Chronique|

La voiture nous conduit où ?

ÉDITORIAL / L e verdict est tombé alors que je ne m’y attendais pas trop, par un bel après-midi de printemps à Gatineau. 


Avec ma vieille voiture achetée d’occasion, pour ainsi dire recyclée ou ré-utilisée, et donc mon choix de ne pas ajouter un véhicule neuf au parc existant, j’étais certaine de passer le test « moral » de mon interlocuteur.

Je placotais, il faut dire, avec un écolo de la première heure, le genre qui parlait du réchauffement climatique alors que les VUS n’avaient même pas encore eu le temps de connaître leur heure de gloire et leur déclin culturel.

« Je suis ok, non, avec ma voiture d’occasion, quand même ? »

Et sa réponse a assassiné mes prétentions vertes en deux coups de cuillères à pot.

« La part nettement la plus importante, de loin, de la pollution causée par une voiture, c’est quand elle brûle de l’essence et émet des gaz à effet de serre », m’a-t-il déclaré du tac au tac.

Écolo ?

Non, ton choix MC n’est pas écolo ( Rendue ici, c’est moi qui me parle à moi-même )

Mes théories bancales venaient de s’écrouler.

Le cycle de vie de l’objet qu’est une voiture, certes, est une source de pollution et d’émission de GES, m’a-t-il expliqué. Mais la produire et en disposer ne se compare en rien à brûler, jour après jour, kilomètre après kilomètre, des litres d’essence de pétrole raffiné.

Ma quête pour la voiture électrique idéale, mise en pause par ce compromis bancal conclu avec ma propre très imparfaite conscience écologique, venait, impitoyablement, de redémarrer en quatrième vitesse.

LE BESOIN D’UNE VOITURE

Ne vous détrompez pas, le vélo me plaît, la marche même chose. Je cours. J’adore aussi tout ce qui est collectif. Prendre le métro, l’autobus, le tramway ou le train léger fait partie des activités qui m’apportent un immense sentiment d’accomplissement moral en plus de me transporter, point. C’est souvent très agréable. M’installer dans un autocar et ne rien avoir à faire pour deux heures me convient parfaitement.

Et il y a quatre ans, lasse de ne pas pouvoir trouver la voiture électrique de mes rêves et abordable – ça fait une vingtaine d’années que je la cherche, pour moi, ma famille, mon chien, mon bazar, ma vie – je me suis acheté un vélo de montagne électrique qui a provoqué des moments de bonheur immenses.

Dans mon ancienne vie pré-pandémie, c’était mon mode de transport principal pour aller travailler.

Sauf que voilà.

J’ai besoin d’une voiture.

Parce que ma vie ce n’est pas juste tout ce que je viens de décrire.

C’est aussi faire des courses avec des paquets lourds et encombrants, c’est mon chien qui ne peut pas prendre le métro, c’est ma mère âgée qu’il faut amener chez le médecin le plus facilement possible, c’est un horaire où parfois les journées se déroulent à la minute près et sans flexibilité, c’est faire quatre choses en même temps.

Ma vie, c’est un Canada immense et pas toujours dense, où les trains se comptent sur les doigts d’une demi-main, où mon Car2Go n’existe plus – j’ai tellement apprécié ce service de partage de voitures – où ma voiture, finalement, est devenue un peu mon bureau, à force de vouloir et pouvoir, très souvent, tout faire en même temps.

POUR DES CHOIX RÉALISTES

Je vous raconte tout ça parce que je sais qu’on est nombreux et nombreuses à nous retrouver pas mal dans la même situation.

À chercher une meilleure solution voiture. Mais c’est difficile.

On comprend les enjeux environnementaux. On veut mieux faire côté auto-solo.

Mais il y a des limites à ce qu’on peut adopter comme modes de transport en commun ou actifs. Des limites à la conciliation entre ces modes de déplacement mieux adaptés à la lutte contre les changements climatiques et la réalité de nos vies.

Et on a hâte que le monde de la voiture nous offre enfin de vrais choix réalistes.

Parce que même si au Québec, environ 80 voitures électriques sont enregistrées par jour, même si le taux de croissance des ventes de ces véhicules est de près de 40 % annuellement, ça pourrait être plus !

Imaginez s’il y avait plus de voitures électriques disponibles sur le marché, des véhicules spacieux, avec une longue autonomie et abordables ! Et si on n’avait pas à craindre les pannes desdits véhicules électriques à cause des difficultés de chargement, à l’extérieur des grands centres.

Et en marge de cela, comme on a hâte aussi que les services d’auto-partage soient réellement conviviaux et laissent place à la spontanéité. Et que l’entreprenariat local plonge au cœur de ces enjeux afin de trouver des solutions de chez nous, pour chez nous.

Imaginez s’il y avait des voitures électriques en auto-partage, avec options de co-voiturage, sur les axes Gatineau-Montréal ou Ottawa-Toronto ? S’il y avait plus de trajets ferroviaires entre ces villes et du transport en commun gratuit à l’arrivée pour les détenteurs de billets de train ? Ou des ententes avec des compagnies de location de voitures électriques pour des solutions prioritaires porte à porte ?

Imaginez si on se donnait trois ans pour trouver un paquet de réponses très pratiques, concrètes, et donc à très court terme, pour aider ceux qui sont prêts, maintenant, à faire des choix de transport différents ? Pourquoi ça marcherait aujourd’hui soudainement ? Parce que l’essence à deux dollars le litre ouvre la porte. Ça ne nous a pas assommés, mais joyeusement réveillés !

On s’y met ?

Marie-Claude Lortie
Rédactrice en chef