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En entrevue au Droit, Mgr Paul-André Durocher affirme que la question de la prière aux Communes «concerne le Parlement» et qu’il ne «pense pas que l’Église, comme institution, va s’ingérer là-dedans».

Après une journée consacrée à débattre de l’avenir de la prière à la Chambre des communes, les députés fédéraux voteront mercredi sur une motion présentée par le Bloc québécois pour que la prière devienne un moment de réflexion.

«L’intention qu’on a en déposant cette motion-là est de faire en sorte que ce moment de réflexion soit plus représentatif de tous les parlementaires, mais aussi de l’ensemble des citoyens du Québec et du Canada», explique le député de Drummond, Martin Champoux.

M. Champoux est l’élu qui propose de modifier la prière qui existe depuis 1877 et qui a été modifiée pour la dernière fois en 1994. Une prière de quatre phrases est lue dans les deux langues officielles par le président de la Chambre des communes aux élus avant le début des travaux, loin des regards du public et est suivie d’un moment de silence.

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Je suis bien d’accord qu’on remplace la prière par quelques instants de silence, mais c’est plutôt au niveau des principes [que je m’interroge]. Par exemple, si on dit l’important, c’est de respecter la neutralité religieuse, ça ne veut pas nécessairement dire qu’on bannit la religion de l’espace public. Ce sont des questions de fond qui ne sont pas débattues.

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La prière, qui n’est pas obligatoire pour les députés, commence par «Dieu tout-puissant» et se termine par «Amen» et vise notamment à remercier Dieu pour «ses nombreuses grâces [qu’il a] accordées au Canada et à ses citoyens».

Si Mgr Durocher n’a pas un attachement profond à la prière aux Communes, il s’interroge sur la notion de neutralité religieuse de l’État que traite cette motion.

«Je suis bien d’accord qu’on remplace la prière par quelques instants de silence, mais c’est plutôt au niveau des principes [que je m’interroge]. Par exemple, si on dit l’important, c’est de respecter la neutralité religieuse, ça ne veut pas nécessairement dire qu’on bannit la religion de l’espace public. Ce sont des questions de fond qui ne sont pas débattues», dit-il.

La surprise au Parlement

À Ottawa, tous les partis politiques ont fait le saut lorsque le Bloc a présenté sa motion. Bien des parlementaires se sont dits surpris que le Bloc prenne l’une de ses deux journées d’opposition de la session pour cet enjeu alors que le règlement aurait pu être débattu et changé en comité.

«Non, mais, pensez-vous réellement là que les Québécois, les Gaspésiens puis les Madelinots parlent de la prière à la Chambre des communes?», a lancé la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, en se rendant à la rencontre du cabinet.

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Aux Communes, le député conservateur de Louis-Saint-Laurent, Gérard Deltell, s’est dit «surpris» par une telle motion, puisque «personne» ne lui a parlé de cette prière.

«Jamais je n’ai été interpellé là-dessus. Et là on arrive avec cette motion là», a-t-il dit visiblement surpris.

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À l’instar de bon nombre de libéraux, le premier ministre Justin Trudeau n’a pas dit comment il entendait voter, mais lui aussi a dit ne pas avoir entendu de préoccupations à ce sujet dans sa circonscription, au Québec ou au Canada.

Toute la journée, mardi, libéraux, conservateurs et néo-démocrates posaient la même question: «Pourquoi?»

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Ils vivent sur une autre planète! Tous les jours, il y a des attaques contre la laïcité au Québec. Où ont-ils la tête ceux qui disent que ce n’est pas un enjeu?

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Un enjeu pressant

Au bout du fil, Daniel Baril n’en revient pas. «Ils vivent sur une autre planète! Tous les jours, il y a des attaques contre la laïcité au Québec. Où ont-ils la tête ceux qui disent que ce n’est pas un enjeu?», lance-t-il.

M. Baril se bat depuis des années pour la liberté de conscience et la séparation de l’Église et de l’État. Aujourd’hui, il préside le Mouvement laïque québécois, qui milite sans cesse en faveur de la Loi sur la laïcité de l’État, la Loi 21 au Québec.

La Loi 21 a beau avoir été adoptée en juin 2019, elle est encore régulièrement au menu dans les débats politiques au Canada.

Les candidats à la direction du Parti conservateur du Canada, tout comme le premier ministre Justin Trudeau, ont dû se prononcer sur une possible intervention du gouvernement fédéral en Cour suprême si une cause concernant cette loi devait y aboutir.

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M. Baril préside l’organisme qui a obtenu une décision unanime de la Cour suprême du Canada dans l’affaire des prières au conseil municipal de la Ville de Saguenay.

«Nous, ce qu’on veut, c’est que les us et coutumes du Parlement fédéral soient conformes à la décision de la Cour suprême du Canada. Le jugement ne dit pas ‘’la Ville de Saguenay doit être neutre religieusement’’, c’est l’État. Ça prend une neutralité réelle et apparente», dit-il.

Or, dans son jugement, la Cour Suprême n’a pas voulu se prononcer sur la prière au Parlement, puisqu’elle n’avait pas de «preuve détaillée sur la pratique au Parlement».

«Sans argumentaire complet à ce sujet, il est inopportun pour la Cour de se prononcer sur sa teneur ou de l’utiliser afin de valider la prière de la Ville», écrivait le juge Clément Gascon dans sa décision.

Un motif de division?

Ainsi, à la veille de la Marche nationale pour la vie 2022 et une semaine après que le droit à l’avortement ait été débattu aux communes, le Bloc québécois ramène la religion dans le débat public.

«Je me demande pourquoi nous sommes en train d’avoir un débat au sujet d’un symbole important si le but était de faire un changement avec un consensus et de ne pas avoir un ‘’wedge issue’’», a noté le député du NPD Daniel Blaikie en Chambre.

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On a vraiment des visions complètement différentes. Le Québec a une approche beaucoup plus républicaine et laïque que le reste du Canada, qui adopte le modèle britannique.

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Le politologue Yannick Dufresne se spécialise dans les questions de laïcité de religion en politique. Son constat est sans équivoque lorsqu’il observe la conception de la religion et la place que prend la religion dans l’État au Québec et au Canada. «On a vraiment des visions complètement différentes», soutient celui qui enseigne la science politique à l’Université Laval. Le Québec a une approche beaucoup plus républicaine et laïque que le reste du Canada, qui adopte le modèle britannique, observe-t-il.

Or, il rappelle que la raison d’être du Bloc québécois est de mettre en lumière les désaccords et «de surligner les différences entre le Québec et le Canada».

«De montrer, de toucher à cet enjeu-là, si c’est ça leur objectif, je comprends pourquoi ils le font. C’est une division claire», dit M. Dufresne.

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Si le parrain de la motion disait mardi vouloir un débat «respectueux» et qu’il ne voulait pas que ça devienne acrimonieux, son chef Yves-François Blanchet a appelé le premier ministre Justin Trudeau «à faire son lit» en lui donnant deux options.

Soit «il se range derrière la séparation entre l’église et l’État en sortant la prière chrétienne (sic) des travaux du parlement» ou encore «il révèle sa préférence pour une influence de la religion et de la monarchie sur le sens de l’État».

«Le Québec regarde», a-t-il conclu.

Les élus adopteront ou rejetteront le changement au règlement mercredi.

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