Des camps de jour «allégés» à Gatineau?

La complexité du recrutement de main-d'œuvre n'épargne pas les camps de jour estivaux de la Ville de Gatineau, qui requiert 300 postes d'animateurs et d'accompagnateurs.

Les parents doivent se le tenir pour dit: à quelques jours du début des tant attendues inscriptions aux camps de jour estivaux de la Ville de Gatineau, la complexité du recrutement de main-d'œuvre est telle que sur les 300 postes requis d'animateurs et d'accompagnateurs, un nombre «significativement moins élevé de candidatures» a été reçu, a appris Le Droit.


Frappée par le phénomène de la pénurie, l'embauche d'un tel nombre d'employés saisonniers est nécessaire si l'on souhaite maintenir l'objectif d'accueillir environ 2500 enfants et assurer le bon fonctionnement des camps, prévient-on. 

Les camps de jour municipaux sont habituellement populaires au point où leurs places s'envolent en l'espace de quelques heures. La Ville de Gatineau tente de combler 300 postes d'animateurs et d'accompagnateurs pour l'été.

Si ce seuil n'est pas atteint, l'administration municipale admet qu'elle pourrait se voir forcée de modifier l'offre qui avait initialement été prévue pour la saison qui s'étalera durant six semaines (4 juillet au 12 août) sur 27 différents sites d'ouest en est du territoire, ce qui pourrait venir contrecarrer les plans de certaines familles si elles n'ont pas de plan B. Il faut savoir qu'à cette période-ci du printemps, la période d'inscription dans d'autres camps (privés ou spécialisés) est, dans la plupart des cas, expirée.

«Une analyse des données est en cours. Selon le résultat de cette analyse, la capacité d’accueil et le nombre de sites seront établis en prévision des inscriptions qui débutent le 16 mai. Considérant l’enjeu du recrutement de la main-d’œuvre, une diminution du nombre de places offertes est possible», explique le Service des communications.

Très prisés, les camps de jour municipaux, dont les inscriptions se tiennent du 16 au 18 mai dépendamment des secteurs, sont habituellement populaires au point où leurs places s'envolent en l'espace de quelques heures.



«C’est une chance de motiver, d’inspirer et d’amener les enfants à se dépasser» et «une possibilité de profiter de l’été et du soleil en même temps que de travailler», précise la Ville de Gatineau, qui tente d'attirer des candidats aux postes d'animateurs et d'accompagnateurs.

Salaire haussé et stratégies de recrutement

Pourtant, pour palier à cette pénurie et «afin d'être compétitif avec le secteur privé», la Ville indique avoir majoré de presque 15% le salaire horaire de départ d'un animateur de camp de jour, le faisant passer de 14,34$ l'an dernier à 16,41$ cet été. Les candidats doivent avoir au minimum conclu leur quatrième secondaire en juin. 

Se disant consciente, «comme plusieurs villes du Québec et entreprises de l'Outaouais», qu'elle doit conjuguer avec cette réalité qui a été exacerbée avec la pandémie, Gatineau soutient qu'elle a multiplié les initiatives pour espérer attirer des jeunes. 

«Tous les efforts de recrutement sont déployés et sont diversifiés pour rejoindre un maximum de jeunes. La Ville a élaboré une campagne de communication spécifique pour promouvoir le recrutement des postes de camps de jour. [...] Nous avons également adapté nos processus d’embauche afin de limiter autant que possible les désistements ainsi que de réduire considérablement les délais entre les différentes étapes du processus d’embauche», mentionne-t-on.

30 000 places seront offertes sur une période de neuf semaines entre le début juillet et le début septembre dans les camps de jour d'Ottawa. «La Ville embauche environ 2000 employés pour l’été» et «[...] ne s’attend pas à connaître une grande difficulté pour recruter suffisamment d’employés afin de réaliser la programmation», selon Dan Chenier, directeur général du Service des Loisirs, de la Culture et des Installations.

Situation bien différente à Ottawa

À peine quelques kilomètres plus loin, de l'autre côté du pont, la situation est visiblement tout autre alors que la Ville d'Ottawa ne semble pas avoir eu à composer avec des enjeux de recrutement de main-d'œuvre. Dans la capitale, où environ 30 000 places seront offertes sur une période de neuf semaines entre le début juillet et le début septembre, le nombre de candidatures reçues serait plus de trois fois supérieur aux besoins anticipés dans les camps.

«La Ville embauche environ 2000 employés pour l’été dans 28 postes différents (coordonnateurs de camp, instructeurs, sauveteurs, etc.). Environ la moitié de ces personnes travailleront dans les camps d’été. Le processus d’embauche est en cours. À ce jour, la Ville a reçu 3670 candidatures pour un travail d’été. Environ 70 pour cent des candidatures proviennent du personnel qui travaille dans les programmes de la Ville pendant l’hiver et le printemps. On ne s’attend pas à connaître une grande difficulté pour recruter suffisamment d’employés afin de réaliser la programmation», écrit Dan Chenier, directeur général du Service des Loisirs, de la Culture et des Installations.

Les inscriptions débutent ce mercredi et la Ville dit ne pas s'attendre à devoir réduire le nombre de programmes, tout au plus certains ajustements pouvant être faits au besoin.

Au chapitre salarial, la Ville d'Ottawa offre quant à elle un taux horaire variant entre 15$ pour les conseillers de premier échelon et 17,32$ pour les directeurs de camps. Les instructeurs spécialisés gagnent quant à eux entre 18,55 et 37,10$ selon leurs aptitudes et leur certification. 

À la Sporthèque, où neuf semaines de camp de jour sont au calendrier, la quinzaine d'animateurs et de remplaçants nécessaires au bon déroulement des choses ont été recrutés, affirme Olivier Furoy, coordonnateur de programmes. 

«On a réussi à combler nos postes, ça va assez bien. Je ne cacherai pas par contre que pour certains blocs, on a une liste d'attente de plus de 100 personnes (enfants), sauf qu'avec la logistique, on ne peut pas accueillir plus de 160 à 180 jeunes par semaine. Si nous étions un camp de jour moins spécialisé, à l'extérieur, et que nous aurions accueilli 100 jeunes de plus, j'aurais eu plus de misère à trouver des moniteurs. Je pense qu'on a une bonne réputation, on a reçu des CV, mais ça ne pleut pas. On a déjà eu des entrevues de groupe il y a cinq ans, par exemple avec deux candidats à choisir parmi 15 candidats. On n'est plus là», explique-t-il. 

Ce dernier soutient que pour espérer recruter de la main-d'œuvre, il a aussi fallu revoir à la hausse la rémunération. 

«C'est certain qu'on veut offrir quelque chose de compétitif. Pour le secteur privé, on a fait une bonne augmentation, on se rapproche (du taux) de la Ville. Il y a le salaire, oui, mais aussi un environnement de travail agréable, flexible, sécuritaire. Ma gang cette année, c'est à peu près à 75% celle de l'été dernier. Ils avaient eu du plaisir, s'étaient fait des amis, alors on a un bon taux de rétention. Sans ce 75%, on aurait eu plus de difficulté», affirme M. Furoy.

«On offre neuf semaines (de camp), de sorte que c'est trois semaines de salaire supplémentaires (par rapport à la Ville, par exemple). Dans un seul été, cet argent-là fait une grosse différence pour les jeunes», affirme Jessica Saumure, kinésiologue et responsable du camp de jour de l'Université du Québec en Outaouais.

Le salaire, un enjeu?

Au camp de jour de l'Université du Québec en Outaouais (UQO), qui accueillera durant la saison chaude environ 135 enfants et où on avait besoin de recruter près d'une vingtaine d'animateurs et d'aides-animateurs, le portrait est similaire. 

«On a remarqué qu'on a reçu moins de CV qu'à l'habitude, mais à l'intérieur de ça, il y avait quand même de super bons candidats, on a réussi à avoir tout notre monde. Pour les aides-animateurs, ils peuvent être un peu plus jeunes, ils peuvent être embauchés dès 14 ans, alors que les animateurs doivent avoir au moins 17 ans. Il y a seulement le poste d'animateur pour aider des enfants à besoins particuliers pour lequel on n'a pas eu de candidature à date», de dire Jessica Saumure, kinésiologue et responsable du camp de jour. 

Celle-ci ne croit pas que le salaire soit un gros enjeu dans la balance pour le recrutement de candidats potentiels, estimant que c'est l'environnement et l'ambiance qui font la différence.

«À l'UQO, il y a l'air climatisé, une grande piscine, nous sommes près des parcs, etc. Il y aussi le fait qu'on offre neuf semaines (de camp), de sorte que c'est trois semaines de salaire supplémentaires (par rapport à la Ville, par exemple). Dans un seul été, cet argent-là fait une grosse différence pour les jeunes», ajoute-t-elle.

[...] On a décidé d'augmenter les salaires pour que ce soit plus intéressant dès le départ, on avait vu venir le coup. Le recrutement, il est certain que ce sera de plus en plus un enjeu avec les années, ça ne s'améliorera pas à court terme. Il y a aura des actions à prendre de ce côté-là», soutient Olivier Houde, directeur des camps de jour Sportmax.

«Trip d'été avec la gang»

Chez Sportmax, qui gère quatre sites à Gatineau et offre des camps de jour spécialisés à plus de 8000 enfants par semaine, on indique que ça se bouscule assurément moins au portillon pour les offres d'emploi mais qu'on réussit à bien se tirer d'affaire. Là aussi, les échelles salaires ont été rehaussées.

«Effectivement, il y a diminution du nombre de candidatures reçues, on sent que ce ne n'est pas en hausse, mais on a quand même une capacité d'attraction qui est grande. On est bien connu dans la région, le bouche-à-oreille fonctionne bien avec nos employés. On a aussi des camps touche-à-tout, mais on est un peu plus haut de gamme, on cherche des jeunes un peu plus spécialisés. [...] On a décidé d'augmenter les salaires pour que ce soit plus intéressant dès le départ, on avait vu venir le coup. Le recrutement, il est certain que ce sera de plus en plus un enjeu avec les années, ça ne s'améliorera pas à court terme. Il y a aura des actions à prendre de ce côté-là», lance Olivier Houde, directeur des camps de jour et des services administratifs et financiers. 

L'entreprise, qui a vu le jour dans les années 90, gère des camps de jour dans les Laurentides, à Montréal, à Laval et en Outaouais. 

M. Houde est d'avis que la pandémie a certes laissé des marques, qu'on le veuille ou non.

«L'expérience de travail en camp de jour, c'est un trip d'été avec la gang, on va se le dire. On ne peut pas augmenter le salaire à la hauteur de ce que ça vaut, mais c'est le même principe que dans les domaines de l'éducation et de la santé, par exemple. On sort également de deux ans de pandémie, où les activités sociales, la vie de camp à l'extérieur (du travail) n'était plus ce qu'elle était. Ça n'a pas aidé pour le taux de rétention, qui est encore bon, mais a diminué. Ce n'est pas vrai (en 2020 et 2021) que l'expérience en camp était aussi le fun qu'avant la pandémie, alors on perdait des arguments. Les bénéfices ont été réduits. On fonde beaucoup d'espoir sur le retour à la quasi normale, ça va permettre aux jeunes d'attirer des amis (dans le futur), des connaissances. Les activités sociales, c'est ce qui fait la différence à cet âge-là. Reste que c'est un emploi super formateur», dit-il.