Barrage de Lac-Simon: une coalition d’intervenants demande l’intervention de Québec

Chaque fois que Lac-Simon, qui gère le barrage, ajoute une poutrelle pour augmenter la quantité d’eau dans ses deux lac interreliés, le niveau de la rivière de la Petite-Nation baisse en aval.

Des résidents, organismes et élus font front commun pour demander une intervention de Québec dans la gestion du barrage du lac Barrière qui est faite mécaniquement par la Municipalité de Lac-Simon et qui provoque, depuis les dernières années, l’assèchement occasionnel de la rivière de la Petite-Nation en période estivale, au grand dam de la population habitant en aval de l’affluent.


Rassemblés sur le site de l’ancienne école Aquaventure Petite-Nation, aux abords de la rivière, à Saint-André-Avellin, des représentants de la Fondation Rivières, du Club de canot camping et d’eau vive de l’Outaouais Pierre Radisson, de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP), de Canot kayak Québec et de l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière Petite-Nation ont lancé un fort plaidoyer pour une gestion équitable de l’eau, jeudi après-midi, lors d’une conférence de presse.

Construit en 1972, le barrage du lac Barrière «a pour vocation le rehaussement de la surface libre des lacs Barrière et Simon à des fins de navigation estivale de même que du maintien de la circulation et de la qualité de l’eau dans une baie en particulier», écrit la Municipalité de Lac-Simon, sur son site Internet.

Chaque fois que Lac-Simon, qui gère le barrage, ajoute une poutrelle pour augmenter la quantité d’eau dans ses deux lac interreliés, le niveau de la rivière de la Petite-Nation baisse en aval, ce qui suscite le mécontentement des riverains, particulièrement depuis les dernières années où de nombreux épisodes d’assèchement du cours d’eau ont été observées.

Selon le président du Club de canot-camping Pierre Radisson, Jean-François Venne, une centaine de journées, lors desquelles le débit de la rivière était de moins de 15 mètres cubes par seconde, ont été enregistrées, en 2020 et 2021.

«C’est extrêmement bas et ça fait en sorte qu’on doit traverser les rapides à pied, à travers les roches. Ç’a un impact sur le tourisme, sur l’utilisation (de la rivière) et sur l’accès à l’eau potable pour les riverains», affirme-t-il.

Porte-parole de l’Organisation des riverains pour la protection de la rivière Petite-Nation, Dominique Simard, qui est propriétaire d'une résidence secondaire aux abords de l'affluent, dénonce la sourde oreille faite par l’administration de Lac-Simon. «On a des riverains qui ne peuvent pas se laver, on a des riverains qui manquent d’eau et qui ne peuvent pas cuisiner, on a aussi des quais, comme à mon chalet, qu’on doit déplacer, et on a également des dommages aux infrastructures et des conséquences sur la faune, mais surtout sur la flore», illustre-t-elle.



Le président du Club de canot-camping Pierre Radisson, Jean-François Venne

Une intervention ministérielle réclamée

En attendant qu’une solution permanente soit identifiée, la coalition demande des mesures dans l’immédiat. On réclame une révision de la Loi sur la sécurité des barrages, la réalisation d’une étude environnementale et une intervention du ministre responsable de l’Outaouais et député de Papineau, Mathieu Lacombe, et du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements, Benoît Charette, afin que Québec intervienne comme arbitre dans la gestion de l’eau de la rivière de la Petite-Nation.  

Le directeur général de la Fondation Rivières, André Bélanger, soutient qu’il revient au gouvernement provincial de prendre les rênes de cet épineux dossier. C’est une «intervention ministérielle» que ça prend, tonne ce dernier.

«C’est une tendance gouvernementale depuis 20 ans de déléguer des pouvoirs aux Municipalités, souligne M. Bélanger. Ici, on demande à la MRC de Papineau d’arbitrer la situation entre Lac-Simon et le reste des municipalités en bas de la rivière, mais il n’y a pas de règles à suivre. La MRC ne peut pas arbitrer un conflit où les maires sont tous assis à la même table. On a interpellé Mathieu Lacombe à maintes reprises, mais il ne veut pas se mouiller. Ça prend un cadre et des orientations précises. Il n’y a pas de débit minimal qui a été fixé pour la rivière de la Petite-Nation au niveau écologique dans le prochain Plan de gestion des milieux humides et hydriques. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Il faut que l’arbitrage vienne de Québec.»

Le directeur général de la section Vallée de l’Outaouais de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP), John McDonnell, craint littéralement pour la survie de certaines espèces si la situation demeure inchangée. 

«C’est vraiment un barrage à des fins esthétiques pour garder un niveau d’eau artificiellement élevé, note M. McDonnell. Ça crée des problèmes tant en aval qu’en amont. En amont, il y a des inondations. Il y a des gens qui perdent leurs terrains, leurs arbres sont à l’eau. En aval, il y a un manque d’eau et avec les changements climatiques, les sécheresses vont devenir de plus en plus fréquentes. On a besoin de conserver les milieux humides pour les espèces les plus à risque.»

Un nouveau barrage? 

Le maire de Saint-André-Avellin, Jean-René Carrière, appuie la mobilisation. Pour arriver à régler le problème, ça prendra un nouveau barrage, insiste le premier magistrat, et il reviendra en premier chef au provincial et au fédéral d’investir puisqu’il s’agit d’une infrastructure située sur un plan d’eau et que la facture coûtera plusieurs millions de dollars.

Le maire de Saint-André-Avellin, Jean-René Carrière

«Le but n’est pas de lancer un blâme à Lac-Simon, mais c’est bien de trouver une solution viable pour tout le monde, autant pour les résidents qui sont en haut que ceux qui sont en bas, dit-il. Je pense que de ne rien faire viendrait à dire que les résidents en aval sont moins importants que ceux en amont. Il y a des solutions et il a des coûts reliés à ces solutions. Il y a un barrage qui est en cause qui fait en sorte qu’on veut gérer l’eau qui se trouve en dessous d’un pont. Est-ce qu’on peut le refaire, creuser en dessous et refaire un barrage qui pourrait s’autogérer? Il y a des solutions, elles sont sur la table, il suffit de s’asseoir et de se consulter.»

En entrevue avec Le Droit, en avril dernier, le maire de Lac-Simon, Jean-Paul Descoeurs, avait déclaré que son administration n’avait rien à se reprocher quant à la gestion de l’infrastructure puisque celle-ci ne fait que respecter le plan de gestion de l’eau et du barrage établi par des ingénieurs. 

«La gestion du barrage, on la fait très bien depuis 1972. Les problèmes ont commencé quand nous avons eu les inondations. C’est depuis ce temps-là que nous avons des gérants d’estrade pour gérer le barrage. On vient de faire produire une étude, qui a été faite par CIMA +, et cette étude nous dit que nous sommes sur la coche pour la gestion du barrage. On a une charte qui nous dit quand ajouter et retirer les billes. Si les gens ne sont pas contents, je ne peux rien y faire», avait affirmé M. Descoeurs.