur troupeau de chèvres. La mort dans l’âme, Serhiv a déjà préparé leur déménagement. Un autre éleveur dans l’ouest du pays est prêt à l’accueillir avec ses chèvres et lui permettre de repartir à zéro. Encore une fois.
Bienvenue au «Sloviansk resort»
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/RZWPTMXXL5FALHHCAOQUO6CNZM.jpg)
Trois lacs d’eau tiède salée connus depuis deux siècles pour leurs vertus thérapeutiques, des plages, des petits restaurants et marchands de crème glacée alignés, des pergolas de plage peintes en blanc, des parasols... voilà à quoi ressemblait le «Sloviansk resort» avant la guerre. Situé dans la ville du même nom, au nord du Donbass, on s’y pressait les fins de semaine et pendant les vacances pour relaxer.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/GX23W3COYFGTLF4BGSFUDO67OU.jpg)
Aujourd’hui le lieu est presque désert. Les troupes russes ne sont plus qu’à quelques kilomètres. Rien pour empêcher Eugène, 61 ans, de venir chaque jour à vélo se prélasser le torse au soleil et profiter des bienfaits d’une eau salée. «En 2014, je nageais presque sous les bombes. C’est important de faire du sport pour garder la forme et un bon mental. En plus cette eau salée soulage mes douleurs articulaires et musculaires.»
Derrière ses lunettes fumées, Eugene s’emporte dès que l’on parle des événements actuels qui embrasent sa région. «Si ces bâtards de Russes, ces têtes de glands comme je les appelle, s’emparent de la ville, ce sera fini pour nous. Quant aux idiots ici qui les attendent avec impatience, veulent-ils un autre Marioupol? Qu’ils aillent donc se construire une ville en Russie et y déménager pour vivre leur paix russe!»
Marcher pour de l’eau
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/GHEZ34P4KNEMPE5RCHDKX7UJCE.jpg)
Quatre kilomètres deux fois par jour, c’est la distance parcourue par des femmes âgées de Sloviansk pour aller se ravitailler en eau, même pas potable, à un puits situé au pied d’un immeuble. Elles doivent puiser l’eau sous le soleil, en pleine chaleur. Puis repartir chez elles d’un pas lent avec de lourds bidons dans les mains.
La situation est devenue critique dans cette ville bombardée régulièrement par les Russes. Il n’y a désormais plus de gaz pour cuisiner, ni d’eau et parfois plus d’électricité. Ce qui a conduit le maire à décréter début juin l’évacuation générale et demander à ses concitoyens de «faire [vos] leurs bagages». Les trois quarts des 100 000 habitants auraient fui depuis. Seuls restent notamment ceux et celles qui n’ont nulle part où aller, ou qui sont trop pauvres. «Il faut avoir de l’argent pour être évacué et payer votre nouvel hébergement si vous n’avez personne pour vous accueillir, dit l’une des femmes tout en pompant l’eau. Plusieurs sont revenus récemment chez eux ici, car ils étaient à court d’argent.»
Zigzag et barrages
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/GAZYENLAFZHQHHQAK5TFP5NC2M.jpg)
Conduire en Ukraine en temps de guerre, c’est faire preuve d’une vigilance de tous les instants pour éviter un accident. Surtout la nuit. Toutes les routes, en particulier dans les régions affectées par les combats, sont entravées par divers obstacles (tas de terre, blocs de béton, croix antichar, etc.) afin de ralentir l’envahisseur.
Des dispositifs qui imposent aussi une certaine agilité aux conducteurs, forcés de conduire en zigzag, comme à un examen de conduite, tout en évitant de percuter celui qui vient en face en effectuant les mêmes manœuvres.
En plus de ces chicanes, il faut composer avec les barrages fortifiés (appelés blockposts par les Ukrainiens) aux entrées et sorties des villes. Des points de contrôle qu’il est interdit de photographier. Il faut les approcher à basse vitesse, puis s’arrêter. On est alors questionné, toujours avec courtoisie, sur notre itinéraire, la raison de notre présence, en plus de vérifier notre identité (le passeport pour les étrangers). Les journalistes qui se déplacent dans les secteurs proches du front doivent en plus présenter l’accréditation officielle délivrée par les Forces armées d’Ukraine.
En terminant, une curiosité..
Un avion Sukhoi SU-15TM de l’URSS transformé en monument dans la ville de Dobropillia dans le Donbass.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/55FJAFZKIZDNHOHXLRAKESSWVE.jpg)