Statistiques Canada a publié plus tôt cette semaine des nouvelles données sur la représentation des femmes au sein des conseils d’administration en 2019 au pays. Le nombre total de femmes occupant un siège dans un CA en 2019 était de 4300 femmes comparativement aux 4848 femmes en 2018. Toutefois, cette diminution s’explique par une baisse globale du nombre total de postes en CA, tous sexes confondus, passant de, passant de 26 416 en 2018 à 22 605 en 2019.
«Traditionnellement, on voyait des CA de 21 personnes par exemple, et là on se rend compte à quel point ce n’est pas de la bonne gouvernance», a expliqué la présidente et fondatrice de Gouvernance au féminin, Caroline Codsi. «Quand il y a trop de gens finalement, chacun pense que c’est l’autre qui est responsable de ceci ou de cela et on n’arrive pas à atteindre nos objectifs. Donc les CA sont de plus en plus serrés en termes de nombre de personnes.»
Dans cette optique, toute proportion gardée, un peu plus de 19% des sièges en CA étaient occupés par des femmes en 2019, comparativement à environ 18% l’année précédente, toutes industries et toute province ou territoire confondus. Au Québec, la proportion de femmes était d’un peu plus de 20% en 2019, soit une augmentation 1,4% comparativement à 2018. «C’est une bonne nouvelle, toute proportion gardée, parce que cela veut dire que oui en perdant des gens puisqu’on a moins de sièges existants, on perd moins de femmes, qu’on perd d’hommes. Ça me dit que les présidents de conseil ou les comités de gouvernance réalisent jusqu’à quel point il est essentiel de continuer à garder une proportion équilibrée de femmes.»
Du chemin à faire
«Si j’étais sur un conseil d’administration qui manque de femmes, je pense que je serais la première à le dire et à soulever ce point», a lancé Nancy Béliveau, la présidente du conseil d’administration du Festival du film de l’Outaouais depuis 2014.
Celle qui a entre autres été productrice, réalisatrice et scénariste durant sa carrière avait la candidature toute désignée pour être nommée à ce titre au FFO. «Didier [Farré, le fondateur du FFO] m’a annoncé qu’il me voulait carrément à la présidence. J’ai dit oh boy! OK!»
Ici encore aujourd’hui, au Canada, on a un tiers des sociétés cotées en Bourse qui n’ont même pas une femme au conseil. Donc, ce sont des tables composées d’hommes qui ont probablement pour la plupart la même origine ethnique, des hommes blancs, pour la plupart, le même âge, la mi-cinquantaine, le même background académique, etc.
Mme Béliveau se dit chanceuse. Elle a toujours réussi à faire tout ce qu’elle souhaitait, sans que le fait d’être une femme ne s’impose comme un obstacle. «J’ai été policière, j’ai été dans l’armée. Je me suis toujours permis [de foncer]. Alors quand on m’a approché pour la présidence, on s’est fié à mon bagage de télévision et on connaissait mes forces, ma rigueur et ma façon de fonctionner.» Elle se dit tout de même consciente qu’elle est peut-être une des exceptions à la règle. «Quand je regarde autour de moi, je vois que ce sont des situations qui arrivent souvent, je le constate.»
Alors bien qu’elle se réjouisse de cette mince hausse, les femmes sont toujours trop peu représentées dans des fonctions comme celles qu’elle occupe. «19%, c’est extrêmement bas. Je suis effarée. Cependant, je suis certaine que bientôt, ça va venir [aux oreilles] des entreprises. [...] Je vois le vent changer en ce moment en faveur des femmes et je suis certaine que les entreprises qui ne font pas attention [au nombre de femmes dans leurs CA], bientôt ça sera des exigences qui seront demandées et heureusement! Parce qu’une femme sur cinq, ce n’est rien!»
Législation
Pour Caroline Codsi, bien qu’une légère progression soit bien accueillie, le Canada enregistre un retard comparativement, par exemple, à d’autres pays d’Europe en termes de proportion féminine au sein des CA. «Et ce n’est pas parce qu’on n’est pas plus progressiste et pas parce qu’on est plus sexiste au Canada, mais vraiment parce que dans les pays d’Europe, il y a eu de la législation.»
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Ces législations, par exemple la loi Copé-Zimmermann en France, soit la Loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, imposent aux entreprises de trouver des femmes pour siéger à leurs CA. «La preuve est dans le pudding!, s’exclame Mme Codsi. La preuve est là, devant nos yeux. En France, ils sont à 42 % de femmes dans les conseils d’administration. Plus que le double [du Canada]. Ici encore aujourd’hui, au Canada, on a un tiers des sociétés cotées en Bourse qui n’ont même pas une femme au conseil. Donc, ce sont des tables composées d’hommes qui ont probablement pour la plupart la même origine ethnique, des hommes blancs, pour la plupart, le même âge, la mi-cinquantaine, le même background académique, etc.»
Une femme, je trouve qu’elle a une approche différente d’un homme. Une femme aussi peut être cartésienne et tout ça, mais je trouve qu’une femme a une sensibilité que souvent un homme n’a pas. Et cette sensibilité-là joue positivement à l’égard du milieu de travail.
L’objectif de la zone de parité, le 40/60, ce n’est toutefois pas réservé aux femmes, précise-t-elle. «Je dis ça pour qu’il y ait vraiment une diversité, parce que ce n’est pas mieux de n’avoir que des femmes. [...] On ne demande pas 50 % parce que ça, c’est très rigide. [...] Il faut être aussi opportuniste. Il faut s’assurer qu’on a la gamme de talents dont on a besoin autour de la table. Et c’est vraiment à compétences égales. Si on a le choix entre un homme et une femme et qu’on a plus d’hommes, on va choisir une femme. Mais le contraire est vrai aussi. On choisira l’homme si on n’a que des femmes.»
Monter le niveau d’un cran
Mme Codsi et Mme Béliveau s’étendent, lorsque les femmes sont actives et présentent dans un conseil d’administration, le niveau général du CA monte d’un cran. «Parce que les femmes se préparent tellement, elles sont tellement dans le détail. Elles ont tellement peur justement d’être vues comme incompétentes qu’elles arrivent archi préparées et elles posent les bonnes questions, affirme Mme Codsi. Et ça pousse vraiment le niveau vers le haut.»
«La charge mentale d’une femme, qu’on a depuis toujours, fait qu’on est multidisciplinaire, renchérit Mme Béliveau. Une femme, je trouve qu’elle a une approche différente d’un homme. Une femme aussi peut être cartésienne et tout ça, mais je trouve qu’une femme a une sensibilité que souvent un homme n’a pas. Et cette sensibilité-là joue positivement à l’égard du milieu de travail.»