Une alliance pour briser les stigmates sur la santé mentale chez les policiers

L'Université du Québec en Outaouais (UQO) a ficelé une entente avec le Service de police de la Ville de Gatineau (SPVG) pour le développement et l'offre d'une formation continue en santé mentale

Les émotions «ne se rangeant pas dans une garde-robe comme l'uniforme», l'Université du Québec en Outaouais (UQO) a ficelé une entente avec le Service de police de la Ville de Gatineau (SPVG) pour le développement et l'offre d'une formation continue en santé mentale, en réponse entre autres à l'une des neuf recommandations de la coroner à la suite du décès d'un patrouilleur en 2021.


Intitulée «Agir en leader de la santé mentale au sein des corps policiers», la formation théorique et pratique d'une durée de sept heures, qui a d'ores et déjà été suivie par 20 cadres et employés du corps policier il y a deux semaines, sera offerte l'automne prochain à quatre autres cohortes de de policiers sur une base volontaire. Entretemps, question de bonifier cette initiative qui est une première, une rencontre de rétroaction est prévue avec les responsables des comités de pairs-aidants et de santé psychologique du SPVG.

L'objectif est d'outiller les policiers pour protéger la santé mentale, détecter les signes et symptômes et pour se soutenir entre pairs, dans un contexte où l'employeur tente de déstigmatiser ces questions de la plus haute importance.

«Il y a six modules, comme la santé mentale générale, briser des stigmates, remettre en relation la santé mentale et la lourdeur de l'uniforme. Il ne faut pas perdre de vue que ce n'est pas parce qu'on a fini son quart de travail que les émotions, elles, se rangent dans la garde-robe comme l'uniforme. Il y a quand même une approche traditionnelle, mais le but est aussi de mieux comprendre ce que ça implique en 2022. Il y a aussi le volet des pairs aidants, pour protéger la santé mentale de ses collègues. Et même quand ça va bien, quelles sont les mesures qu'on peut mettre en place pour essayer de garder ce bon élan-là?», explique Dave Blackburn, instigateur du projet et doyen de la formation continue, des partenariats et de l'internationalisation à l'UQO. 

Dave Blackburn, instigateur du projet et doyen de la formation continue, des partenariats et de l'internationalisation à l'UQO.

Ce dernier, qui précise que tout métier où tu peux faire face a des incidents «potentiellement traumatisants» doit avoir à sa disposition des outils pour y faire face, affirme que la formation permet aussi aux policiers d'approfondir l'art de détecter les symptômes et signes précurseurs d'une santé mentale plus fragile.



Le chef du SPVG, Luc Beaudoin, salue lui aussi cette nouvelle collaboration. 

«Il est primordial que nous mettions tous les efforts nécessaires pour assurer un leadership positif en matière de santé mentale auprès de nos policiers, policières et employés civils. Nous sommes privilégiés d’avoir pu développer ce partenariat avec l’UQO afin de mettre à profit nos experts locaux dans la recherche de solutions aux enjeux bien réels et complexes auxquels nous sommes confrontés. Non seulement l’uniforme n’est pas une carapace, il est souvent lourd à porter. Les policiers et policières prennent soin de la population, alors nous devons aussi nous assurer de prendre soin de notre personnel», a-t-il commenté.

 Luc Beaudoin, chef du SPVG.

Animateur de la formation, M. Blackburn explique que c'est lui qui, en amont et sans attentes, a fait la première approche auprès du SPVG quelques semaines après qu'un jeune policier se soit enlevé la vie sans avoir laissé de signes avant-coureurs à son entourage en mai 2021. Dans son rapport, la coroner Me Francine Danais avait invité le corps policier à mettre sur pied dans les plus brefs délais un programme de pairs aidants.

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«Je leur ai proposé l'expertise de l'UQO et ils nous ont répondu très rapidement, ils ont été très proactifs. On a travaillé à créer tout ça au cours des derniers mois. On s'est beaucoup inspiré de ce qui se fait au sein des Forces armées canadiennes mais aussi américaines, en plus de la psychologie sportive. On fait aussi des mises en situation avec la majorité des notions apprises», explique celui qui a lui-même agi dans le passé comme officier supérieur responsable des services de santé dans les Forces armées canadiennes.

Des pourparlers sont déjà en cours pour que le projet soit étendu en 2023 et 2024 de façon à rejoindre encore plus de policiers et répartiteurs 911, soutient M. Blackburn.

Est-ce que la santé mentale est encore taboue dans les rangs policiers?

«Ça évolue dans le bon sens, mais il y a encore beaucoup de travail à faire, il n'y a absolument aucun doute. Moi, je suis arrivé dans les Forces armées peu de temps après qu'on ait découvert l'ancien lieutenant général Roméo Dallaire (qui a été témoin d'horreurs au Rwanda lors du génocide) sur un banc de parc (à Hull). Aujourd'hui, on est ailleurs, il y a une plus grande ouverture, même s'il y a encore des barrières à faire tomber. Et de réussir à entrer dans une organisation fermée comme un corps de police, je vois déjà ça comme un succès», lance le doyen. 

Vous ou vos proches avez besoin d’aide? N’hésitez pas à appeler au 1-866-APPELLE (277-3553), ou encore Tel-Aide Outaouais (819-775-3223) à Gatineau et 613-741-6433 à Ottawa). Du côté d’Ottawa, vous pouvez aussi appeler la ligne de crise en santé mentale d’Ottawa en composant le 613-722-6914. Vous pouvez également consulter le site commentparlerdusuicide.com.