C’est donc une nouvelle chicane fédérale-provinciale qui s’annonce. Une aubaine pour François Legault, qui fera certainement de la fierté son principal thème de campagne. Plus que jamais, la CAQ entend ainsi faire valoir son agenda nationaliste. Après la laïcité et la langue, François Legault veut maintenant rapatrier tous les pouvoirs en immigration. Selon lui, c’est même une question de survie pour la nation québécoise. Ce sera donc son principal cheval de bataille, la raison pour laquelle il demandera aux Québécois un mandat fort.
Je ne doute pas une seule seconde qu’il l’obtiendra.
Car si les caquistes ont actuellement le vent en poupe, c’est notamment en raison de l’habileté avec laquelle ils parviennent à « surfer » sur les enjeux identitaires sans s’y casser les dents. Il semble effectivement y avoir une parfaite symbiose entre le discours nationaliste de François Legault et la soif de fierté des Québécois. En dépit de cette popularité, c’est néanmoins sur un terrain glissant que les troupes caquistes s’aventurent. Au-delà des gains à court terme, les effets sur la société civile et sur l’image du Québec à l’international pourraient s’avérer désastreux.
Notons d’abord que François Legault joue un petit jeu dangereux en y allant d’affirmations incendiaires à propos de la survie de la nation québécoise et de sa prétendue « louisianisation ». Bien que personne ne doute qu’il faille intervenir afin de redresser la situation du français au Québec, on peut se questionner sur le bien-fondé de tels propos. Pire, en se servant des immigrants comme boucs émissaires pour justifier ses politiques, François Legault risque de diviser encore davantage les Québécois. C’est précisément ce genre d’enflure verbale qui trace la ligne entre un nationalisme sain et le chauvinisme. C’est bien beau en appeler au sentiment d’appartenance et à la fierté, mais il y a certaines limites à ne pas franchir.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/4WEOZQQ4OZD7JCLAYDQGBPB3OU.jpg)
Par ailleurs, sur le terrain des relations fédéral-provincial, bien que la CAQ soit extrêmement populaire au Québec, il est loin d’aller de soi qu’elle possède un véritable rapport de force face au gouvernement fédéral. Rien ne garantit que le mandat fort de François Legault se traduira par des gains concrets et substantiels pour le Québec. Au fond, la question est la suivante : jusqu’où François Legault est-il prêt à aller pour défendre les intérêts du Québec ? Et que vaut le nationalisme dont il se réclame ?
À y regarder de plus près, le nationalisme de la CAQ s’apparente beaucoup à l’autonomisme autrefois promu par Mario Dumont et la défunte ADQ et sa fameuse « troisième voie ». François Legault ne s’en cache pas, ce qu’il souhaite, c’est repousser le fédéralisme canadien dans ses derniers retranchements afin d’en extraire le maximum en termes de gains pour le Québec. L’intention est louable, mais le problème, c’est que rien n’oblige le Canada à céder quoi que ce soit. It takes two to tango, comme on dit à Ottawa. Mais justement, le gouvernement fédéral acceptera-t-il de négocier avec le Québec sur un enjeu aussi fondamental que l’immigration ? Il est permis d’en douter.
Alors que fera François Legault s’il se bute à un refus ? Cette question est importante, et la réponse l’est plus encore, car c’est à ce moment que l’on pourra juger de sa détermination et du sérieux de sa démarche nationaliste/autonomiste. Jusqu’à preuve du contraire, il semble toujours se refuser à l’idée d’envisager l’indépendance comme voie de sortie en cas d’échec. Dans une perspective nationaliste, ce serait pourtant la seule réponse valable. C’est la leçon de Daniel Johnson père, selon qui il n’y a pas d’autre issue pour le Québec que l’égalité ou l’indépendance, c’est-à-dire la reconnaissance de la nation québécoise dans un fédéralisme renouvelé ou son indépendance pure et simple.