L’arrivée de Steven del Duca à la tête du parti s’inscrit dans la continuité. Le chef n’a manifesté aucune volonté de tenter de repositionner son parti plus au centre. Bien au contraire, il continue de talonner le Nouveau Parti démocratique, en présentant des mesures similaires à celles de ce parti et parfois même plus audacieuses, comme l’avait fait auparavant Kathleen Wynne. Ainsi, les deux partis s’engagent à construire 1,5 million de nouveaux logements, alors que le Parti libéral promet de limiter la taille des classes à 20 élèves comparativement à 24 pour le NPD.
Mais en regardant plus attentivement la plateforme des libéraux, on remarque que ceux-ci n’ignorent pas complètement les conservateurs. La principale mesure qui pourrait venir sérieusement embêter Doug Ford est la promesse d’éliminer graduellement le déficit de la province. Tant les libéraux que les conservateurs promettent de le réduire à 5 milliards de dollars à la dernière année de leur mandat. S’il est vrai que d’ici là, les déficits seront plus élevés si le Parti libéral est au pouvoir, la différence ne sera pas substantielle: on parle de 5 milliards de plus sur une période de quatre ans. Rappelons que le Parti conservateur prévoyait un déficit accumulé de 45 milliards sur quatre ans dans son dernier budget.
Si les libéraux réussissent à contrôler la taille du déficit de la province, c’est en partie parce qu’ils s’attaquent aux revenus. Au Canada, pendant des décennies, la lutte au déficit passait par le contrôle des dépenses. L’équilibre budgétaire, disait-on, ne pouvait être atteint que si l’on coupait dans les programmes. Les choses ont commencé à changer en 2015 avec l’élection de Justin Trudeau qui a haussé le taux d’imposition des particuliers les mieux nantis. Steven Del Duca promet la même chose: les revenus supérieurs à 500 000$ par année seront imposés plus fortement.
Il était temps que la province s’attaque à la question du financement des services publics. Contrairement à ce que plusieurs pensent, c’est en Ontario que les plus riches paient le moins d’impôt au Canada. Le taux d’imposition le plus élevé de la province est 13,16%, alors qu’il est de 14,5% en Saskatchewan, 15,0% en Alberta et 16,7% à l’Île-du-Prince-Édouard (les trois autres provinces avec les taux les moins élevés). La Colombie-Britannique, qui s’est longtemps vantée d’avoir les taux d’imposition les plus bas au pays, a maintenant un taux de 20,5% pour les mieux nantis. Sans surprise, c’est au Québec qu’il est le plus élevé, à 25,75%, mais il est en partie compensé par un taux d’imposition fédéral moins élevé (c’est l’abattement du Québec).
Les libéraux de l’Ontario promettent de hausser le taux d’imposition pour les revenus les plus levés à 15,16%. Cette hausse n’est pas négligeable, mais elle ne sera pas suffisante pour couvrir l’ensemble de leurs promesses. Au mieux, elle permettra de générer 1 milliard de dollars supplémentaires.
Historiquement, l’Ontario a toujours démontré une frilosité à augmenter les budgets publics. C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi le NPD a tant de difficulté à s’imposer comme parti pouvant véritablement aspirer à prendre le pouvoir. Mais si la province désire s’offrir plus de services publics, elle n’aurait pas d’autre choix que de se demander qui va les financer. Et ça ne sera sans doute pas assez de dire que ça devra être les plus riches. Il faudra que l’ensemble des contribuables acceptent de payer la facture, du moins en partie.