{"accessibility":"RESTRICTED","authors":[{"description":{},"email":"mlamothe@lescoops.ca","imageUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F3b40d82b-9ce8-4e07-9833-47ed6cfc4c1a.png&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","name":"Mathieu Lamothe","source":"Les Coops de l'information","twitter":"MathieuLamothe"}],"channel":"RÉSERVÉ À NOS ABONNÉS","chapters":[{"position":0,"text":"

Gabriel Lévesque est paramédic depuis 1982. Le 16 juin prochain, il prendra une retraite bien méritée. Il ne regrette pas son choix de carrière et se dit aussi passionné qu’à ses débuts. Mais il constate que plusieurs de ses jeunes collègues envisagent de se réorienter, certains après seulement quelques années de métier.

Le manque de reconnaissance, le fait d’être considérés comme le dernier maillon de la chaîne du système de santé et les événements traumatisants auxquels ils sont confrontés pèsent lourd sur les épaules de certains paramédics.

Selon une étude menée en 2016, une personne «ordinaire» sera confrontée à deux ou trois situations à potentiel traumatique au cours de sa vie. Un premier répondant? Entre 600 et 850.

Infanticides, féminicides, suicides et accidents de la route mortels: Gabriel Lévesque a vécu de nombreux événements traumatisants au cours de sa longue carrière. Sans gêne, il reconnaît qu’il a dû aller chercher de l’aide et trouver des moyens de traverser certains épisodes de sa carrière.

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Au sein de l’entreprise ambulancière Dessercom, qui compte une trentaine de points de service au Québec, le nombre d’heures de consultation du programme d’aide aux employés a augmenté de plus de 25% en deux ans.

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J’ai vu des choses épouvantables et peut-être certaines qu’un être humain ne devrait pas voir. Mais je crois avoir une bonne gestion mentale. Jumelée avec ma passion pour la course à pied, je crois que je m’en suis bien sorti.

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«Mais j’ai tout de même dû consulter un psychologue. Je n’ai jamais hésité et j’encourage tout le monde à le faire», confie le sexagénaire, qui a toujours senti le soutien de son employeur.

Choc post-traumatique

Ce ne sont pas tous les paramédics qui ont eu cette chance. Il y a quelques années, Benoît (nom fictif) a été le premier paramédic à arriver sur les lieux d’un infanticide. Avant même les policiers. Il a effectué des manoeuvres de réanimation sur l’enfant jusqu’à son arrivée à l’hôpital, où son décès a été constaté.

Après cet événement, le paramédic a été en arrêt de travail pendant près de deux ans en raison d’un choc post-traumatique. Il considère qu’il ne serait pas resté à l’écart aussi longtemps s’il avait été soutenu et encadré adéquatement.

Il déplore qu’une dizaine d’heures se soit écoulée entre l’appel initial et sa rencontre avec les enquêteurs, de ne pas avoir été mis à l’écart rapidement en attendant de pouvoir rentrer chez lui, ainsi que l’attitude «inacceptable» de ses supérieurs de l’époque.

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Tout ce qui pouvait mal aller a mal été. J’ai tellement été poussé à bout que je me suis senti agressé. Mon uniforme me levait le coeur. En retournant chez moi après, je me suis rendu compte que j’étais inapte à conduire.

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«Le lendemain, en me rendant à un débriefing, je paranoïais, poursuit-il. J’avais peur à un guet-apens. Des mois après, quand je passais devant mon lieu de travail, je serrais mon volant et je criais. Je vivais un trauma évident.»

«Je ne veux pas te briser»

Aujourd’hui, l’ensemble des coopératives de paramédics du Québec fait appel aux services de Julie Nadeau, une travailleuse sociale spécialisée en urgence. Passionnée par ce milieu, elle accompagne des paramédics pendant des quarts de travail, plusieurs fois par mois, pour être bien au fait de leur réalité professionnelle. Selon elle, une telle approche est essentielle afin d’aider adéquatement cette clientèle.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"caption":"Julie Nadeau est travailleuse sociale spécialisée en urgence.","contentType":"image","credits":"Courtoisie","position":7,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Fc1b9313a-98df-4e1a-a2b4-45c60b7af297.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},{"position":8,"text":"

«Ça prend des intervenants psychosociaux qui connaissent le milieu de l’urgence. Un psychologue qui va pleurer autant que le paramédic qui vient de faire des manoeuvres sur un bébé, ce n’est pas aidant. C’est ça que mes clients me disent. La phrase que j’entends le plus souvent après des traumas c’est: ‘je ne veux pas te briser’. Mais moi, je leur dis qu’ils peuvent ranger leur cape de superhéros avec moi et tout me raconter. C’est ça que ça leur prend pour passer au travers. Et ça prend quelqu’un de solide [en face d’eux]», explique la travailleuse sociale.

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La pandémie

La maison d’hébergement La Vigile, qui vient spécifiquement en aide aux personnes pratiquant des métiers d’urgence, a accueilli 19 paramédics en 2021, comparativement à 13 en 2020.

Les consultations externes ont quant à elles augmenté de façon significative, passant de 238 à 298. Ces données n’incluent pas les appels téléphoniques ponctuels de porteurs d’uniforme désireux de ventiler.

«Nous avons demandé beaucoup à nos paramédics au cours des deux dernières années, constate Geneviève Arguin, directrice générale de La Vigile. Il y a beaucoup d’épuisement. Il y en avait déjà avant, mais la pandémie est venue en ajouter encore plus.»

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En plus des modifications fréquentes des protocoles à suivre, les paramédics doivent vivre avec la peur d’être infectés et de contaminer leurs proches à leur retour à la maison.

«La pandémie, je m’en serais passé dans ma carrière, avoue Gabriel Lévesque. Quand ç’a commencé, mes frères et soeurs m’ont conseillé de prendre ma retraite. Ils étaient inquiets et ma conjointe aussi. J’ai dit non. La comparaison est peut-être boiteuse, mais un soldat ne se sauverait pas si une guerre éclatait. Mais on a tout de même eu la chienne. Nous étions face à un virus qu’on ne connaissait pas.»

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